L’élection de Bassirou Diomaye Faye fut un chef-d'œuvre de stratégie politique. Ousmane Sonko, victime d’un système judiciaire instrumentalisé, a su transformer son inéligibilité en force. En désignant Diomaye comme son double institutionnel, il a converti un empêchement personnel en un tremplin collectif. Sur la place de la Nation, ce cri résonna : « Je suis Diomaye, Diomaye est moi. » Le peuple ne vota pas pour un haut fonctionnaire, mais pour un binôme indissociable. Diomaye devint le corps éligible d’une âme révolutionnaire. Le cœur du projet, c’était Sonko. Sonko, c’était la colère maîtrisée, l’espoir discipliné, l’avenir à réécrire. Diomaye n’était que le véhicule. Et cette mécanique politique subtile, Max Weber l’aurait appelée : légitimité charismatique par procuration. Un pouvoir prêté, non conquis. Une autorité née de la transcendance militante d’un autre. Ce pouvoir n’était pas personnel, il était circonstanciel. Il n’était pas le fruit d’un parcours, mais d’une confiance déléguée.
L’histoire politique du Sénégal n’est pas avare en précédents douloureux. En 1962, Léopold Sédar Senghor évinça Mamadou Dia, le cerveau de la première République, au nom de la stabilité. En 2008, Abdoulaye Wade rejeta Macky Sall, qui l’avait pourtant loyalement servi. Ces ruptures, chaque fois, furent justifiées par la Realpolitik. Mais aujourd’hui, en 2025, l’époque des intrigues de couloir est révolue. Les jeunes ne pardonnent plus. Les réseaux sociaux ont remplacé les places publiques comme baromètre de la vérité. Et dans cet espace numérique, c’est encore le nom de Sonko qui fédère, qui mobilise, qui inspire. Pas celui de Diomaye.
Depuis plusieurs mois, le président Diomaye reste sourd et muet aux attaques contre Sonko. Les médias, de plus en plus nombreux, orchestrent des campagnes de disqualification. Des proches du pouvoir insinuent qu’il serait devenu une gêne, voire un facteur de déstabilisation. Or, en restant dans l’ombre, Diomaye commet une double faute. Une faute par omission d’abord, car comme le disait Saint-Augustin, « ne pas défendre son frère, c’est le poignarder ». Mais aussi une faute par calcul, car comme l’avertissait Machiavel, « le prince qui croit assoir son pouvoir en sacrifiant ses créateurs se condamne lui-même ». Ce silence prolongé est moins de la prudence que de l’oubli. Et dans l’univers des révolutions, l’oubli est un crime impardonnable.
Ceux qui croient que la légitimité présidentielle se suffit à elle-même méconnaissent le pacte du 24 mars. Ce jour-là, des millions de Sénégalais ont voté pour un homme qu’ils ne connaissaient pas. Ils ont voté pour un symbole. Ce symbole, c’était la figure sacrificielle de Sonko. Il incarnait l’humiliation de Ziguinchor, la prison arbitraire, les jeunes tombés lors des manifestations, la frustration d’une génération trahie. Aujourd’hui, que cette figure soit marginalisée par ceux-là mêmes qui l’ont accompagnée au pouvoir relève d’une amnésie stratégique dangereuse. Car les révolutions punissent l’ingratitude plus durement que les dictatures.
Il reste pourtant une voie de salut. Mais elle passe par un triple acte de courage : symbolique, institutionnel et populaire. Le premier geste, le plus urgent, serait une allocution présidentielle claire, frontale, solennelle. Un discours dans lequel Diomaye assumerait publiquement que sa légitimité repose sur un socle collectif, qu’il est le gardien d’un projet dont Sonko est l’architecte. Ce serait un signal fort. Non pas de faiblesse, mais d’humilité républicaine. Ensuite, il faudrait poser un acte politique fort : la création d’une instance consultative stratégique, placée sous la responsabilité directe de Sonko. Pas une coquille vide, mais un véritable organe d’orientation, doté d’un droit de regard sur les grandes décisions de réforme. Cela ne serait pas un recul du pouvoir, mais une clarification du pacte initial. Enfin, le temps est venu de reconnecter l’État à la rue. Organiser des états généraux de la révolution serait l’occasion de redonner la parole au peuple, de rafraîchir le mandat, de rappeler que cette gouvernance est née d’une douleur populaire, pas d’un consensus bourgeois.
L’histoire regorge de leçons pour ceux qui veulent bien les entendre. Hannah Arendt nous rappelle que le pouvoir naît de la place publique, pas des palais. Aristote disait qu’un chef qui partage l’autorité la multiplie. Cheikh Anta Diop affirmait que tout peuple trahi par ses élites finit par se lever. Et Frantz Fanon, prophétique, écrivait : « Chaque génération doit découvrir sa mission : la remplir ou la trahir. » Nous y sommes.
Bassirou Diomaye Faye se trouve aujourd’hui à un carrefour existentiel. S’il continue à s’isoler, s’il trahit l’esprit du pacte révolutionnaire, s’il sacrifie Sonko sur l’autel de la normalisation, il ne deviendra pas un président souverain. Il deviendra un président fantôme. Et le peuple lui rappellera cet adage wolof : Ku sàcc sa ngour mbokkam, daanu, que l’on pourrait traduire ainsi : « Celui qui vole le trône de son frère, tombera. »
Mais s’il assume le binôme, s’il honore sa dette historique, alors il entrera dans l’Histoire comme le Socrate de la révolution sénégalaise : modeste dans l’apparat, fidèle dans l’esprit, grand dans l’humilité. Car le Sénégal de 2025 n’a pas besoin d’un roi. Il attend un homme capable de rester à la hauteur de sa propre origine.
Le peuple n’attend plus de promesses. Il attend la mémoire d’un serment. Le pouvoir ne se garde pas par le silence, mais par la loyauté. Et la révolution n’accepte pas les fantômes.
Abdoul K DIEDHIOU
Sonkoiste, Gardien du Projet
L’histoire politique du Sénégal n’est pas avare en précédents douloureux. En 1962, Léopold Sédar Senghor évinça Mamadou Dia, le cerveau de la première République, au nom de la stabilité. En 2008, Abdoulaye Wade rejeta Macky Sall, qui l’avait pourtant loyalement servi. Ces ruptures, chaque fois, furent justifiées par la Realpolitik. Mais aujourd’hui, en 2025, l’époque des intrigues de couloir est révolue. Les jeunes ne pardonnent plus. Les réseaux sociaux ont remplacé les places publiques comme baromètre de la vérité. Et dans cet espace numérique, c’est encore le nom de Sonko qui fédère, qui mobilise, qui inspire. Pas celui de Diomaye.
Depuis plusieurs mois, le président Diomaye reste sourd et muet aux attaques contre Sonko. Les médias, de plus en plus nombreux, orchestrent des campagnes de disqualification. Des proches du pouvoir insinuent qu’il serait devenu une gêne, voire un facteur de déstabilisation. Or, en restant dans l’ombre, Diomaye commet une double faute. Une faute par omission d’abord, car comme le disait Saint-Augustin, « ne pas défendre son frère, c’est le poignarder ». Mais aussi une faute par calcul, car comme l’avertissait Machiavel, « le prince qui croit assoir son pouvoir en sacrifiant ses créateurs se condamne lui-même ». Ce silence prolongé est moins de la prudence que de l’oubli. Et dans l’univers des révolutions, l’oubli est un crime impardonnable.
Ceux qui croient que la légitimité présidentielle se suffit à elle-même méconnaissent le pacte du 24 mars. Ce jour-là, des millions de Sénégalais ont voté pour un homme qu’ils ne connaissaient pas. Ils ont voté pour un symbole. Ce symbole, c’était la figure sacrificielle de Sonko. Il incarnait l’humiliation de Ziguinchor, la prison arbitraire, les jeunes tombés lors des manifestations, la frustration d’une génération trahie. Aujourd’hui, que cette figure soit marginalisée par ceux-là mêmes qui l’ont accompagnée au pouvoir relève d’une amnésie stratégique dangereuse. Car les révolutions punissent l’ingratitude plus durement que les dictatures.
Il reste pourtant une voie de salut. Mais elle passe par un triple acte de courage : symbolique, institutionnel et populaire. Le premier geste, le plus urgent, serait une allocution présidentielle claire, frontale, solennelle. Un discours dans lequel Diomaye assumerait publiquement que sa légitimité repose sur un socle collectif, qu’il est le gardien d’un projet dont Sonko est l’architecte. Ce serait un signal fort. Non pas de faiblesse, mais d’humilité républicaine. Ensuite, il faudrait poser un acte politique fort : la création d’une instance consultative stratégique, placée sous la responsabilité directe de Sonko. Pas une coquille vide, mais un véritable organe d’orientation, doté d’un droit de regard sur les grandes décisions de réforme. Cela ne serait pas un recul du pouvoir, mais une clarification du pacte initial. Enfin, le temps est venu de reconnecter l’État à la rue. Organiser des états généraux de la révolution serait l’occasion de redonner la parole au peuple, de rafraîchir le mandat, de rappeler que cette gouvernance est née d’une douleur populaire, pas d’un consensus bourgeois.
L’histoire regorge de leçons pour ceux qui veulent bien les entendre. Hannah Arendt nous rappelle que le pouvoir naît de la place publique, pas des palais. Aristote disait qu’un chef qui partage l’autorité la multiplie. Cheikh Anta Diop affirmait que tout peuple trahi par ses élites finit par se lever. Et Frantz Fanon, prophétique, écrivait : « Chaque génération doit découvrir sa mission : la remplir ou la trahir. » Nous y sommes.
Bassirou Diomaye Faye se trouve aujourd’hui à un carrefour existentiel. S’il continue à s’isoler, s’il trahit l’esprit du pacte révolutionnaire, s’il sacrifie Sonko sur l’autel de la normalisation, il ne deviendra pas un président souverain. Il deviendra un président fantôme. Et le peuple lui rappellera cet adage wolof : Ku sàcc sa ngour mbokkam, daanu, que l’on pourrait traduire ainsi : « Celui qui vole le trône de son frère, tombera. »
Mais s’il assume le binôme, s’il honore sa dette historique, alors il entrera dans l’Histoire comme le Socrate de la révolution sénégalaise : modeste dans l’apparat, fidèle dans l’esprit, grand dans l’humilité. Car le Sénégal de 2025 n’a pas besoin d’un roi. Il attend un homme capable de rester à la hauteur de sa propre origine.
Le peuple n’attend plus de promesses. Il attend la mémoire d’un serment. Le pouvoir ne se garde pas par le silence, mais par la loyauté. Et la révolution n’accepte pas les fantômes.
Abdoul K DIEDHIOU
Sonkoiste, Gardien du Projet