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Comme son prédécesseur et sosie, il nous prend pour des moins que rien.


Rédigé le Samedi 3 Octobre 2020 à 01:11 | Lu 519 fois | 0 commentaire(s)




Je ne le répéterai jamais assez : malgré des apparences bavardes et trompeuses, l’homme qui préside aux destinées de notre pays depuis le 2 avril 2012 n’est pas loin de nous prendre pour ses sujets et nous gouverne comme tels. Nombre de ses propos comme de ses décisions nous en administrent, au quotidien, la parfaite illustration. La dernière décision-farce qu’il a prise avec pompe, c’est la validation, lors du Conseil des Ministres du 16 septembre 2020, de la ‘’Stratégie nationale de lutte contre la corruption au Sénégal sur la période 2020-2024’’ de l’Office national de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC). Le communiqué du Conseil en a rendu compte en ces termes : « Le Chef de l’État a, dans cet élan, demandé au gouvernement, au secteur privé et à la société civile, d’apporter à l’Ofnac tout le concours nécessaire à l’exécution optimale du Plan d’action quinquennal. Il a, enfin, demandé à l’Ofnac, de lui transmettre chaque année, un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la Stratégie ».

Il a été précisé que le processus d’élaboration de la Stratégie a été lancé par l’OFNAC le 17 octobre 2017 et que le projet a été présenté aux différentes parties prenantes pour validation technique le 25 juin 2019. Que peut-on attendre vraiment de la validation par le Chef de l’État de cette stratégie, de cette validation qui suscite bien des questions ? L’OFNAC a été créé par la loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012. Pour des contraintes liées à la lenteur du président-politicien dans la prise de décisions importantes qui en disaient déjà plus ou moins long sur ses véritables intentions, l’OFNAC n’a démarré péniblement ses activités que le 11 août 2014, après l’installation effective des services à son siège. Je rappelle que son premier rapport (2014-2015) n’ayant pu être présenté au Président de la République qui n’en a manifestement pas voulu, a été rendu public par la Présidente d’alors, conformément à la loi qui a créé  l’Office. Ainsi, en son article 17, celle-ci dispose : « L’OFNAC établit chaque année un rapport d’activités qui comporte notamment les propositions de mesures tendant à prévenir les actes de fraude ou de corruption. Ce rapport est remis au Président de la République. Il est rendu public par tous moyens appropriés. » L’ancienne Présidente était alors dans son rôle quand elle a pris l’initiative de présenter le rapport aux partenaires de l’Office, à la presse et aux citoyens, conformément à la loi. Le lendemain, elle a fait la ‘’Une’’ de nombre de journaux, avec des commentaires parfois gratuitement méchants, de la part de personnes qui ne savaient pratiquement rien du fonctionnement de l’OFNAC.

Dans le rapport 2014-2015, l’ancienne Présidente note ceci : « Compte tenu de la vocation fondamentale définie par le législateur au rapport public, la principale valeur ajoutée attendue de cet exercice réside dans les propositions de réformes soumises au Président de la République. » Elle ajoute : « Le même article 17 insiste sur l’importance des recommandations à formuler, en disposant que le rapport (…) comporte notamment des propositions de mesures tendant  prévenir les actes de fraude ou de corruption ». Ces propositions de mesures à l’attention du Président de la République, lui permettent de « prendre toute la mesure des avancées, des contraintes et limites dans le dispositif de lutte contre la fraude et la corruption, ainsi que dans la Gouvernance publique en général ». Les mêmes recommandations qui accompagnent les dysfonctionnements constatés çà et là, lui ouvrent alors « des perspectives de réformes pour apporter les ajustements nécessaires dans la gestion des affaires publiques ».

L’ancienne Présidente poursuit : « Ainsi, le rapport public constitue, à la fois, un outil précieux pour l’Autorité politique en matière de Gouvernance publique et un cadre privilégié de communication et de partage avec les citoyens qui sont les principaux bénéficiaires des actions des Institutions de lutte contre la corruption ». Je fais remarquer au passage que le seul site du Gouvernement ne permet pas d’atteindre cet objectif important. Il n’est qu’un moyen parmi tant d’autres, bien plus accessibles au plus grand nombre. C’est ce souci, conforme à la loi, qui habitait l’ancienne Présidente de l’OFNAC, quand elle présentait le Rapport 2014-2015 au Méridien Président. Elle était davantage fondée à le faire que, pendant qu’on lui opposait l’agenda chargé du président-politicien pour lui refuser systématiquement une audience, la Présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et celle du  Haut Conseil pour le Dialogue social lui présentèrent sans problème leurs rapports respectifs.

Le chapitre III du rapport public est dédié au ‘’Programme Enquêtes et Investigations’’. Après une large explication du Programme, le rapport rend compte des résultats des différentes missions envoyées auprès de services d’où sont parties des plaintes ou des dénonciations auparavant minutieusement examinées. Il résume à l’attention du Président de la République et du public, les dossiers d’enquêtes et d’investigations examinés et finalisés par l’Assemblée générale de l’Office. Cette Assemblée est composée de douze membres nommés par le Président de la République. C’est elle qui, après examen, décide de l’envoi ou non d’un dossier au Procureur de la République. Ce processus a fait l’objet de beaucoup d’amalgames, parfois à dessein, du temps de l’ancienne Présidente qui ne fait pourtant que transmettre le dossier, sans y ajouter ou y enlever une seule virgule. Si je ne voulais pas que le texte soit plus long, j’expliquerais dans le détail les procédures d’enquête et de contrôle de qualité des rapports, ceux qui sont transmis à l’autorité judiciaire compétente, distinct du rapport public annuel de l’Office, destiné au Président de la République et du public. La confusion est souvent faite.

Donc, du 11 août 2014, début des activités de l’OFNAC, l’ancienne Présidente a transmis au Procureur de la République huit rapports, sans compter trois autres qui étaient prêts à être envoyés mais qui ne l’ont pas été, du fait de la volonté du Président de la République de mettre fin à ses fonctions, le 25 juillet 2016. Sa remplaçante s’en est chargée, ce qui porte à onze (11) le nombre de rapports transmis par l’Office sous sa gouvernance. Ce nombre est passé au moins à vingt-cinq (25), vingt-cinq rapports qui dorment sur la table du Procureur de la République, jusqu’à preuve du contraire. S’y ajoutent les dizaines d’autres qui gisent sous le coude du président-politicien. Dans ces conditions, quelle valeur ajoutée l’OFNAC va-t-il tirer de la validation de sa ‘’Stratégie nationale de lutte contre la corruption au Sénégal sur la période 2020-2024’’ ? Il n’a pas attendu, évidemment, cette validation pour travailler. Sa Présidente a présenté un rapport public d’activités annuel et transmis plus de dix rapports, peut-être quinze ou plus au Procureur de la République. Pour quels résultats ?

Le président-politicien fait du cinéma. Il n’accorde aucun intérêt à cette stratégie qu’il a validée avec beaucoup de bruit. Il demande à l’OFNAC de « de lui transmettre chaque année, un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la Stratégie ». Ce rapport n’aura aucun intérêt. De mon point de vue, il sera un doublon inutile, le rapport public d’activités annuel étant largement suffisant pour rendre compte de la mise en œuvre de la stratégie.

Le président-politicien ne croit pas à l’OFNAC, ni à aucun autre organe de contrôle. Tous ne servent, à ses yeux, que de faire valoir. Il nous en a administré la preuve le 31 décembre 2018, en prenant publiquement fait et cause pour un de ses protégés, contre l’OFNAC et le rapport qui épinglait ce dernier. Voilà exactement ce qu’il disait sans état d’âme : « C’est nous qui avons mis en place l’OFNAC, qui a une liberté totale de travail, sans aucune influence du pouvoir exécutif. Vous (le journaliste qui avait posé la question) avez mentionné le nom de Cheikh Oumar Hann qui a été cité par l’Ofnac, alors qu’il était directeur du Coud. Même moi, c’est à travers la presse que j’ai appris que l’Ofnac a cité le directeur du Coud dans son rapport. L’Ofnac livre directement son rapport au Procureur de la République, je ne reçois que le rapport annuel. Mais ce n’est pas parce que quelqu’un a été cité dans un rapport que celui-ci est coupable. Il y a le principe contradictoire qui est le principe de base de tout corps de contrôle. Ce qui permet à une personne accusée d’avoir commis une faute de se défendre, point par point. » Et le président-politicien de poursuivre sa plaidoirie : « Mais ce n’est pas le rôle de l’Ofnac d’accuser telle ou telle personne d’avoir fait une subvention ou d’avoir donné un marché de gré à gré. Le rapport que j’ai lu dit que le directeur du Coud avait dépensé 80 millions de francs CFA lors de la visite du président à l’université. Ce n’est pas l’affaire de l’Ofnac, mais du Conseil d’Administration et des corps de contrôle sur la gestion. Chaque corps a ses compétences. Malgré tout, le rapport est arrivé aux mains du Procureur de la République qui s’est prononcé sur la question. »

Voilà l’homme que nous avons à la tête de notre pays, qui devrait être le ‘’Père de la Nation’’, donc au-dessus de la mêlée mais qui, malheureusement, n’est pas le moins du monde gêné de prendre publiquement la défense d’un ses protégés, dont le dossier est entre les mains de la justice. Non seulement il le défend, mais il tourne en dérision l’OFNAC. Il commence mal sa plaidoirie, avec l’affirmation qu’il a appris l’affaire du Coud à la presse. Qui va vraiment le croire ? Même les oiseaux étaient au courant de cette affaire qu’ils chantaient sur tous les toits. Il veut réduire aussi le dossier à 80 maigres millions que le Coud avait dépensés lors de sa visite à l’université (pour inaugurer des pavillons) alors que des centaines, voire des milliards de nos pauvres deniers sont en jeu dans ce dossier. Ce n’est pas tout. Il réduit aussi les compétences de l’Office qu’il  confine à la lutte contre la corruption. Les marchés de gré à gré, les subventions données à des bénéficiaires parfois sans nom, etc., ne sont pas l’affaire de l’OFNAC. Il suffit de l’aval du Conseil d’Administration aux autorités du Coud qui peuvent alors faire ce que bon leur semble de nos maigres deniers. Il évoque aussi le principe contradictoire, principe de base de tout corps de contrôle, qui devrait permettre à son protégé « de se défendre point par point ».

Le président-politicien a mis en place l’OFNAC sans en connaître le fonctionnement ou feint de l’ignorer. Il n’a pas la même lecture des compétences de l’OFNAC que de la Loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012 qui a mis en place l’Office par sa volonté. En effet, l’article 2 du Chapitre premier de ladite loi en définit ainsi la mission : « L’OFNAC a pour mission la prévention et la lutte contre la fraude, la corruption, les pratiques assimilées et les infractions connexes, en vue de promouvoir l’intégrité et la probité dans la gestion des affaires publiques. » Je laisse le soin aux lecteurs, mais surtout aux courtisans, aux affidés du président-politicien d’apprécier.

Il s’accroche aussi au principe contradictoire, comme nombre d’autres membres de sa coalition qui regrettent l’absence de rapport contradictoire dans l’affaire du Coud. Ils ignorent tout du fonctionnement de l’OFNAC ou sont malhonnêtes. Á leur intention, je fais remarquer ceci : le projet de rapport de l’OFNAC fait l’objet de toute l’attention requise, notamment d’un contrôle de qualité pour s’assurer que les enquêteurs ont accompli leurs missions en conformité avec les normes professionnelles et au Code de déontologie qui guident la profession. Dans le respect du principe contradictoire, ils prennent toutes les dispositions pour placer les personnes concernées dans les conditions de donner leur version des fait, notamment à travers des procès-verbaux (PV) d’audition. Il s’agit ici d’enquêtes et d’investigations et c’est au cours des auditions sur PV que les avis et observations des mis en cause sont recueillis, exploités et joints au rapport avec toutes les pièces justificatives. Je précise que les questions des PV sont écrites et les concernés répondent par écrit. Ce sont ces PV qui leur sont entièrement lus, qu’ils signent en leurs noms, prénoms de fonctions. Dans ces cas-là, où est la place du rapport contradictoire ?

Le président-politicien termine sa plaidoirie par ces mots dont le sens ne nous échappe pas : « Malgré tout, le rapport est arrivé aux mains du Procureur de la République qui s’est prononcé sur la question. » Malgré tout ! On comprend aisément qu’il insiste sur les insuffisances ou plutôt ce qu’il prend comme tel. Ce qui surprend encore plus, c’est son affirmation que « le Procureur de la République s’est prononcé sur la question ». Est-ce vraiment ce qu’on attend de lui ? Qu’il se prononce sur la question ? Je ne suis point juriste mais je pense humblement que son rôle est autre. C’est, du moins, ce que je crois naïvement. Ce que nous attendions de lui, c’est qu’il traitât le dossier du Coud qui a fait beaucoup de bruit, le seul à en avoir fait parmi plus de vingt (20) autres. S’il trouve vraiment que c’est un ‘’fromage hollandais avec beaucoup de trous’’, il le classe et passe à autre chose. Mais si, au contraire, il est fait dans les règles de l’art, il le transmet à un juge. Donc, qu’il se soit seulement prononcé sur la question, nous laisse sur notre faim. Pour en terminer avec la plaidoirie du président-politicien, je rappelle que l’actuelle Présidente de l’OFNAC a fait au Procureur de la République une réponse ferme, même cinglante. Une réponse qui ne l’a sûrement pas laissé indifférent, puisqu’il connaît parfaitement qui en est l’auteur.

Donc, je réaffirme avec force ma conviction exprimée au début de mon texte : le président-politicien nous prend pour des demeurés, fait du cinéma, de la comédie avec nous. Il se moque de nous quand, par exemple, il demande «au gouvernement, au secteur privé et à la société civile, d’apporter à l’Ofnac tout le concours nécessaire à l’exécution optimale du Plan d’action quinquennal », nombre d’actes de corruption étant le fait d’acteurs des deux premiers secteurs nommés. Quant à la société civile ou ce qui est considéré comme tel, elle est suffisamment présente à l’OFNAC. Le président-politicien sait parfaitement que sa tonitruante validation de la Stratégie 2020-2024 de l’OFNAC ne fera pas avancer d’un pouce, non pas le travail de l’Office, mais la suite qui sera réservée à ses dossiers comme à ceux de nombre d’autres organes de contrôle. Il n’a finalement aucun respect pour ces institutions qui travailleront pour presque rien, tant que ce politicien pur et dur sera à la tête du pays. Il trace la voie aux autres, et principalement à son cher beau-frère qui dit avec force qu’il ne répondra pas à une convocation de l’OFNAC.

Je termine par sa fanfaronnade de 2016, quand il évoquait le ‘’succès’’ de son Plan décennal de lutte contre les inondations (2012-2020). N’est-ce pas lui qui affirmait que, quand il est arrivé au pouvoir, il a trouvé que des dizaines de milliers de Sénégalaises et de Sénégalais avaient quitté leurs maisons du fait des inondations mais que, quatre ans après, le problème était réglé ? On connaît la suite, quatre autres années après. Á court d’arguments devant les énormes inondations qui n’ont épargné que quelques rares localités du pays, il s’abrite facilement derrière les changements climatiques et demande aux ministres concernés de lui faire des rapports détaillés. S’il avait vraiment tant soit peu de respect pour nous, il commanditerait immédiatement un audit administratif, technique et financier profond qui lui ferait, nous ferait la lumière sur les milliers de milliards supposés être dépensés dans la lutte contre les inondations depuis le ‘’Plan Jaxaay’’ en 2005. Que vaut, pour le Sénégal, un rapport même détaillé d’un Mansour Faye, d’un Oumar Guèye ou d’un autre ? Pour ajouter à notre indignation, son assemblée nationale nous propose ‘’une commission d’information’’. Quand même !

En février 2024, nous aurons supporté cet homme, son prédécesseur et leur système pendant vingt-quatre (24) très longues années. Serions-nous vraiment prêts à élire, en février 2024, un homme ou une femme sorti(e) de leurs rangs et qui continuerait, pendant encore au moins cinq ans, leur gouvernance meurtrie ? Serions-nous vraiment maudits à ce point ? Je crois que nous avons suffisamment souffert le martyre de la mal gouvernance pour ne pas nous permettre cette folie.

Dakar, le 28 septembre 2020

Mody Niang




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