Tout mensonge est une dette à la vérité. Je reprends cette chronique après un peu plus de deux mois de détention pour le simple crime de filiation. C’est assez cocasse, mais au tribunal de l’histoire, il pourra se dire que j’aurais gardé prison parce que certains de mes proches étaient sous le coup de poursuites judiciaires. Je ne regrette en rien mon passage à la prison de Rebeuss, car en voyant toute ma famille persécutée, j’aurais été mal à l’aise d’être en liberté et de ne pas partager leur peine. Nous sommes du genre à réussir ensemble, échouer ensemble et vaincre ensemble.
L’affaire étant toujours en instruction et mon contrôle judiciaire obéissant à certaines conditions, je ne peux dire tout ce que je pense de Serigne Omar Mbaye, Mouhamed Diagne et Mabintou Diaby Diagne. Comme je l’ai confié aux enquêteurs de la Dic, ainsi qu’au président Diarra du Pôle judiciaire et financier, nous avons été éduqués dans le respect de la République et celui de la légalité. Nous serons donc les derniers à faire quoi que ce soit qui viole la loi, même si la Justice peut s’avérer injuste et hostile à notre égard.
La suite logique d’une entreprise de persécution
Le fondateur de ce journal et patriarche de la maison Diagne, mon père Madiambal, aura été la cible d’une entreprise visant à le mettre à genoux et causer sa déchéance morale et sociale. Cette affaire, à nos yeux, après avoir accédé à tous les dossiers et étant allé au fond avec nos avocats, n’est donc qu’une nouvelle bourrasque dans un torrent d’attaques, d’actions et d’initiatives pour fragiliser et détruire.
Au moment où la justice sera rendue, avec un bon droit dit, beaucoup en seront édifiés et je suis convaincu de ça. Quand l’entreprise de persécution s’est montrée infructueuse sur bien des cas, l’approche avait été depuis un moment, de scruter ma vie et celle de mon frère Mouhamed Diagne, afin d’avoir de quoi nous faire tomber et le coller à notre patriarche. Je peux le dire aujourd’hui, avant l’affaire devant le Pôle financier, nous étions depuis trois mois, objets de filatures, d’écoutes téléphoniques, d’entrées par effraction dans nos bureaux, de contrôle de toutes nos activités et d’un lot de barbouzeries qu’on ne saurait partager.
Cette pression psychologique et morale nous aura poussés à être davantage méfiants, plus regardants sur plusieurs choses, et surtout, à envisager que tous les scénarii pouvaient s’abattre sur nous, du jour au lendemain. Rumi disait bien que la vérité qu’on voit dans une âme, n’est que le reflet de la nôtre. J’en dirais de même du mal qu’on croit percevoir sur des gens qu’on ne connaît guère et auxquels, tous les procès d’intention et toutes les calomnies sont adressés, car ils ont simplement le courage de leurs idées.
Toutes les attaques injustes et déloyales contre nous, sont à voir sous ce prisme, d’autant plus qu’à chaque mauvais mot, une dizaine de témoignages sincères de connaissances ou d’anonymes nous rétablissait dans notre vérité. Par la force des choses, cette affaire s’est produite de la sorte, avec une tournure qu’on n’aura jamais connue dans une affaire judiciaire dans ce pays. Nous étions convaincus au deuxième jour de notre garde-à-vue qu’à l’exception de Serigne Omar Ibrahima Mbaye, aucune personne de la maison Diagne ne rentrerait chez elle.
L’intériorisation d’une telle variable nous aura facilité notre passage à la cave du Pôle financier et notre présentation devant le président Diarra, avant qu’il nous place sous mandat de dépôt. Cela aura aussi facilité l’appréhension de la première nuit en prison et de la vie à Rebeuss. De plus, nous aurons trouvé dans cette antre de tous les désespoirs, des détenus aux histoires tragiques, des responsables politiques injustement conspués, des entrepreneurs jetés à la vindicte populaire et des jeunes innocents brisés par le mal absolu que sont les longues détentions préventives. Avec un tel tableau, on oublie son sort, on fait face et on s’adapte à une injustice qui peut s’éterniser.
Pour revenir sur Serigne Omar Ibrahima Mbaye, son sort, du fait d’une amitié assumée avec Madiambal Diagne, est à décrier. Nul ne doit garder prison pour ses amitiés et accointances. Nul ne peut être réprimé pour son compagnonnage. Par sa présence d’esprit, son humilité, son courage et sa discipline d’âme, il aura assumé dignement le sort tragique qui lui aura été infligé, en sauvant plus d’une âme au sein de la prison de Rebeuss. Il dit bien que son malheureux passage à Rebeuss était une mission que lui aura confiée le Bon Dieu. Je peux témoigner des esprits qu’il aura soulagés dans leur détresse et qu’il aura réconfortés dans leur chagrin. La situation terrible de Mabintou Diaby Diagne, décriée partout du fait de son état de santé fragile, est une aberration et une insulte à la décence. On ne peut détenir une personne, de surcroît une femme et une mère, dans des conditions aussi inhumaines.
Le silence bruyant des associations et organisations féministes en dit beaucoup sur la sélectivité des combats dans notre nouveau système politique. Il est un mot qui dit que les enfants sont des monstres que l’on crée à partir de regrets. Je suis heureux de dire, comme fils de Madiambal Diagne, qu’il aura utilisé ses rêves, ses ambitions et sa foi en l’humain, pour insuffler à sa famille, le culte du travail, le courage dans l’effort, la loyauté dans l’amitié, la constance dans les postures et le reniement de la peur.
Punir avant de condamner, cela détruit des vies
En demandant des lectures de mon bureau, afin de faire passer le temps en garde-à-vue, on m’apportera "Surveiller et punir" de Michel Foucault, une compilation de khassaïdes et un ouvrage sur la lutte sénégalaise intitulé "Des corps en lutte". Le spectre d’une détention qui se pourrait longue et une invitation à combattre, ne pouvaient être plus évidents ! Punir des gens sans qu’aucune culpabilité ne soit démontrée, est le vice qui aura fini d’ôter à la Justice sénégalaise, toute la lucidité et toute humanité. Ils sont légion au sein des maisons d’arrêt et de correction du Sénégal, à être en détention préventive pour un temps absolument long, sans enquête et sans perspective de procès. Souvent, cela finit par des acquittements ou des condamnations pour des peines bien en dessous du temps purgé.
Le drame fait aux vies des gens, la rupture sociale créée, la déshumanisation pendant le temps de la détention, la tentation de la récidive et la difficile réinsertion sociale, sont autant de maux que notre système judiciaire aura créés malgré lui, dans le cercle vicieux des détentions préventives.
L’Administration pénitentiaire et tous les acteurs intéressés par les lieux de privation de liberté, n’ont eu de cesse de tirer l’alarme sur ce drame, mais le manque de volonté pour inverser une telle situation est manifeste. Ma détention arbitraire m’aura donné la chance de m’inviter dans l’univers carcéral sénégalais et de connaître le sort que vivent des concitoyens qui ont maille à partir avec la Justice de notre pays. De la garde-à-vue à la Division des investigations criminelles (Dic) au placement sous mandat de dépôt au Pôle financier, jusqu’à l’incarcération à la prison de Rebeuss, on voit toutes les failles, tous les errements et toutes les logiques maladroites, qui font que la machine judiciaire est malgré elle un rouleau compresseur qui brise des vies. C’est une expérience qui enseigne sur la vie, qui forge davantage le caractère, qui consolide la force mentale et qui insuffle davantage d’empathie à l’âme. Quand plus de 150 adultes passent vingt à vingt-deux heures par jour ensemble, dans une pièce de 60 à 75 m2, et que l’on considère cela comme un logis commode et prestigieux, en comparaison des purgatoires que sont les chambres 1, 9 ou 14, on se rend bien compte qu’il y a beaucoup de compassion, de présence d’esprit, d’intelligence émotionnelle et d’organisation pratique, qui régissent les esprits de ceux qui partagent cette chambre.
Je salue ainsi les détenus des chambres 48, 43 et 42, en plus de tous les occupants de Rebeuss. Tout ce qui se voit, se vit, s’éprouve et se découvre en prison, ne peut se raconter en une chronique. Tous ceux qui ont été détenus, tairont par pudeur plusieurs pans et garderont certains souvenirs bien enfouis dans le fond de leur mémoire. Toutefois, il est des situations qu’on ne peut occulter et disqualifier. Comme je l’ai dit au début de cette chronique, tout mensonge est une dette à la vérité. Il est temps que le sort des détenus soit réglé au grand jour, c’est une dette d’honneur pour toute personne qui aura dormi un jour dans les geôles sénégalaises. Nous ne sommes rien sans le salut des gens qu’on aime. J’ai une gratitude à l’égard des collaborateurs du journal "Le Quotidien", des partenaires de notre groupe et de tous nos lecteurs. Je remercie également les acteurs de la presse.
Le patronat des médias, les reporters, les chroniqueurs et analystes, personne n’aura été en reste pour dénoncer l’arbitraire. Si l’objectif implicitement recherché par mon incarcération était la mort du journal "Le Quotidien", après autant d’épreuves, je dis à nos contradicteurs que "Le Quotidien" vivra encore. Mouhamed Guèye, Directeur de publication du journal, et Bocar Sakho, coordonnateur de la rédaction, sauront garder cette colonne en vie, avec des papiers de haute facture qui faisaient fierté, à chaque fois que j’apercevais un co-détenu dans la cour, au service social ou dans les chambres, parcourir notre journal. Ils m’auront visité à toutes les semaines et je les en remercie sincèrement, bien que je refusais d’infliger à toutes mes gens, la peine morale du parloir. Cela aura été le cas des matrones de presse que sont Henriette Niang Kandé (Sud Quotidien), Pauline Thiam (D-Média) et Nafissatou Thiam (Leral). Elles auront été au parloir en toute heure, pour témoigner de leur solidarité, proposer leur aide sur tout et garder cette solidarité que nous avons pu faire naître au sein du Cdeps, depuis la crise du redressement fiscal des médias.
Les mots de Ibou Fall, Pape Ngagne Ndiaye, Bachir Fofana, Papa Fara Gningue, Aïssatou Diop Fall et bien des cadres des médias, auront été source de réconfort et de gratitude, car je n’ai guère réalisé quoi que ce soit pour mériter autant d’égard et de bienveillance. Babacar Fall et Maïmouna Ndour Faye, qui auront été malmenés, arrêtés et intimidés, sont à saluer, car ils auront voulu donner la parole à une personne accusée de tous les torts.
Dans leur souci de l’équilibre et leur combat pour la pluralité, ils auront cherché à faire connaître la part de vérité de Madiambal. On ne savait pas encore que c’est devenu un crime de tendre le micro à une voix contraire. C’est toutefois dans l’adversité qu’on trouve de la force, par des gens bien intentionnés de tout braver. Nous ne sommes rien sans le salut des gens qu’on aime, ai-je l’habitude de me dire.
L’élan de solidarité dont auront bénéficié ma famille et ma propre personne, dans cet épisode tragique et surtout formateur, en dit long sur une obsession bien sénégalaise, avec la nécessité d’agir justement. Notre Peuple aime que les combats se fassent à armes égales, il déteste l’oppression, la tyrannie lui révulse et il donne caution à tout, sauf à la violence gratuite. Proches, amis, partenaires d’affaires, compagnons perdus de vue, anciens formateurs et de nombreux anonymes, tous auront fait montre d’une solidarité, d’une générosité et d’une compassion qui auront aidé toute une famille à tenir dans l’épreuve. Pour cela, ma gratitude est infinie, car ma prière fervente, tout le long de ma détention et pendant que mes proches Mouhamed Diagne, Serigne Omar Mbaye et Mabintou Diaby Diagne, gardent encore prison injustement, est que les âmes raisonnées et lucides voient hors de la haine et de la propagande éhontée, le revers de vérité. C’est une œuvre du temps, mais tout passe. Le soutien sans concession de tous les avocats de la famille Diagne au Sénégal et en France, aura été la boussole rassurante dans un combat. Ils auront pris leur robe, acceptant de nous défendre face à la persécution, faisant fi des nombreuses pressions et menaces quant à leurs activités et à leur intégrité physique.
Le courage est la chose qui ne se vend pas à la sauvette. Le seul regret de ma détention reste mon absence au chevet de mon épouse lors de la naissance de mon deuxième fils et l’impossibilité d’aller entretenir la tombe de mon fils aîné, disparu l’année dernière. Les hommes peuvent, dans la persécution et la haine, faire un mal disproportionné sans s’en rendre compte.
Toute épreuve est une bénédiction et c’est par le feu ardent que se moule le meilleur des fers. A Dieu, le Meilleur des Juges, de rétablir chacun dans sa vérité. Au tribunal de ma propre conscience, je suis libre et heureux d’avoir été éprouvé de la sorte.
L’affaire étant toujours en instruction et mon contrôle judiciaire obéissant à certaines conditions, je ne peux dire tout ce que je pense de Serigne Omar Mbaye, Mouhamed Diagne et Mabintou Diaby Diagne. Comme je l’ai confié aux enquêteurs de la Dic, ainsi qu’au président Diarra du Pôle judiciaire et financier, nous avons été éduqués dans le respect de la République et celui de la légalité. Nous serons donc les derniers à faire quoi que ce soit qui viole la loi, même si la Justice peut s’avérer injuste et hostile à notre égard.
La suite logique d’une entreprise de persécution
Le fondateur de ce journal et patriarche de la maison Diagne, mon père Madiambal, aura été la cible d’une entreprise visant à le mettre à genoux et causer sa déchéance morale et sociale. Cette affaire, à nos yeux, après avoir accédé à tous les dossiers et étant allé au fond avec nos avocats, n’est donc qu’une nouvelle bourrasque dans un torrent d’attaques, d’actions et d’initiatives pour fragiliser et détruire.
Au moment où la justice sera rendue, avec un bon droit dit, beaucoup en seront édifiés et je suis convaincu de ça. Quand l’entreprise de persécution s’est montrée infructueuse sur bien des cas, l’approche avait été depuis un moment, de scruter ma vie et celle de mon frère Mouhamed Diagne, afin d’avoir de quoi nous faire tomber et le coller à notre patriarche. Je peux le dire aujourd’hui, avant l’affaire devant le Pôle financier, nous étions depuis trois mois, objets de filatures, d’écoutes téléphoniques, d’entrées par effraction dans nos bureaux, de contrôle de toutes nos activités et d’un lot de barbouzeries qu’on ne saurait partager.
Cette pression psychologique et morale nous aura poussés à être davantage méfiants, plus regardants sur plusieurs choses, et surtout, à envisager que tous les scénarii pouvaient s’abattre sur nous, du jour au lendemain. Rumi disait bien que la vérité qu’on voit dans une âme, n’est que le reflet de la nôtre. J’en dirais de même du mal qu’on croit percevoir sur des gens qu’on ne connaît guère et auxquels, tous les procès d’intention et toutes les calomnies sont adressés, car ils ont simplement le courage de leurs idées.
Toutes les attaques injustes et déloyales contre nous, sont à voir sous ce prisme, d’autant plus qu’à chaque mauvais mot, une dizaine de témoignages sincères de connaissances ou d’anonymes nous rétablissait dans notre vérité. Par la force des choses, cette affaire s’est produite de la sorte, avec une tournure qu’on n’aura jamais connue dans une affaire judiciaire dans ce pays. Nous étions convaincus au deuxième jour de notre garde-à-vue qu’à l’exception de Serigne Omar Ibrahima Mbaye, aucune personne de la maison Diagne ne rentrerait chez elle.
L’intériorisation d’une telle variable nous aura facilité notre passage à la cave du Pôle financier et notre présentation devant le président Diarra, avant qu’il nous place sous mandat de dépôt. Cela aura aussi facilité l’appréhension de la première nuit en prison et de la vie à Rebeuss. De plus, nous aurons trouvé dans cette antre de tous les désespoirs, des détenus aux histoires tragiques, des responsables politiques injustement conspués, des entrepreneurs jetés à la vindicte populaire et des jeunes innocents brisés par le mal absolu que sont les longues détentions préventives. Avec un tel tableau, on oublie son sort, on fait face et on s’adapte à une injustice qui peut s’éterniser.
Pour revenir sur Serigne Omar Ibrahima Mbaye, son sort, du fait d’une amitié assumée avec Madiambal Diagne, est à décrier. Nul ne doit garder prison pour ses amitiés et accointances. Nul ne peut être réprimé pour son compagnonnage. Par sa présence d’esprit, son humilité, son courage et sa discipline d’âme, il aura assumé dignement le sort tragique qui lui aura été infligé, en sauvant plus d’une âme au sein de la prison de Rebeuss. Il dit bien que son malheureux passage à Rebeuss était une mission que lui aura confiée le Bon Dieu. Je peux témoigner des esprits qu’il aura soulagés dans leur détresse et qu’il aura réconfortés dans leur chagrin. La situation terrible de Mabintou Diaby Diagne, décriée partout du fait de son état de santé fragile, est une aberration et une insulte à la décence. On ne peut détenir une personne, de surcroît une femme et une mère, dans des conditions aussi inhumaines.
Le silence bruyant des associations et organisations féministes en dit beaucoup sur la sélectivité des combats dans notre nouveau système politique. Il est un mot qui dit que les enfants sont des monstres que l’on crée à partir de regrets. Je suis heureux de dire, comme fils de Madiambal Diagne, qu’il aura utilisé ses rêves, ses ambitions et sa foi en l’humain, pour insuffler à sa famille, le culte du travail, le courage dans l’effort, la loyauté dans l’amitié, la constance dans les postures et le reniement de la peur.
Punir avant de condamner, cela détruit des vies
En demandant des lectures de mon bureau, afin de faire passer le temps en garde-à-vue, on m’apportera "Surveiller et punir" de Michel Foucault, une compilation de khassaïdes et un ouvrage sur la lutte sénégalaise intitulé "Des corps en lutte". Le spectre d’une détention qui se pourrait longue et une invitation à combattre, ne pouvaient être plus évidents ! Punir des gens sans qu’aucune culpabilité ne soit démontrée, est le vice qui aura fini d’ôter à la Justice sénégalaise, toute la lucidité et toute humanité. Ils sont légion au sein des maisons d’arrêt et de correction du Sénégal, à être en détention préventive pour un temps absolument long, sans enquête et sans perspective de procès. Souvent, cela finit par des acquittements ou des condamnations pour des peines bien en dessous du temps purgé.
Le drame fait aux vies des gens, la rupture sociale créée, la déshumanisation pendant le temps de la détention, la tentation de la récidive et la difficile réinsertion sociale, sont autant de maux que notre système judiciaire aura créés malgré lui, dans le cercle vicieux des détentions préventives.
L’Administration pénitentiaire et tous les acteurs intéressés par les lieux de privation de liberté, n’ont eu de cesse de tirer l’alarme sur ce drame, mais le manque de volonté pour inverser une telle situation est manifeste. Ma détention arbitraire m’aura donné la chance de m’inviter dans l’univers carcéral sénégalais et de connaître le sort que vivent des concitoyens qui ont maille à partir avec la Justice de notre pays. De la garde-à-vue à la Division des investigations criminelles (Dic) au placement sous mandat de dépôt au Pôle financier, jusqu’à l’incarcération à la prison de Rebeuss, on voit toutes les failles, tous les errements et toutes les logiques maladroites, qui font que la machine judiciaire est malgré elle un rouleau compresseur qui brise des vies. C’est une expérience qui enseigne sur la vie, qui forge davantage le caractère, qui consolide la force mentale et qui insuffle davantage d’empathie à l’âme. Quand plus de 150 adultes passent vingt à vingt-deux heures par jour ensemble, dans une pièce de 60 à 75 m2, et que l’on considère cela comme un logis commode et prestigieux, en comparaison des purgatoires que sont les chambres 1, 9 ou 14, on se rend bien compte qu’il y a beaucoup de compassion, de présence d’esprit, d’intelligence émotionnelle et d’organisation pratique, qui régissent les esprits de ceux qui partagent cette chambre.
Je salue ainsi les détenus des chambres 48, 43 et 42, en plus de tous les occupants de Rebeuss. Tout ce qui se voit, se vit, s’éprouve et se découvre en prison, ne peut se raconter en une chronique. Tous ceux qui ont été détenus, tairont par pudeur plusieurs pans et garderont certains souvenirs bien enfouis dans le fond de leur mémoire. Toutefois, il est des situations qu’on ne peut occulter et disqualifier. Comme je l’ai dit au début de cette chronique, tout mensonge est une dette à la vérité. Il est temps que le sort des détenus soit réglé au grand jour, c’est une dette d’honneur pour toute personne qui aura dormi un jour dans les geôles sénégalaises. Nous ne sommes rien sans le salut des gens qu’on aime. J’ai une gratitude à l’égard des collaborateurs du journal "Le Quotidien", des partenaires de notre groupe et de tous nos lecteurs. Je remercie également les acteurs de la presse.
Le patronat des médias, les reporters, les chroniqueurs et analystes, personne n’aura été en reste pour dénoncer l’arbitraire. Si l’objectif implicitement recherché par mon incarcération était la mort du journal "Le Quotidien", après autant d’épreuves, je dis à nos contradicteurs que "Le Quotidien" vivra encore. Mouhamed Guèye, Directeur de publication du journal, et Bocar Sakho, coordonnateur de la rédaction, sauront garder cette colonne en vie, avec des papiers de haute facture qui faisaient fierté, à chaque fois que j’apercevais un co-détenu dans la cour, au service social ou dans les chambres, parcourir notre journal. Ils m’auront visité à toutes les semaines et je les en remercie sincèrement, bien que je refusais d’infliger à toutes mes gens, la peine morale du parloir. Cela aura été le cas des matrones de presse que sont Henriette Niang Kandé (Sud Quotidien), Pauline Thiam (D-Média) et Nafissatou Thiam (Leral). Elles auront été au parloir en toute heure, pour témoigner de leur solidarité, proposer leur aide sur tout et garder cette solidarité que nous avons pu faire naître au sein du Cdeps, depuis la crise du redressement fiscal des médias.
Les mots de Ibou Fall, Pape Ngagne Ndiaye, Bachir Fofana, Papa Fara Gningue, Aïssatou Diop Fall et bien des cadres des médias, auront été source de réconfort et de gratitude, car je n’ai guère réalisé quoi que ce soit pour mériter autant d’égard et de bienveillance. Babacar Fall et Maïmouna Ndour Faye, qui auront été malmenés, arrêtés et intimidés, sont à saluer, car ils auront voulu donner la parole à une personne accusée de tous les torts.
Dans leur souci de l’équilibre et leur combat pour la pluralité, ils auront cherché à faire connaître la part de vérité de Madiambal. On ne savait pas encore que c’est devenu un crime de tendre le micro à une voix contraire. C’est toutefois dans l’adversité qu’on trouve de la force, par des gens bien intentionnés de tout braver. Nous ne sommes rien sans le salut des gens qu’on aime, ai-je l’habitude de me dire.
L’élan de solidarité dont auront bénéficié ma famille et ma propre personne, dans cet épisode tragique et surtout formateur, en dit long sur une obsession bien sénégalaise, avec la nécessité d’agir justement. Notre Peuple aime que les combats se fassent à armes égales, il déteste l’oppression, la tyrannie lui révulse et il donne caution à tout, sauf à la violence gratuite. Proches, amis, partenaires d’affaires, compagnons perdus de vue, anciens formateurs et de nombreux anonymes, tous auront fait montre d’une solidarité, d’une générosité et d’une compassion qui auront aidé toute une famille à tenir dans l’épreuve. Pour cela, ma gratitude est infinie, car ma prière fervente, tout le long de ma détention et pendant que mes proches Mouhamed Diagne, Serigne Omar Mbaye et Mabintou Diaby Diagne, gardent encore prison injustement, est que les âmes raisonnées et lucides voient hors de la haine et de la propagande éhontée, le revers de vérité. C’est une œuvre du temps, mais tout passe. Le soutien sans concession de tous les avocats de la famille Diagne au Sénégal et en France, aura été la boussole rassurante dans un combat. Ils auront pris leur robe, acceptant de nous défendre face à la persécution, faisant fi des nombreuses pressions et menaces quant à leurs activités et à leur intégrité physique.
Le courage est la chose qui ne se vend pas à la sauvette. Le seul regret de ma détention reste mon absence au chevet de mon épouse lors de la naissance de mon deuxième fils et l’impossibilité d’aller entretenir la tombe de mon fils aîné, disparu l’année dernière. Les hommes peuvent, dans la persécution et la haine, faire un mal disproportionné sans s’en rendre compte.
Toute épreuve est une bénédiction et c’est par le feu ardent que se moule le meilleur des fers. A Dieu, le Meilleur des Juges, de rétablir chacun dans sa vérité. Au tribunal de ma propre conscience, je suis libre et heureux d’avoir été éprouvé de la sorte.








