Me Assane Dioma Ndiaye, vous êtes connu dans la lutte en faveur des droits humains. Vous avez certainement appris, le décès de deux jeunes détenus en prison, qu’elle a été alors votre réaction.
C’est naturellement une réaction de tristesse mais également d’exaspération. Parce que nous avions prévenu. Depuis des années nous attirons l’attention de l’Etat du Sénégal sur les conditions de détention des populations carcérales qui étaient désastreuses et qui étaient sources de violation grave des droits humains. Peut-être qu’on ne pensait pas à un incident de cette nature. Et même les derniers témoignages de ceux qui ont séjourné à Reubeuss font état d’un surpeuplement intenable. On nous dit même que les détenus ont des problèmes musculaires de par les positions au niveau des chambres où ils n’arrivent pas à étaler leurs jambes ce qui cause des problèmes de circulation du sang. Donc vous vous imaginez, dans ces conditions s’il y a un incident quelconque qui crée la panique ou la psychose, il y a forcément des risques énormes qui pèsent sur la vie de ces personnes privées de liberté. Donc, c’est vrai que la cause, c’est un évènement indépendant de la volonté de l’Etat et de l’administration pénitentiaire, mais c’est amplifié par les conditions pathogènes qui amplifient la gravité de l’incident et qui provoque évidement de la bousculade, un étouffement, en tout cas des causes de mortalité. Nous pensons que la responsabilité de l’Etat est grandement engagée. Parce qu’il est débiteur de la sécurité de ces personnes privées de liberté. Et il a surtout l’obligation de se conformer aux standards internationaux. À votre avis qu’est ce qui favoriserait ces cas de détenus décédés en prison ? Est-ce, comme le dénoncent certains, le surpeuplement de nos lieux de détention; les conditions de détention ? Bref que préconisez-vous pour éviter de pareils cas ?
Je pense qu’à partir de cet incident, les solutions ne sont plus différables. L’Etat a l’obligation aujourd’hui, d’envisager des solutions alternatives soit en agissant sur des modes alternatifs de privation de liberté en essayant d’aménager des modalités d’assouplissement et ensuite en essayant de voir avec les procureurs comment diminuer autant que possible les mandats de dépôt, jouer également sur la régularité des Chambres criminelles, mais surtout aller vers des solutions structurelles comme la limitation légale de façon législative de la détention provisoire et la construction de la prison de Diamniadio (Sébikotane) qui était annoncée pour désengorger certaines prisons du Sénégal.
Donc vous pensez que l’Etat devrait accélérer les travaux de la construction de cette prison ?
Mais Maître, à votre avis que doit faire l’Etat au profit de ces proches des victimes pour atténuer un peu leur douleur ?
Et vu la situation dramatique dans laquelle les familles des victimes sont plongées, que leur resterait-il à faire ?
Je pense que tout dépendra de l’attitude que l’Etat adoptera. Si l’Etat du Sénégal par anticipation, trouve les moyens de les apaiser et de prendre en charge la réparation qui s’impose, je pense que les familles pourront peut-être … évidement je ne dis pas que les familles pourront passer l’éponge, mais leur traumatisme, le chagrin sera exorcisé ou amoindri. Maintenant si l’Etat, en tout cas, ne prend pas la posture la plus adéquate, il est possible que ces familles utilisent d’autres canaux pour d’abord essayer de savoir ce qui s’est passé. Il faut, une enquête indépendante et impartiale pour savoir ce qui s’est passé. Et à partir de ce moment, les parents de ces victimes pourront ensuite pardonner pour faire leur deuil. Il est impératif qu’une enquête sérieuse, objective et indépendante soit ordonnée. S’il y a des culpabilités personnelles, que la justice fasse son travail du fait d’une responsabilité qui revient à l’Etat. Que l’Etat aussi prenne ses responsabilités en reconnaissant, en avouant sa faute. Donc l’attitude des victimes dépendra en grande partie du comportement et de la gestion que l’Etat fera de cette affaire...