Affaire Teliko : Déclaré persona no grata par les magistrats, Me Malick Sall a-t-il le soutien des avocats?


Rédigé le Jeudi 15 Octobre 2020 à 12:50 | Lu 265 fois | 0 commentaire(s)



En face à une « rébellion » jamais égalée dans l’histoire de la magistrature sénégalaise, le Garde des Sceaux Me Malick Sall qui est accusé d’avoir « enfreint » la ligne rouge sur l’indépendance de la Justice par l’UMS, est considérée comme une personnalité clivante. S’il ne fait aucun doute que le ministre de la justice bénéficie toujours du « soutien » du chef de l’état, qu’en est-il de ses relations avec sa corporation, les avocats?


JUSTICE – La rupture est consommée entre Me Malick Sall et les magistrats. Le ministre de la Justice, dont la nomination avait suscité moult espoirs dans l’institution judiciaire, est de plus en plus sévèrement contesté par l’union des magistrats du Sénégal, qui sont allés jusqu’à brandir l’exigence de sa démission ou de son départ du ministère. Après la fronde de 2011 qui avait obligé le pouvoir d’alors à brandir la menace de radier plus d’une cinquantaine de magistrats, c’est bien la première fois qu’un tel seuil a été atteint, obligeant le Premier Président de la Cour Suprême à faire une sortie publique diversement appréciée.



La fronde ne décline pas depuis l’ouverture par le ministre, en septembre dernier, d’une enquête administrative sur le Juge Souleymane Teliko par ailleurs, Président de l’UMS. Le pic a été atteint quand après l’audition de Teliko devant l’IGAJ, de convoquer le
conseil de discipline pour statuer sur le sort de ce dernier. Assez pour faire sortir les magistrats de leur réserve habituelle et faire bloc autour de leur président pour faire respecter la séparation des pouvoirs mais, surtout l’indépendance de la justice. Car, les propos du Juge Teliko sur l’affaire Khalifa Sall, brandie comme motif pour faire passer à la guillotine leur président, n’est qu’un vulgaire subterfuge, selon les magistrats.

Pour d’aucuns, le ministre a été piégé car, le Premier président de la Cour Suprême est de facto un Inspecteur de la Justice et, à ce titre, pouvait entendre le Juge Teliko et non pousser le ministre à activer l’IGAJ.

Pour de nombreux observateurs de la scène judiciaire, le ministre de la justice en activant l’Inspection Générale de l’Administration Judiciaire est allé trop vite en besogne. Car, nous disent ces derniers, « Il était plus compréhensible que le Premier président de la Cour Suprême qui a la qualité d’un Inspecteur selon la Loi Organique 2017-10 du 17 janvier 2017 portant fonctionnement de la magistrature, pouvait bien entendre le Juge Teliko dans un premier temps.

Mais, il semble qu’il y aurait un agenda caché qui a fait que ça soit le ministre Me Malick Sall qui instruise l’IGAJ. A-t-on délibérément trompé lez Garde des Sceaux en le jetant dans la « gueule » des magistrats? De toutes façons, nous dit notre source, « Avec ce qui passe, il est vraiment temps de mettre fin à la judiciarisation du ministère et d’ouvrier sa gestion administrative à tous les corps de l’état et non seulement à des magistrats ». Et ce dernier de nous apprendre que le « fameux Décret sur les fonds communs des magistrats pris par Me Abdoulaye Wade en 2011 prouve que s’il y’avait un Administrateur civil ou un autre Commis de l’état en poste, il n’y aurait jamais pareille bévue ».



« Comment peut-on accorder aux magistrats un fonds commun sur la base des jugements qu’ils rendent, c’est incompatible et indécent. Il faut d’ores et déjà commencer par appliquer le Décret 2017-313 du 15 février 2017 instituant un Secrétariat général dans les ministères », renseigne notre source.

Si le Chef de l’état veut vraiment aider à désamorcer cette crise qui survient juste après celle des Greffiers qui aura duré plus de 10 semaines, paralysant un pan entier de notre économie, il faut mettre mettre à la judiciarisation du ministère où de sombres intérêts prévalent souvent sur la bonne marche du département et déteignent également sur le fonctionnement de la justice.

En effet, depuis plusieurs années, contrairement à sa mission, il apparaît de plus en plus que le département de la justice est devenu est une chasse gardée des acteurs judiciaires notamment les magistrats qui y occupent tous les postes au détriment des greffiers et autres secrétaires, des administrateurs civils et autres corps de l’administration.

Aujourd’hui, avec la levée de boucliers tout azimuts, il est fait cas d’un soupçon de « corporatisme » des magistrats au moment où les avocats, confrères de l’actuel Garde des Sceaux se font discrets

Si depuis le début d la crise, les magistrats ont déployé une véritable armada dans leur communication avec conférence de presse, tribunes…, les avocats, eux, sont plus discrets. Mais, selon certaines indiscrétions, il n’est pas à écarter de voir une première sortie des avocats. Depuis plusieurs semaines, les magistrats, y compris les deux plus hauts de l’ordre judiciaire, « multiplient les critiques » contre le ministre, accusé de vouloir « casser du magistrat».



Mais, pour un avocat ayant requis l’anonymat, « Plutôt que diviser l’institution judiciaire, nous attendons du ministre de la Justice qu’il entreprenne les réformes qui s’imposent et d’arrêter tous ces conflits inutiles qui le desservent plus ». Pour lui, « Il y a tant à faire, M. le ministre, maintenant qu’il a le pouvoir, devrait agir pour une justice sereine, indépendante et insoupçonnable au service de nos concitoyens ».

Comme la plupart des jeunes magistrats en colère, Cheikh Ngom, magistrat à la retraite voit dans la position du ministre un « Une volonté de casser du magistrat » même s’il partage le constat « qu’il faut contrôler les pouvoirs du parquet ». Le maintien du garde des Sceaux, « alors même qu’il venait de porter un sacré coup aux magistrats en voulant traduire devant le Conseil de discipline le président de l’UMS est un drôle de choix qui le met immédiatement en difficulté de même le président Macky Sall.

Pour certains avocats qui ont préféré ne pas se prononcer en attendant l’ordre du Bâtonnier, il ne sert à rien de créer un problème entre avocats et magistrats même si Me Malick Sall est l’un des leurs.

Car derrière les attaques des magistrats, certains y ont vite vu un soupçon de « corporatisme » même si la sortie du Premier président de la Cour Suprême a un peu atténué le malaise et baissé la tension perceptible.. Pour le retraité Cheikh Ngom, il ne s’agit ni plus ni moins que « d’un délit de sale gueule» qui est reproché au président de l’UMS Souleymane Téliko. Car, argue t’il, « Teliko a tenu des positions en tant que citoyen, en tant que président de l’Ums, il serait aujourd’hui illégitime de vouloir lui trouver des poux ».

Il est vrai que l’arrivée d’un avocat à la Chancellerie en avril 2019 avait suscité autant d’étonnement et d’espoir chez les avocats que d’inquiétude chez les magistrats. « Depuis le passage de Madické Niang de 2007 à 2009 et Sidiki Kaba de 2013 à 2017, le profil de l’avocat ministre de la Justice a disparu. Les membres du gouvernement à ce poste sont des hauts fonctionnaires, des professeurs ou des politiques professionnels issus du militantisme ». « Ce phénomène (…) est dû à la montée des passions corporatistes dans l’appareil d’État et à l’idée qu’un garde des Sceaux a avant tout pour mission de porter la parole de la magistrature et de refléter ses intérêts. Un avocat ne serait dès lors, dans cette optique, pas le mieux placé pour exprimer et défendre le point de vue des juges », selon Magor Sarr Juriste.

« Certains magistrats redoutaient Me Malick Sall bien sûr, mais beaucoup l’admiraient aussi », souligne toutefois Magor Sarr, Juriste, qui refuse toute « victimisation » des magistrats. Certains avaient même des accointances intellectuelles avec lui

Tout comme il ne faut pas voir un mouvement uniforme des magistrats, on ne peut faire de Me Malick Sall le ministre des avocats. Mais le nouveau ministre est « arrivé à un moment pas anodin », estime Magor Sarr. « Les choses ont été difficiles, avec la grève des greffiers, les nominations lors du dernier Conseil Supérieur de la magistrature », estime t’il.

Aujourd’hui, il urge de rétablir de bonnes relations entre avocats et magistrats même si, à priori, il n’y a aucun nuage. Le garde des Sceaux n’aurait pas dû faite convoquer le président de l’Ums. Il aurait dû tout de suite se désister ou se déporter », estime également Magor Sarr.

Concernant la traduction de Souleymane Téliko devant le Conseil de discipline, « Difficile d’y voir autre chose qu’une provocation », selon notre interlocuteur, qui estime que cette convocation « n’était pas du tout une urgence ». « Les magistrats l’ont pris comme une marque de défiance », constate aussi notre juriste..

Pape Sané



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