Nous avons vécu, mon épouse et moi, la maladie dont tout le monde parle. Une vingtaine de jours pendant laquelle on apprend que de patients traînent des pathologies sévères pendant des années avec une forte envie de mourir.
Chroniqueur, animateur de blogs, pour ne pas dire web activiste, j’ai un devoir de transparence, au moins à l’endroit de mes quelques dizaines de milliers de « followers », terme désormais consacré. Ainsi que vis-à -vis de ma famille de plus en plus élargie. Mais aussi de tous ces amis virtuels devenus si proches, et de tous ceux qui ne reçoivent plus mes réactions ni par mail, ni par tout autre support électronique depuis plus d’un mois.
Alors oui ! Mon épouse et moi rendons profondément Grâces à Allah qui nous a soumis à une épreuve qui aurait pu être fatale : le face à face physique, douloureux, incertain et hors de contrôle avec le virus de la Covid 19 qui s’est introduit, à notre insu et contre notre gré, dans notre organisme.
Nous avons vécu la maladie dont tout le monde parle. En toute ignorance, le plus souvent. Hélas ! Ce qui contribue à brouiller les messages simples qui auraient pu aider à une prise en charge communautaire de la pandémie.
Forte envie de vivre mieux
Nous sommes, quant à nous, ressortis du sombre tunnel de la maladie avec une forte envie de vivre mieux le dernier versant du cours normal d’une existence : naître, grandir, vieillir, mourir… Sauf accident, c’est la marche normale d’une vie. Mais je me suis rendu compte, et je le partage avec tous ceux qui me lisent aujourd’hui, que chaque jour de la vie est une page blanche ouverte. A remplir. Avec de la volonté, du désir et surtout une bonne définition des priorités. La société et ses convenances peuvent vous entraîner vers des chemins de traverse, vous fixer un rôle et vous figer dans un quant à soi qui n’est pas vous ! Réveillez-vous ! Vous n’êtes peut-être pas celui que la société veut faire de vous. Vous valez sûrement mieux !
Et c’est pour moi la fonction essentielle de cette maladie telle que je l’ai vécue : je suis remonté à la surface avec des souvenirs d’enfance épurés, ordonnés et énergisants. Ils m’imposent d’aimer ce qu’il me reste de temps à vivre. De redéfinir de nouvelles priorités axées sur la famille, les amis et la qualité de la vie. Se rendre utile. Sans contrepartie. Parce que j’ai déjà reçu un supplément de vie incommensurable. Ne pas se laisser chosifier par le regard des autres. Vivre en essayant de procurer de la joie à ceux que l’on aime. Parce que la montre tourne et que nul ne sait à quel moment elle va s’arrêter.
Reconnaissances
Et d’abord, chapeau bas à l’armée de résistance sénégalaise contre l’envahissement du virus Covid19 ! Respect et admiration sans limites pour des représentants éminents du corps médical sénégalais. Hommage au Professeur Moussa Seydi et à ses collaborateurs dévoués et engagés plus particulièrement au plateau de l’hôpital Aristide Le Dantec où nous avons été pris en charge de bout en bout. Merci, du fond du coeur au Docteur Attoumane Faye, du service de Médecine interne, mais aussi responsable du plateau Covid19 de l’hôpital A. Le Dantec, notre médecin traitant. Celui qui a accompagné, tant au plan physique, psychologique que… spirituel ( !) notre rémission progressive. Avec le sourire, l’humour et la joie de vivre communicative en prime. La médecine dans toute sa splendeur !
Coup d’oeil dans le rétroviseur
C’est après quelques évanouissements que j’avais été conduit à la Clinique SOS CARDIO du Docteur Ousmane Dieye pour, vraisemblablement, une exploration cardiaque. Et c’est de là que commence à se dérouler, sous mes pieds, une chaine de compétences, d’empathie et de « sénégalité » dont je souhaite vous faire l’économie. Parce que cela fait du bien de dire bravo à ceux qui suent, sang et eau, pour sauver des vies au quotidien. Ni par esprit de flagornerie ni par flatteries intéressées. Il s’agit juste d’un profond cri de coeur de reconnaissance et… de fierté à l’endroit de médecins sénégalais qui, du secteur privé comme du secteur public, ont déployé une chaine de savoirs, d’initiatives et de performances, qui nous a entraîné, mon épouse et moi-même, hors du fond du tunnel de la maladie. Et au bout de tant d’efforts, de jours et de nuits de souffrance indescriptible, ces mots libérateurs aux allures de sentences divines : « tous vos tests sont revenus négatifs… Vous êtes hors de danger. La phase post-hospitalière qui s’en suit va être plus efficiente à domicile. Vous ne représentez aucun risque pour vos proches, mais respectez les mesures barrières : port du masque, distances réglementaires et tout devrait bien se passer! ». Renaissance ! Sortie du couloir de la mort décrit avec des mots uniques par feu l’Ambassadeur Abdou Latif Gueye dont la voix m’a parfois rassuré dans les dédales sombres du tunnel…
Merci à mon frère, le Professeur agrégé de santé publique Issa WONE qui s’est oublié et mobilisé pour traduire en mots accessibles le langage parfois ésotérique des spécialistes ! Sa part est énorme dans notre guérison !
Merci à l’infirmière, Mariéme, de la Clinique SOS Cardio, le visage des prescriptions salvatrices du Docteur Dieye et de son staff. Celle qui prend les constantes et les humanise… Je vous raconterai à son sujet les anecdotes qui me marqueront pour le reste de ma vie. Elles sont formidables les infirmières, aux prises avec la douleur d’individus multiples, différents, d’humeurs inégales. Pour une durée non déterminée, ces personnels absorbent et amortissent des peines, des souffrances qui leurs sont pourtant étrangères. Merci Marieme !
Jusque là , il ne s’agissait que d’arythmie cardiaque et de l’éventualité de la pose d’un pacemaker….
Le basculement dans l’univers de la Covid s’opère en un retour de visite préopératoire grâce à la perspicacité du Docteur Niasse de la Clinique Les Madeleines. Il a distingué les premières traces de lésions suspectes à son scanner. Avec gentillesse et doigté, il m’a préparé à l’inconnu…
Retour à la case cardio et…Branle bas de combat : premier signal, le changement de physionomie de mon infirmière désormais en tenue de rigueur pour le traitement des malades Covid. Et pourtant, je distinguais dans son regard en allant vers l’ambulance toute sa volonté de me rassurer avant ce saut vers l’inconnu. Heureusement que mon épouse avait une forme plus asymptomatique de la maladie. Elle finira par me gérer à 100 % lorsque je descendais au fond du tunnel…. Elle me tiendra d’une main ferme à toutes les étapes. Des plus sombres aux plus lumineuses. Pour le meilleur et pour le pire m’avait-elle promis il y ‘a plus de 30 ans… Merci.
Et ce séjour en apesanteur dans les structures du Docteur Attoumane Faye. La maladie dans sa profonde douleur. L’appel de la mort. La résistance de la vie. Une vingtaine de jours coupé du monde, pendant laquelle on apprend que la maladie n’a rien à voir avec la mort ! Que de patients traînent des pathologies sévères pendant des dizaines d’années avec une forte envie de mourir et qui vivent pourtant ! Combien traversent en un clin d’oeil les affres d’une maladie sévère et qui en ressortent avec une nouvelle rage de vivre, une reconnaissance sans bornes pour le Maitre de toute vie.
Sortie de l’hôpital après une opération de désinfection totale de tous nos habits, de tous nos objets. Ainsi que de nos personnes. Aucun virus ne doit nous suivre.
Retour à la vie, retour à la maison ! Ma nièce le Docteur Marième Ciré Ly directrice de la Clinique A-Z Cardio ainsi que son infirmière Maimouna prennent en charge mon problème cardiaque, les soins infirmiers, l’encadrement psychologique subséquent. Elle a pris le relais, en toute confraternité et en toute complicité, du Docteur Kadia Ba qui m’a opéré avec succès et placé la petite pile qui améliore notablement mon confort vital. Elle a pris un gros risque. Elle a opéré un patient à haut risque ! Elle et ses collègues savent dans quelles circonstances …Merci !
Et enfin, d’apparence si fragile mais d’une puissance mentale au dessus de la moyenne, le Professeur Maimouna Ndour Mbaye, chef du service de diabétologie de l’hôpital Abass Ndao. Elle a pris en charge le rééquilibrage de mon autre comorbidité fortement mis a mal par la prise de médicaments prioritaires dans la gestion de la maladie. Il fallait désormais mettre de l’ordre, restaurer les équilibres, ramener l’organisme à naviguer sur des eaux plus calmes.. Chaque jour qui passe est devenu une conquête, la prise de nouvelles positions pour y installer des lignes avancées contre les ennemis invisibles…
Merci à tous ces éminents praticiens car, chaque jour, je mesure le fossé entre la science et l’ignorance, la différence que font des dizaines d’années d’études et d’expérience…
Merci au chef de service de pneumologie de l’hôpital Fann qui m’a examiné de fond en comble après mes premiers jours de convalescence pour s’assurer et nous rassurer que « tout allait bien » . Décidément diront certains ! Eh bien oui Encore une nièce, Le professeur Nafi Oumar Toure Badiane.. Je confonds dans ces remerciements son personnel médical, Fatimata et Fatou qui ont su solliciter et trouver des veines passablement éprouvées depuis plus d’un mois…
Merci à mon ophtalmologue, le Professeur Pape Amadou Ndiaye qui a eu la délicatesse de prendre des nouvelles régulières de mon état de santé. Là où le malade n’est pas qu’une fiche ou un numéro d’ordre mais un être de chair et de coeur.
Et enfin depuis ma sortie de l’hôpital et quelques jours de repos, je suis entre les mains de Ousseynou Faye, kinésithérapeute. Responsable du cabinet « Mon Kiné »… Il m’apprend, au jour le jour la réappropriation de mon corps, la coordination des mouvements. La réconciliation de la respiration avec les fonctions vitales essentielles… J’attends avec impatience nos séances matinales. Car elles éclairent, sous un jour nouveau, la beauté simple de la vie en soi et autour de soi. Même sans un sous en poche. La vie n’a pas de prix !
J’en aurai ennuyé certains… Mais je tenais surtout à partager un plaidoyer après ce chapelet de reconnaissances détaillées. Je le devais à chacun et à chacune de ces personnes formidables qui allient leurs vies de familles et leurs multiples obligations à la prise en charge de milliers de détresses humaines. Mon rêve est que chaque sénégalais puisse bénéficier un jour de la plénitude des compétences des professionnels sénégalais de la santé. Cela a un prix et sûrement des coûts. Mais il n’y a rien de plus important que la santé ! Surtout lorsque le savoir-faire est à portée de main. Mobilisons des moyens conséquents pour équiper nos hôpitaux et nos structures de santé. Donnons-nous les moyens de rapatrier les meilleures ressources humaines de la diaspora. Mettons les moyens qu’il faut, la où il faut ! Alors le Sénégal pourrait prétendre à une place de choix sur l’échiquier du tourisme médical international. Imaginez les effets d’entraînement sur tous les autres secteurs d’activités…
Voilà ! J’ai voulu témoigner de ce que j’ai vécu. Et partager quelques pierres précieuses glanées dans les bas-fonds. En espérant que cela puisse avoir une quelconque utilité, pour quelqu’un. Quelque part.