Eclairage historique: Le Musée des Civilisations Noires a-t-il un ou plusieurs pères ? (Pr Iba Der Thiam)


Rédigé le Lundi 10 Décembre 2018 à 13:09 | Lu 101 fois | 0 commentaire(s)




Si le Musée des Civilisations Noires a un père, il s’appelle Lamine Arfang Senghor, qui en a parlé parmi les premiers, dès 1926, dans le cadre des luttes menées par les mouvements pan-noirs, au lendemain de la première guerre mondiale, dans la continuation de l’action développée par les grands humanitaires français du XVIIIe siècle, en réclamant l’égalité pour les nègres et leurs cultures. 

Le rôle joué par les soldats noirs pendant la Grande Guerre a été tellement important qu’il a permis la victoire des alliés de la France. Ils se battaient pour la justice, la liberté et la dignité d’un peuple agressé. Cette guerre a suscité dans les rangs des soldats noirs une prise de conscience nouvelle, parce que sévissaient encore dans les colonies, la domination et l’oppression, l’injustice, l’inégalité, le Code de l’Indigénat, la discrimination et le racisme, etc. 
Depuis 1787, des Libéraux européens avaient créé deux ans avant la Révolution française, l’Association des Amis des Noirs, avec Brissot, Sieyès, Condorcet, Mirabeau, La Fayette, le Duc de la Rochefoucauld, l’Abbé Grégoire, etc. 

Ce fut dans cette lignée que Booker Washington, Dubois, Directeur de la Revue américaine Crisis et Marcus Garvey, encouragés par la victoire d’Haïti sur les Espagnols, les Anglais et les Français et l’indépendance de l’Amérique Latine, acquise entre 1808 et 1825, convoquent des assises destinées à faire le point sur la condition des peuples noirs dans le monde. 

Le 1er congrès s’est tenu à Paris, au Grand Hôtel, parce le Président Wilson avait refusé d’accueillir les activistes noirs. 

Ce fut au cours de ces congrès que, pour la première fois, les intellectuels et hommes politiques du monde noir déclarent : 
1) que les Pharaons de la 24e dynastie égyptienne étaient des Noirs, 
2) qu’il n’y a de race supérieure ; 
3) que la race noire a une civilisation ; 
4) et que l’Afrique est le berceau de la civilisation. 

Ils soutiennent, en plus, que les peuples arriérés « seront, un jour, maîtres de leur destin Â». Ils évoquent le cas d’Haïti et du Liberia. 

Ils dénoncent les colonialismes belge, anglais et portugais et rendent hommage à la France qui a proclamé la déclaration des droits de l’homme et du citoyen et a, en plus, nommé dans son Gouvernement, un ministre noir en la personne de Blaise Diagne. 

Etaient présents : Gratien Candace, Député de la Guadeloupe, Isaac Breton, Professeur au Lycée de Saint-Louis, Henri Béranger, Sénateur de la Guadeloupe, Dantès Bellegarde, etc. 

Un deuxième congrès eut lieu en 1921. Ce fut dans ce mouvement que Lamine Senghor créa le Comité de Défense de la Race Nègre. C’est cette structure qui, en 1926, après avoir rendu hommage à Victor SchÅ“lcher, proclama que le monde noir doit s’unir et se montrer fier de son héritage et mentionna dans son programme, la nécessité pour le monde noir, de se doter d’un musée (le mot est lâché pour la première fois), d’une bibliothèque, d’un foyer, etc. 

Selon l’historien, le Professeur Pape Ndiaye, les Noirs étaient en France à cette époque, entre 15 et 20 000 personnes. 

Lors du Congrès des Ecrivains et Artistes Noirs qui se tint à la Sorbonne, du 19 au 22 Septembre 1956, le Président Price Mars donna lecture de la résolution de la séance de clôture dans laquelle, on lit : « Notre congrès engage les intellectuels noirs et tous les hommes épris de justice, à lutter pour la création des conditions concrètes de la renaissance et de l’épanouissement des cultures nègres Â». 

« Notre congrès, qui rend hommage aux cultures de tous les pays, apprécie leur contribution au progrès de la civilisation, engage tous les intellectuels noirs à défendre, à illustrer et a faite connaître dans le monde, les valeurs nationales de leurs peuples. 

Nous écrivains et artistes noirs, proclamons notre fraternité avec tous les autres hommes et attendons d’eux, qu’ils manifestent envers nos peuples, la même fraternité
». 

Cette résolution était lue par Jacques Rabémananjara. 

Ce sont sur ces repères que les Chefs d’Etat du Sénégal, depuis Senghor, ont surfé, pour que le Musée des Civilisations Noires devienne un concept opératoire, avant de devenir, aujourd’hui, une réalité. 

Il s’agit, donc, d’une entreprise collective, dont tous les auteurs doivent être salués. 






Professeur Iba Der THIAM 
Le Coordonnateur Général 
Dakar, le 09 Décembre 2018


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