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EXPLOITATION DU GISEMENT YAKAAR-TERANGA : L’Etat veut reprendre la main


Rédigé le Jeudi 11 Décembre 2025 à 14:33 | Lu 92 fois | 0 commentaire(s)




A quelques mois du terme de la licence détenue à 90 % par Kosmos Energy (10% pour Petrosen) depuis l’abandon par British Petroleum (BP) en 2023, l’Etat du Sénégal envisage de « nationaliser » le projet offshore gazier Yakaar-Teranga. La faisabilité reste tout de même soumise à plusieurs conditions. La transition devra dépasser les enjeux politiques, pour intégrer les réalités techniques, financières et contractuelles. 
EXPLOITATION DU GISEMENT YAKAAR-TERANGA : L’Etat veut reprendre la main
Las d’attendre un partenaire adapté pour convenir d’un concept de développement commercialement viable du gisement offshore gazier Yakaar-Teranga, l’Etat sénégalais envisage de reprendre la main et de donner à Petrosen l’opportunité de développer ce projet. Actuellement détenue à 90 % par Kosmos Energy depuis l’abandon par British Petroleum (BP) en 2023, la licence actuelle du gisement expire en juillet 2026, alors qu’on s’attendait à une décision finale d’investissement en 2025. Aussi, l’Etat sénégalais envisage-t-il de rebattre les cartes et parle de « nationalisation Â» au profit d’un contrôle renforcé de Petrosen, visant à donner à l’État, le contrôle direct du développement et de la valorisation. 

L’annonce par les autorités ouvre un débat sensible au Sénégal comme auprès des investisseurs internationaux. Le projet, l’un des plus prometteurs d’Afrique de l’Ouest et qui représente l’actif gazier le plus important du pays, tant en volume qu’en potentiel économique, est devenu le symbole d’un dilemme politique classique : comment accroître la souveraineté énergétique sans compromettre la confiance des partenaires et la viabilité financière du développement gazier ? 
  
  
Le défi juridique

A moins qu’il n’y ait une clause de non-renouvellement du contrat de Kosmos Energy qui détient aujourd’hui 90% du projet et dont la licence arrive à terme en juillet 2026, toute intervention de l’État dans un contrat pétrolier ou gazier déjà signé se heurte à un obstacle majeur : le risque de contentieux international. Les partenaires historiques, notamment Kosmos Energy, disposent de mécanismes de protection (clause de stabilité, arbitrage ICSID, obligations de compensation) qui limitent toute modification unilatérale. Le cas du contentieux Woodside-Etat du Sénégal est là pour le rappeler. Un différend ouvert avec Kosmos aurait un effet mécanique : hausse du risque perçu, renchérissement du coût du capital, prudence accrue des bailleurs internationaux. 
  
Le Sénégal jouissait jusqu’ici d’une excellente réputation dans la gouvernance contractuelle de ses hydrocarbures. Une « nationalisation Â» rapide, sans négociation préalable, pourrait fragiliser davantage cette image. 
Non pas parce que les investisseurs seraient « opposés à l’État », mais simplement parce qu’ils valorisent la prévisibilité juridique comme une ressource aussi essentielle que le gaz lui-même. 
  
Un enjeu sous-estimé
  
Passer d’une participation minoritaire à un rôle d’opérateur ou de quasi-opérateur implique une transformation profonde : un projet offshore deepwater exige une expertise technique très pointue ; les coûts de développement se chiffrent en milliards de dollars ; les risques techniques (forage, installation subsea, FPSO, compression) doivent être gérés avec une rigueur habituellement assurée par des majors. 

PETROSEN a progressé ces dernières années, mais devenir opérateur principal sur un projet de cette complexité exige une montée en compétences accélérée. Le risque de retards ou de surcoûts serait immédiat — avec un impact direct sur les finances publiques et la crédibilité du pays. Retards et surcoûts ne sont pas des hypothèses théoriques : ils représentent le risque le plus immédiat pour les finances publiques. 

Dans un contexte où le coût du capital augmente et où les États africains sont observés de près par les marchés de la dette, la crédibilité opérationnelle devient un facteur déterminant. 
  
Nationaliser, c’est aussi financer


Si PETROSEN devait assumer seule la charge du développement, il faudrait mobiliser des ressources colossales, soit via la dette souveraine, soit via la levée de capitaux pour PETROSEN, soit via un nouveau partenaire technique. Un scénario qui rend la « nationalisation » plus relative qu’il n’y paraît. 
  
Un retrait ou un contentieux avec l’opérateur actuel renchérirait immédiatement le coût du financement. Les bailleurs et banques commerciales ajustent leurs taux au risque perçu : une procédure arbitrale en cours suffit souvent à faire grimper la prime de risque pays. Au final, une « nationalisation Â» mal calibrée pourrait coûter plus cher que les parts cédées. 
  
Un actif stratégique
  
La « nationalisation Â» en question est portée par un discours politique structuré autour de la reprise en main d’une ressource considérée comme stratégique ; la nécessité de garantir un approvisionnement domestique fiable ; la volonté de mieux capter la valeur ajoutée locale et régionale. 

Avec des réserves estimées à 25 Tcf soit 25 000 milliards de pieds cubes, c’est l’un des plus grands gisements « gaziers purs » d’Afrique de l’Ouest. Yakaar-Teranga est un gisement gazier offshore profond, localisé à plus de 100 km des côtes et doté d’un Gaz « propre » (faible teneur en COâ‚‚), avec une forte pression et un bon débit. 
  
La ressource située en eaux profondes (deepwater), technologiquement complexe, nécessite des investissements lourds. 
Le développement d’un champ deepwater nécessite généralement 2 à 5 milliards de dollars USD pour la première phase ; 5 à 10 ans entre découverte et production commerciale ; une expertise technique que seules quelques entreprises maîtrisent (opérateurs majors). 

C’est pour cette raison qu’un partenaire stratégique de référence était recherché depuis 2023 et une décision finale d’investissement était attendue en 2025. Entre-temps, c’est la compagnie Kosmos Energy (90%) et Petrosen (10%) qui s’y sont collées après le retrait de BP dont le départ trouve les raisons dans une divergence d’objectifs avec l’Etat dont la vision pour le projet, était de répondre à deux objectifs politiques majeurs : la sécurité énergétique nationale (électricité, industrie) et les recettes d’exportation (LNG, contrats à long terme). 
  
Le Sénégal compte sur le gaz domestique pour stabiliser le coût de l’électricité ; alimenter les industries (chimie, engrais, ciment) ; réduire les importations de fioul et diesel ; attirer de nouveaux investisseurs. 

Derrière l’équation se cache une réalité plus complexe que la simple opposition entre État et multinationales. Yakaar-Teranga concentre à la fois les attentes d’une économie en quête de croissance, les impératifs de sécurité énergétique, et les contraintes d’un marché mondial où les règles contractuelles sont autant d’actifs que les propres molécules de gaz. 

PETROSEN qui dispose aujourd’hui d’une participation minoritaire prévue pour monter à hauteur de 35% en phase de production, voit dans une « nationalisation Â» un moyen d’accroître sa marge de décision et son poids dans la monétisation de la ressource. Mais leur convergence dépend d’un cadre d’exécution très délicat. 
  
Souveraineté, stabilité juridique et efficacité
  
La solution la plus réaliste semble se situer dans une approche hybride. PETROSEN renforce sa participation et son rôle stratégique ; l’État assure une priorité d’allocation du gaz au marché domestique ; les partenaires privés conservent un rôle technique et financier clairement défini ; la modification du cadre se fait par négociation, compensation et transparence. 
  
Cette formule permettrait de répondre aux attentes « souverainistes Â» tout en préservant l’attractivité du cadre sénégalais. L’enjeu dépasse le simple cas Yakaar-Teranga. 

Ce qui se joue, c’est la capacité du Sénégal à définir un modèle de gestion de ses ressources qui concilie souveraineté, stabilité juridique et efficacité opérationnelle. 

Nationaliser n’est ni un tabou, ni une panacée. Tout dépend de l’exécution : lente, négociée, transparente et techniquement maîtrisée… ou brutale, politisée et coûteuse. 

Dans un secteur où le moindre retard se compte en millions de dollars par jour, la différence entre ces deux voies peut décider non seulement de l’avenir du projet Yakaar-Teranga, mais aussi de la trajectoire énergétique du pays pour les trente prochaines années. 
Une solution pragmatique consisterait à constituer un consortium piloté par PETROSEN avec un rôle de “leader stratégique Â», avec des partenaires techniques et financiers externes (ce qui permettrait de combiner souveraineté nationale + expertise + viabilité économique). 
  
Le sens des mots

« Révision du cadre contractuel », Optimisation de la participation de l’État », « Reconfiguration du partenariat », « Consolidation de la gouvernance », « Montée en puissance de la compagnie nationale »… Toutes ces formulations disent la même chose, mais sans déclencher l’alarme rouge. 

Dans un secteur aussi sensible que l’énergie, on ne devrait jamais sous-estimer l’effet d’un mot mal calibré. Parler de « nationalisation Â» est déjà une erreur de communication (même si l’objectif du gouvernement est légitime). Le mot crée un bruit qui masque le fond, alimente la peur d’un scénario extrême, et complique toute renégociation. 

Le problème n’est pas l’intention du Sénégal… Le problème, c’est ce que le monde entend. Le terme renvoie immédiatement au scénario « dur » — rupture avec Kosmos — même si l’intention du gouvernement est peut-être un scénario 2 (renégociation) ou même un 3 (rééquilibrage progressif). 

Le mot « nationalisation Â» porte une charge politique et historique très forte, et dans un contexte où le pays cherche à attirer des investisseurs, c’est presque le pire terme à utiliser (même si, dans les faits, l’intention réelle du gouvernement peut être beaucoup plus nuancée). Autrement dit : la perception devient le message, même si ce n’était pas l’objectif. 
Malick NDAW



Source : https://www.lejecos.com/EXPLOITATION-DU-GISEMENT-Y...


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