Campagne arachidière: «les producteurs veulent le beurre et l’argent du beurre», selon un expert agricole


Rédigé le Jeudi 17 Décembre 2020 à 13:13 | Lu 222 fois | 0 commentaire(s)



Galaye Seck, un technicien horticole, président de la Commission Agriculture du conseil départemental de Rufisque, est révulsé par la tournure de la présente campagne arachidière. L’homme, adossé à plus de 35 ans d’expérience en tant que spécialiste en cultures maraîchères et fruitières, ne comprend guère l’attitude des producteurs d’arachides. Il pense que ces derniers veulent le beurre et l’argent du beurre. Ou, plus précisément, l’arachide et l’argent de l’arachide sans tenir compte des subventions obtenues de l’Etat pour privilégier les huileries locales.


«  Les  producteurs  d’arachides  veulent  le beurre et l’argent du beurre avec les difficultés qu’éprouveraient les huiliers pour acheter les graines. Cette année, le Cnia (Ndlr, Conseil national interprofessionnel de l’arachide) propose un prix de 250 frs validé par l’Etat mais très vite, on a constaté que la Sonacos et les autres huiliers risquaient, comme l’année dernière, d’avoir les mêmes difficultés pour s’approvisionner et faire tourner leurs usines. « Les Chinois, dès le début de la campagne, mettaient 50 voire 100 frs de plus sur le prix officiel pour acheter le kg à 300 ou même 350 frs. Les producteurs tapent sur l’Etat en parlant de régime libéralisé et qu’on doit les laisser vendre au plus offrant pour se faire le maximum de bénéfices. Seulement, ils essaient d’oublier que les intrants achetés au niveau des commissions de distribution officielles sont toujours subventionnés à plus de 50 %. Le kg de semence en coques leur revient à 100 frs, le kg d’urée et d’engrais NPK à moins de 9000 frs le sac de 50 kg. Et que la lutte phytosanitaire est toujours assurée sur l’étendue du pays par la Direction de la Protection des Végétaux, DPV » explique Galaye Seck pour démonter les arguments des producteurs d’arachide.

Cet expert en vulgarisation, en conseil, en statistiques agricoles, en formation et en financement indique que « si les chiffres annoncés par le Professeur Moussa Baldé ministre de l’Agriculture et de l’Equipement Rural —  presque 1 800 000 tonnes — sont exacts, les huiliers, les Chinois, l’autoconsommation doivent pouvoir s’approvisionner sans problèmes. Il serait donc normal, dans ces conditions, que les paysans gagnent davantage avec un hivernage exceptionnel »

Il rappelle que les Chinois ne sont pas descendus du ciel. Ils sont venus répondre à un appel de l’Etat qui avait peur du retour des bons impayés. Alors il avertit qu’il faut seulement éviter que les huiliers soient empêchés de disposer de suffisamment de graines avec les difficultés de la Sonacos victime des pratiques mafieuses du repreneur Abbas Jaber. Et que le stock de semences certifiées ne se retrouvent pas au pays de Mao Ze Dong, d’où cette taxe à l’exportation de 30 francs par kg réinstaurée par les autorités.

Faire de la valeur ajoutée pour l’arachide
Notre interlocuteur énumère les énormes possibilités que le Sénégal peut obtenir de l’huile d’arachide qui reste la seule huile qui peut subir l’épreuve du «tallalé» dans la préparation du «thiébou dieune» sans devenir cancérigène. « Donc difficile de comprendre nos choix économiques concernant l’huile d’arachide à savoir l’exporter et, en retour, importer des huiles végétales comme l’huile de tournesol, l’huile de palme blanchi de la Malaisie. Il faut impérativement avoir le réflexe de faire de la valeur ajoutée par la transformation. Et pour cela, les femmes des producteurs peuvent être organisées en groupements avec des séances de capacitation avec l’appui de l’Onfp, de la Fondation 3 F et la Der, du Fadsr pour des lignes de crédits à des taux bonifiés.

« L’Inde, à travers des joints ventures, peut être un bon partenaire pour la production de kits autonomes de transformation. Ainsi le projet du ministre Alioune Sarr,  le  prédécesseur  de  Mme  Assome Diatta  au  département  du  Commerce, pourrait être repris. Et les groupements de femmes pourraient assurer une première  transformation  puis,  par  des contrats, vendre aux huiliers à 700 frs le litre.  Ces  derniers  commercialiseront  le produit fini à 1290 frs permettant aux Sénégalais de consommer de l’huile qui préserve  leur  santé.  La  Sonacos,  il  faut  le rappeler, depuis l’époque de la Seib (Ndlr, Société électrique et industrielle du Baol) avec le Pdg Yaya Kane a une capacité de trituration  d’un  million  de  tonnes  dans l’ensemble de ses usines de Diourbel, Ziguinchor, Lyndiane et Dakar. Elle est depuis obligée de faire du vinaigre, de l’eau de Javel, de la pâte dentifrice pour faire tourner ses machines et préserver des milliers d’emplois. Il faut aussi un effort pour moderniser l’outil de production. 

«La Sonacos gagnerait aussi à occuper la place du chaînon manquant, la Sonagraines, avec ses propres champs et ses techniciens.  Et  de  l’irrigation  peut  être même envisagée pour sécuriser la production » explique Galaye Seck. D’après toujours le technicien, « l’Isra (Ndlr, Institut sénégalais de recherches agricoles) et l’Ita (Institut de technologies alimentaires) ont un rôle majeur à jouer en termes d’accompagnement de la filière pour la production de semences certifiées de qualité. 

«Le Cnra (Centre national de recherches agronomiques) de Bambey réhabilité avec des chercheurs chevronnés, des budgets conséquents, du matériel moderne doit se charger des Pré-bases et Bases et la signature de contrats avec les groupements de production de semences pour les certifier. Il peut se charger de la production de fiches techniques sur les itinéraires, l’organisation de séances de démonstration au profit des paysans partout dans le pays et l’introduction des techniques de production agro écologiques. Quant à l’Ita, il doit trouver le moyen de diffuser les résultats sur les techniques de transformation qui éliminent l’aflatoxine avec l’utilisation de l’argile. 

« L’institut National de Pédologie doit aussi  s’impliquer  dans  la  restauration de  la  base  productive  dans  le  bassin arachidier avec l’introduction des techniques  agro  écologiques  et  utilisation massive de la matière organique. ».

Autant de préconisations faites par notre expert agricole pour booster la production nationale d’arachides !

Le Témoin



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