Vi*l et péd0philie : Retour croisé sur les douloureuses expériences vécues par Ndèye C. et Pape, à l’origine de leur phobie pour le mariage.


Rédigé le Vendredi 11 Décembre 2020 à 17:30 | Lu 727 fois | 0 commentaire(s)




La loi criminalisant le viol et la pédophilie, votée et promulguée le 10 janvier 2020 n’aura pas réussi à dissiper l’angoisse et la douleur dans lesquelles baignent les victimes des agressions sexuelles. Ndèye C. est de ces personnes qui en souffrent encore, plusieurs décennies après les faits. Chanceuse pour avoir échappé à son ‘’prédateur sexuel’’, alors qu’elle était toute jeune et innocente, elle a, depuis lors, perdu tout désir d’avoir un contact physique avec un homme. Le mariage, elle n’en parle pas et n’en veut pas. Pour Pape, les attouchements dont il a fait l’objet ont eu des répercussions sur sa sexualité. Il s’est confié à Dakaractu..

Des victimes d’agressions sexuelles continuent d’être dénombrées au Sénégal. Leur nombre exact est encore méconnu du fait du silence coupable des parents ainsi que de celui des autorités concernées par la prise en charge des victimes d’abus sexuels.  Ces dernières sont nombreuses, aujourd’hui, à vivre avec des blessures physiques et les traumatismes psychologiques, la honte, le mépris et le sentiment d’être souillé font qu’elles s’en veulent depuis. Des séquelles dont nous parlent ici un gynécologue-obstétricien et un psychologue clinicien. 

Le confinement aidant pendant la pandémie de la Covid-19, une cohabitation permanente s’était imposée aux membres de la famille et aux voisins qui partageaient le même palier. Ce confinement inhabituel, sous nos cieux, a été néfaste aux personnes vulnérables dont certaines ont été victimes d’agressions sexuelles, comme l’ont rapporté des médias locaux. Mais aussi les boutiques de droit de l’Association des juristes du Sénégal (Ajs) comme celle de Pikine qui ont pu enregistrer des cas de viol. Ladite organisation dit, d’ailleurs, attendre la publication de son rapport d’activités pour dresser la situation exacte de ces agressions sexuelles. Mais, il est toutefois signalé que dans cette localité de la banlieue dakaroise, 13 victimes de violences sexuelles, toutes de sexe féminin, ont été recensées au cours du premier semestre de l’année 2019. Il s’agit de 02 gamines de moins de 10 ans ; 07 autres âgées de 11 à 20 ans et de quatre femmes âgées de 31 à 50 ans. Ce qui représente une infime partie des 1 200 cas de viol et de pédocriminalité recueillis entre janvier et novembre 2019.

S’il est apparu que les viols dont sont victimes les personnes de sexe féminin sont plus médiatisés, il faut souligner que des garçons sont aussi agressés sexuellement. Des histoires qui, généralement, ne s’ébruitent pas. ‘’À chaque fois que la question du sexe est abordée dans des discussions, ressurgissent, de mon for intérieur, des souvenirs récurrents d’une femme qui m’a initié au sexe à bas âge. C’est avec elle que j’ai eu mes premiers rapports sexuels. Et, depuis cette découverte, j’ai chopé une dépendance au sexe parce qu’elle m’avait habitué aux plaisirs charnels. Voilà, entre autres, deux conséquences majeures que j’ai relevées de ces attouchements et abus sexuels dont j’ai été l’objet’’, a confié Pape. Homme âgé de près d’une quarantaine d’années, il ne cache pas aujourd’hui avoir été habitué aux plaisirs sexuels. De taille moyenne et d’un abord facile, Pape a confié qu’aucun membre de son entourage ne connaît la situation qu’il a vécue. ‘’C’est en fait un drame que je vis, loin des soupçons de mes proches. J’ai, en fait, été la cible de femmes beaucoup plus âgées que moi. J’étais encore adolescent mais les images sont restées gravées dans ma mémoire’’. Des souvenirs qui, dit-il,restent ancrés dans sa mémoire, même après plusieurs décennies. Cependant, rien en lui ne trahit ce passé qu’il a voulu partager dans l’anonymat. Et ce, à l’insu de sa famille qui, souffle-t-il, ignore tout de son vécu. Une situation qu’il n’est pas le seul à vivre.

Chaque agression sexuelle est un drame. Un drame que l’essentiel des victimes, surtout celles de sexe féminin, a vécu et continue de vivre. Ndèye C. en est une. C’est une femme joyeuse et très souriante quand il s’agit de discuter de boulot ou de généralités. Mais, elle croit être mieux dans la solitude qu’aux côtés d’un homme. Sur ses 180 cm, elle n’a rien à envier à ses semblables. Seuls quelques rares privilégiés sont au courant de ce mal qui la ronge à petit feu. Ndèye a soufflé sur ses 30 bougies. Mais plus de 20 ans après la tentative avortée de viol dont elle a été la cible, elle dit garder encore en mémoire un pan entier du film de son agression. Chanceuse pour avoir échappé à son ‘’prédateur sexuel’’, elle a, depuis lors, perdu tout désir d’avoir un contact physique avec un homme. Cela lui a ôté l’envie d’entretenir une relation amoureuse en vue de fonder une famille. Le mariage, elle n’en parle pas. Malgré sa sociabilité, sa beauté physique et ses activités professionnelles qui lui permettent de se prendre en charge, elle dit ne pas s’intéresser au mariage. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’elle dit avoir rejeté plusieurs demandes en mariage.

Dégoutée par l’homme, à cause d’une tentative de viol …

À côté de ces histoires tristes, dignes d’un film d’horreur, l’on peut évoquer quelques agressions sexuelles des plus cruelles, enfouies dans nos mémoires et ayant plongé plus d’un dans la tristesse. Le cas de ce nourrisson de 18 mois l’illustre tristement. Dans cette affaire, les faits se sont produits dans la soirée du mardi 16 au mercredi 17 mai 2017, au quartier Randoulène de Thiès. Le bébé de sexe féminin abusé sexuellement a été abandonné dans un bâtiment en construction à côté de la maison familiale. Elle était dans un piteux état. Le temps de l’émotion passée, la famille s’est repliée sur elle-même ne sachant souvent à quelle porte frapper pour être assistée et, surtout, protéger et aider la victime.

Ce qui ramène la question de la prise en charge des victimes d’agression sexuelle qui ne semble pas encore intéresser les médias. Elle est pourtant capitale et comporte plusieurs volets. ‘’Il y a un volet médical et un volet psychosocial. Il est essentiellement préventif. Un enfant victime de viol est souvent exposé à des maladies. Donc la prise en charge médicale consistera à prévenir les risques d’infection au Vih. Ce risque est d’autant plus élevé s’il y a pénétration anale ou vaginale. Et s’il y a blessure, morsure ou saignement. La deuxième chose, c’est la prévention des maladies sexuellement transmissibles qui peuvent être parasitaires ou bactériennes. La troisième chose, c’est la prévention contre l’installation d’une future grossesse. C’est-à-dire la protection contre les grossesses non désirées’’, déclare le Doudou Sagna, gynécologue-obstétricien.

‘’L’autre prise en charge est chirurgicale. Les enfants victimes de viol présentent souvent des déchirures hyménéales, vaginales et des fistules. Les réparations chirurgicales se feront au bloc opératoire. L’autre volet, c’est la prise en charge psychologique. Souvent, les enfants victimes de viol présentent une souffrance psychologique. Et cette souffrance devra être traitée pour éviter que l’enfant ait un vécu quotidien difficile’’, recommande le gynécologue-obstétricien.

‘’Ces attouchements et abus sexuels dont j’ai été l’objet, ont fait que …’’

Parlant toujours des blessures de l’appareil génital de la femme, notamment les déchirures vaginales, hyménéales, ou celles des grandes lèvres au cours du viol, le Dr Sagna indique qu’elles ‘’sont dues essentiellement au traumatisme provoqué par la pénétration brutale du pénis ou d’un corps étranger qui peut être un bâton, un doigt ou une arme dans le vagin’’. C’est donc, selon lui, la brutalité, la rapidité, la violence de la pénétration dans l’appareil génital de la femme qui créé ce traumatisme. Ces déchirures peuvent être des plaies vaginales, des ulcérations, des irritations, des déchirures du col de l’utérus. Quelquefois, on observe un délabrement de l’appareil génital et même des fistules’’.

Concernant les conséquences du viol sur les femmes, le gynécologue-obstétricien précise qu’elles sont de deux ordres. ‘’Ce sont des conséquences qui sont soit gynécologiques, soit obstétricales en rapport avec la grossesse. Pour les conséquences gynécologiques, ce sont souvent des douleurs pelviennes chroniques, des hémorragies vaginales secondaires aux plaies ; les infections sexuellement transmissibles comme le Sida, par exemple. Les conséquences obstétricales portent elles, pour l’essentiel, sur la reproduction. C’est-à-dire l’absence de désir de grossesse, l’infertilité, les déchirures. Des déchirures qui peuvent entraîner un délabrement de l’appareil génital de la femme qui empêche que la femme puisse concevoir dans le long terme’’, relève-t-il.

Le Dr Doudou Sagna précise que ‘’même les grossesses ultérieures peuvent être difficiles’’. Il ajoute : ‘’il y a des risques de déchirure à l’accouchement, des accouchements par voie basse souvent difficiles, des risques d’épisiotomie ou d’agrandissement de l’appareil génital. Il y a également le risque d’être opéré quand on est victime de violences sexuelles souvent traumatiques ».

‘’Des fois même, on a ce qu’on appelle des fistules’’

Les professionnels de la santé soulignent la nécessité pour les sujets abusés de se faire consulter et suivis régulièrement par des psychologues. Psychologue-clinicienne, le Dr Yaye Fatou Diagne liste les effets d’une agression sexuelle sur la victime. Elle a relevé en premier lieu, la situation de faiblesse dans laquelle elle plonge la personne abusée. ’’Cette faiblesse ramène quelquefois à une perte d’estime de soi. Ainsi, la personne ne s’estime plus. Cela est une conséquence. La personne ne se sent même plus utile ni pour elle-même, ni pour sa société. Et cela peut être à l’origine de dépression, de suicide, d’infertilité, de refus de la relation à l’autre, et même de mutations profondes à l’individu. Cette mutation se manifeste, chez une personne, par son refus de se marier. Celle-ci peut même changer de religion. Et la victime de cette agression sexuelle peut devenir une personne qui refuse tout contact avec ses semblables parce que l’être humain doit vivre dans une communauté, dans une société en interaction avec les autres. Le refus de cette interaction peut créer l’isolement total de l’individu. Une personne peut vivre dans une société tout en étant isolée, tout en refusant de se socialiser, tout en refusant toutes les réalités sociales dans laquelle elle est baignée’’.

Évoquant ce qui doit être fait pour accompagner ces victimes, le Dr Yaye Fatou Diagne souligne un certain nombre de points : « les gens pensent que l’accompagnement psychologique est pour celles et ceux atteints de maladie mentale. Tel n’est pas le cas. La psychologie, c’est la thérapie par la parole. Le psychologue est un miroir pour son patient. Donc, le psychologue l’accompagne à pouvoir se dire ses propres réalités et à transcender ses propres nœuds comme on les appelle’’.

‘’Les gens pensent que la victime, étant un enfant, va oublier, mais, non ! ’’

Elle ajoute : ‘’Contrairement à la maladie mentale qui est un état de pathologie organique qui nécessite donc une prise en charge chez le psychiatre, la psychologie c’est l’accompagnement. Parce qu’au moment du choc, l’individu se retrouve dans une situation de faiblesse, de désemparement. Il perd ses facultés cognitives et émotionnelles. Son affect est touché ; ses sensations peuvent alors être dénaturées. C’est pour cela qu’il faut une prise en charge psychologique pour lui permettre de verbaliser ce qu’il est en train de ressentir. Cela permet de préciser au sein de la personne même, son ressenti et le vécu de l’évènement traumatisant. Donc, c’est pour cela que l’accompagnement psychologique est nécessaire dans ces cas de figure’’.

La psychologue interrogée par Dakaractu d’ajouter que certains actes restent inoubliables, malgré le temps : ‘’Quand un acte se produit, le corps a une mémoire. Agressé sexuellement à bas âge, la jeune victime peut ne pas comprendre ce qui s’est passé. Mais son système psychique enregistre l’événement. Si la victime est un enfant, cela peut sembler anodin pour les autres. Les gens pensent que la victime, étant un enfant, va oublier. Mais, non ! Elle ne va pas l’oublier parce que ça reste dans sa tête pour un nœud qui n’est pas dénoué. En grandissant, elle commence à comprendre certaines choses. Et ce sont ces réalités-là qui vont la rattraper. Et, la jeune victime va se souvenir, un jour, qu’on lui avait fait telle ou telle chose. Cela va l’affecter. Et la personne va chercher à trouver la solution pour dénouer le problème. D’où l’accompagnement psychologique aussi. Encore une fois, tout se sait. Et tout s’enregistre chez l’individu. Quel que soit l’âge, la prise en charge est nécessaire. Même à l’enfant, on doit lui poser la question, si c’est un enfant qui peut s’exprimer verbalement. Mais si c’est un autre, le moment venu, c’est lui-même qui va poser la question’’, a indiqué le Yaye Fatou Diagne.

Au vu de tout ce qui précède, il faut retenir que beaucoup de vies ont été brisées par les agressions sexuelles que sont le viol, l’inceste et la pédophilie. Des femmes ayant, dans leur enfance,  été victimes de telles agressions, traînent avec des séquelles qui les empêchent de profiter de la vie ou même de donner naissance par voie basse. Si certains en ont tiré des blessures physiques qui ont laissé des cicatrices qui, jusqu’à leur dernier souffle, ne se refermeront jamais, pour d’autres, la profondeur de leur mal est telle qu’elles peinent à en parler. En parler, pour elles, serait quasiment remuer le couteau dans cette plaie béante qui, malgré le temps demeure. Ce qui a poussé certains spécialistes comme ceux interrogés par Dakaractu, à préconiser une assistance effective au profit de ces victimes de ces infractions aujourd’hui criminalisées. Infractions dont les auteurs encourent des peines de 5 à 10 ans ; de 10 à 20 ans ou la réclusion criminelle à perpétuité…

 



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