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Une chronique de l'agir léger en temps de Covid ( Dié Maty Fall )


Rédigé le Dimanche 28 Février 2021 à 11:23 | Lu 190 fois | 0 commentaire(s)



Au départ, il s'agit d'une banale affaire de mœurs qui surgit en plein début de la nouvelle année et pendant le couvre-feu imposé par les restrictions sanitaires imposées par la pandémie de la Covid-19.


Mœurs que ce déchirement entre l'amour conjugal et les tentations libertines insurmontables d'un être humain, parmi d'autres, qui court après sa liberté pour ne trouver à la fin, que « l'insoutenable légèreté de l'être ». C'est aussi le titre de l'ouvrage éponyme, conte philosophique et roman d'amour d'un réalisme magique publié en 1984 chez Gallimard par l'écrivain tchèque naturalisé français Milan Kundera. Seulement, si "Nesnesitelná lehkost bytí", le doux nom du roman paru dans la langue natale de l'auteur prolifique, tient autant du roman d'amour que de l'essai, la dernière virée au "sweet beauté" tient, elle, davantage de la désinvolture de la condition humaine et de la cruelle farce d'une tragédie. Car aux cotés de personnages dont la vocation première n'était pas de brûler les feux de la rampe médiatique, l'invraisemblable Madame Ndèye Khady Ndiaye et sa pulpeuse employée à tout faire, il n'y avait pas de place dans l'histoire pour la frivolité et l'égarement d'un élu qui voulait le Royaume de Dieu sur la terre. D'un archétype de l'homme droit et fiable, qui s'est employé avec la gravité et le sérieux d'une douce tristesse onirique à dompter les jours et le soir venu, à déguiser l'être en oubli.



Alors que Kundera décrit l'invasion de Prague par les Soviétiques, en 1968, dans le contexte de la domination communiste des pays de l'Est, le "massage thérapeutique" dépeint, lui, des sensations intimes et inexprimables par le verbe, d’assauts d’un autre genre. Alors que l'invasion russe en Tchécoslovaquie fait basculer la vie des personnages du roman dans une période d’oppression politique, les "séances professionnelles" dans la boutique de massage de la Madame Ndèye Khady sont plutôt bâties sur des tourments perpétuels et des ressentis singuliers. Où s'arrête le sérieux ? Où commence le frivole ? Laquelle de ces qualités de l'"être", de la gravité ou de la légèreté, correspond le mieux à notre condition humaine? Ou bien lui sont-elles paradoxalement toutes attachées ? Au retour de ces moments d'égarement, les destins des protagonistes qui gravitent autour du personnage central, pivot de l'histoire, en sont nécessairement affectés. Avec la manière qui sied à la délicatesse et à la malice de chacun, à la dualité entre le corps et l'âme de chacun des acteurs de ce vaudeville tragique. Il en reste que les nécessités du corps et les hasards de l'âme, pourtant forcés de cohabiter au sein de l'être, ne sont pas sans entraîner quelques discordes. A cette époque où la politique prend une place prégnante dans la vie privée, l'intrusion et les digressions de l'inconséquence humaine ne semblent pas pouvoir se concrétiser dans le concept de l'éternel complot. Concept commode lors du retour du moment d’égarement et pour mieux le dépasser.



Cependant, tels les chars de Varsovie, le rouleau compresseur de l'histoire avance sans se soucier des individus, ni de l'illusion qu'ils ont de croire qu'ils font des choix. Dans cette question de la légèreté et de la pesanteur appliquée aux actes, le choix de vouloir vivre son vrai moi, en dehors de tout carcan, a le visage émouvant de n'importe quelle autre faiblesse humaine. Cherchant à échapper aux normes pour mieux laisser s'épanouir ce qu'il croit être son désir, le comportement de l'élu a manqué pourtant d’esprit et de grâce, autant que de délicatesse et de malice. Il indiquerait une dimension psychologique d'un être en souffrance dont l'agir est léger. La possibilité d’une incommunicabilité sur une oppression sexuelle. ? L'envers d'une médaille à double face ? Si malice de métèques comploteurs il y a , il n’en reste pas moins que c’est l’irréfutable contribution de la proie qui a permis aux mâchoires du piège de claquer sur une frivolité démasquée. Pas vu, pas pris, devrait inciter à ne pas ricaner, à rester charitables. Mais ici, la vertu agonisante s’en va quêter une tournure politique en pleine tourmente, oubliant la dimension psychologique de la condition humaine. Celle de l'envers de la médaille, qui interroge sur la dualité entre le corps et l’âme, et nous pousse à essayer, devant le miroir, de voir son âme derrière son apparence corporelle.



L’affaire de l’incroyable salon de la Madame Ndèye Khady Ndiaye met le doigt sur une somme de complaisances et de connivences qui font que des hommes, et des femmes aussi, contribuent à faire fonctionner un système misogyne, en opposition avec notre Histoire, nos traditions et notre projet social. Qu’est-ce qu’un homme sensé, qui plus est homme politique et élu, allait-il donc faire dans cette galère-là ? Dans cette farce tragique à trois, le personnage censé être le plus éduqué (famille normale), formé (études universitaires) et responsable (chef de famille, marié, chef de parti et représentant national) est celui qui apparaît comme ayant fait le plus montre de balourdise et de maladresse. Le député se pose-t-il la question de sa responsabilité devant cette trajectoire qu’il a donnée à son existence ? Devant tant de légèreté, où se trouve la responsabilité d’autrui ? Que viennent y faire les 52,1% de citoyennes sénégalaises, dont on a pu dire, d’une manière insoutenablement légère, qu’elles sont l’origine et la raison du « mal qui ronge la société » ? En quoi devrait-on condamner la moitié du Ciel dans une affaire de mœurs ? De quel impunité devrait-on se prévaloir en vue de porter atteinte à la sécurité des citoyens et de leurs biens ? Quelle est donc ce culte voué à la violence, à la misogynie et au viol de la citoyenneté, en réponse aux rigueurs de la loi ? Pourquoi cette violence alors que l’on a rien à se reprocher ? Quel exemple est-il ainsi donné de la future mise en œuvre d’un projet politique proposé à la nation ? Quel crime, les tentatives de décrédibilisation et les menaces contre Mme Gabrielle Kane, Mme Aïssatou Diop Fall, Me Dior Diagne ou Mme Diané du collectif pour la promotion et la protection des droits des femmes, veulent-elles faire oublier ? Il y a lieu peut-être de rappeler que « tout comme l’accusé est présumé innocent, la plaignante jouit elle aussi de ses droits, et notamment celui à la protection et à une justice équitable ». L’immunité n’est pas l’impunité et licence n’est pas loi.



Il y aura toujours des hommes -et des femmes-, des Thénardier, qui choisiront d’exploiter honteusement la misère humaine et la détresse. Tout comme, il y aura toujours d’autres hommes -et d’autres femmes-, des Jean Valjean, qui tendront la main, qui soulageront ce désespoir et transformeront le vice en vertu. C’est le destin de la dialectique humaine. Le positionnement en politique comme dans le rapport familial, professionnel, amical ou amoureux exige de la durabilité et de la fidélité, et exclut toute versatilité. Même si personne ne devrait s’arroger le droit de juger, prérogative de Dieu et des juges, il y a forcément une part de soi que l’on doit accepter de mettre de côté dans ces conditions. En dépit de la douce mélancolie des années qui ne reviendront plus, celles du temps perdu de l’idéal et du meilleur, personne ne saurait rester indifférent devant la culture de la violence, notamment de la violence contre les femmes qui prend une ampleur considérable. Dans le contexte de tentative de domination par des esprits pas encore finis d’être formés ou ouvertement misogynes, je ne choisis pas de coopérer, de consentir ou de me résigner : révoltons-nous.



Dié Maty Fall



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