Très impactées par la COVID-19 : Les travailleuses du sexe exigent plus de considération de la part des décideurs


Rédigé le Mardi 18 Mai 2021 à 13:27 | Lu 86 fois | 0 commentaire(s)



La Covid-19 a créé beaucoup de difficultés chez les populations en général et les travailleuses du sexe en particulier. Ces dernières ont été beaucoup impactées par la pandémie. Avec les restrictions des déplacements, le couvre-feu et la loi sur l’état d’urgence, leurs droits les plus élémentaires, comme celui à la santé, ont été bafoués. Elles demandent plus de considération de la part des décideurs. Dans ce reportage du journal « EnQuête », elles parlent sous des noms d’emprunt…


Très impactées par la COVID-19 : Les travailleuses du sexe exigent plus de considération de la part des décideurs
‘’Depuis quelque temps, on entend le président de la République parler d’emploi pour les jeunes et de révision de sa politique de jeunesse. Mais en ce qui nous concerne, rien n’est prévu’’.

Ainsi s’exprime Ndèye Sokhna Faye*, travailleuse du sexe à Diourbel. Ses collègues et elle souffrent en silence. ‘’La Covid-19 nous a beaucoup impactées’’, affirme Astou Diop*.

‘’Mes enfants ont été renvoyés de l’école. C’est avec mon travail que je payais leur scolarité. Ce qui n’était plus possible avec mes maigres recettes’’, pleure sa collègue Fatou Sarr*. ‘’On pouvait gagner en une nuit 50 000 F ; on ne reçoit (désormais) que 5 000, voire 10 000 F. C’est parce que les clients se raréfient’’, s’attriste-t-elle.

En plus d’être stigmatisées par leur propre entourage, elles doivent faire face à cette maladie chronique qu’est le sida. ‘’Elle nous empêche de vivre comme nous le voulons’’, lance Aby Sagne* qui ne comprend pas que ‘’ses droits les plus élémentaires comme celui à l’alimentation et celui à la santé aient été foulés aux pieds. Et le plus cocasse dans tout cela, aucune organisation des droits humains et même des droits de la femme ne s’est intéressée à notre sort’’.

Selon Sagne, durant les périodes de restriction avec le couvre-feu et l’état d’urgence, c’était très difficile, voire impossible pour elles de se faire consulter au niveau des sites de prise en charge et ainsi bénéficier des traitements antirétroviraux (ARV). ‘’On avait peur de contracter le virus de la Covid-19 en se rendant sur les sites’’, ajoute-t-elle. Leur appréhension se justifie d’autant plus que la plupart d’entre elles souffrent d’autres pathologies comme l’hypertension artérielle et le diabète.

Fanta Seck* est l’une d’elles. Elle revient sur leur frilosité : ‘’Les personnes qui souffrent de comorbidité sont très exposées et courent le risque de contracter la maladie. Les débats des spécialistes au niveau des radios et télévisions disent aussi que les personnes séropositives ayant des problèmes cardiaques ou pulmonaires sont potentiellement exposées à un risque plus élevé de contracter le virus et de développer des symptômes plus graves.’’

D’ailleurs, déplore le coordonnateur régional de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) dans la région de Diourbel au centre du Sénégal, Dr Amadou Kâne, il y a un taux élevé de perdus de vue de personnes vivant avec le VIH qui, en 2020, se chiffre à 10 %. ‘’L’année 2020 a été particulière, avec l’apparition de la Covid-19 qui a été à l’origine d’une restriction momentanée de déplacements entre les différents départements. Or, en matière de VIH, il n’est pas souhaitable que le traitement soit interrompu, au risque d’apparition de nouveaux virus résistants’’, se désole-t-il.

Le rapport final 2021 du Comité national de lutte contre le sida (CNLS) constate que ‘’lors des restrictions momentanées des déplacements, il est clair que l’accès aux ARV était rendu difficile pour certains patients’’.

Mais la restriction des déplacements n’était pas la seule source de démotivation. Le coût financier, aussi, l’explique en partie. Le recours au plus vieux métier du monde est lié en grande partie à la pauvreté, soutient le chef du Service de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, Samba Diop. ‘’Diourbel est l’une des régions les plus pauvres du Sénégal. Les derniers recensements la situent à la 3e place sur les 14 régions’’, selon lui.

Les rendez-vous médicaux mensuels sont obligatoires pour les PVVIH, mais ‘’à chaque fois qu’elles se rendent dans une structure de soins, les travailleuses du sexe sont malheureusement obligées de s’acquitter des frais de consultation’’, explique le Dr Kane. Un ticket de consultation coûte environ 2 000 F au niveau du centre hospitalier Heinrich Lübke de Diourbel. ‘’Avec le manque de moyens financiers [dû aux confinements liés à la Covid-19], elles ne pouvaient plus venir se faire consulter’’, rajoute le médecin.

Selon le rapport cité plus haut du CNLS, ‘’la pandémie à Covid-19 contribuerait à l’augmentation des taux de perdus de vue des PVVIH’’. Les taux de perdus de vue les plus élevés ont été observés à Tambacounda (11,0 %), Diourbel (10,2 %), Kédougou (9,5 %). En plus, les ruptures de stock des médicaments ARV se sont produites à Diourbel, à Matam et à Tambacounda, selon le rapport. Il est clair que la Covid-19 représente un obstacle aux services de soins de santé pour ces travailleuses du sexe séropositives.

De plus, selon le docteur Amadou Kane, le manque de communication claire, directe et efficace reste un autre obstacle majeur, en matière de droits humains des travailleuses du sexe, en ce temps de Covid-19 au Sénégal. Encore un autre obstacle significatif, dit-il, est les frais associés aux soins. ‘’Si cet obstacle était levé, toutes ces travailleuses du sexe vivant avec le VIH ne s’en porteraient que mieux’’, dit le spécialiste. ‘’Il faut chercher, voire identifier un tiers payant pour les travailleuses du sexe, en rendant gratuits les frais de consultation’’.

Le règlement de cette question ne peut être résolu qu’en donnant les moyens aux travailleuses du sexe. Elles souhaiteraient une discrimination positive à leur égard. ‘’Si l’Etat ou bien les structures financières décentralisées pouvaient penser à nous en nous accordant des prêts spécifiques, ce ne serait qu’une aubaine’’, renchérit Khady Mbaye, travailleuse du sexe à Mbacké.
EnQuete


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