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Souleymane Boun Daouda Diop, ancien DHC: «Aliou Cissé n’était ni le choix du ministère, ni de la FSF»


Rédigé le Mardi 27 Avril 2021 à 08:04 | Lu 189 fois | 0 commentaire(s)




À bâtons rompus, Stades livre la seconde partie de l’interview de Souleymane Boun Daouda Diop, ex-Directeur de la Haute Compétition (DHC). Ce haut cadre de l’administration sénégalaise a été durant une décennie au cÅ“ur de la politique sportive du Sénégal. Boun Daouda Diop révèle notamment les dessous du choix du sélectionneur national, aujourd’hui décrié par une partie de l’opinion.

Entretien.

Comment appréciez-vous la prestation de l’équipe nationale qui a fait couler beaucoup d’encre avec le fameux système 3-5-2 ces temps-ci ?

Je crois qu’il y a deux choses à séparer, le système de jeu 3-5-2 et l’animation du jeu. Le système est une affaire d’initiés, vraiment cela doit être un débat de techniciens. Ça ne doit pas être un débat populaire. Le système de jeu, c’est la position des joueurs sur le terrain. L’entraîneur choisit son système en fonction des forces et faiblesses de son équipe et celles de l’équipe adverse. Il y a tellement de facteurs qui interviennent dans le choix du système. Mais le système ne vaut rien, ce qui est important, c’est l’analyse que l’entraîneur fait, car le système évolue au cours du match. Maintenant, le problème qui se pose au niveau du Sénégal et c’est récurrent, c’est l’animation du jeu. Le jeu du  Sénégal pose un problème du point de vue de son animation. Les gens l’ont toujours décrié, mais il faut comprendre une chose : on ne peut avoir 90% de possession de balle, faire des passes multiples. Si vous ne gagnez pas, vous n’êtes pas un bon entraîneur. Les critères d’un bon entraîneur dans ces évaluations, ce sont les critères de performances. Or sur ce plan, Aliou Cissé a toujours atteint son objectif avec son système. Le projet d’Aliou Cissé, c’est de mettre un dispositif qui lui permet de gagner, ses statistiques plaident en sa faveur. Moi, je préfère une équipe qui gagne à une équipe qui joue bien. La finalité d’un match, c’est de gagner. Le système, il faut que ce soit l’affaire d’initiés, mais l’animation du jeu n’est pas très plaisante.

Les qualifications terminées, comment appréhendez-vous cette CAN au Cameroun ?

La CAN au Cameroun sera comme toutes les autres CAN, cela veut dire que les meilleures équipes de 2021 en Afrique seront en 2022 au Cameroun, avec la même ambition de remporter la Coupe. En football, il y a l’histoire des clubs, le palmarès, les statistiques des nations. Ce qui est sûr, nous aurons 8 équipes sérieuses qui seront candidates à la succession de l’Algérie, y compris cette dernière qui voudra garder son trophée En Afrique du nord, nous aurons la Tunisie, l’Égypte, l’Algérie, le Maroc. En Afrique noire, nous aurons le Sénégal, le Cameroun, le Nigeria et le Ghana, avec des outsiders comme le Mali. Il faut comprendre que ce sera une CAN très disputée. Maintenant, le pays qui aura une équipe compétitive, un encadrement de qualité, un encadrement administratif, une logistique et un bon environnement social et unitaire, c’est cette équipe qui va prendre la coupe. Pour prendre la Coupe d’Afrique, il faut réunir ces critères. Surtout avoir un environnement apaisé à l’intérieur de l’équipe. À l’extérieur, il faut une parfaite entente entre les supporters, les fédéraux et les journalistes aussi, car les journalistes sportifs jouent un rôle très important, ils sont les relais au niveau du peuple. Il faut qu’en 2022, toute la nation sénégalaise soit derrière son équipe nationale. Il faut impérativement que cette unité se fasse et les journalistes auront un rôle important à jouer dans le traitement de l’information qui lui viendra de l’équipe nationale. Il ne faut pas exclure que le Cameroun organise chez lui.

Il y a aussi l’ogre l’Algérie qui reste sur 24 matchs sans défaite. Ne craignez-vous pas que Belmadi réédite son coup de 2019 ? Ils sont inarrêtables ces Fennecs.

Belmadi est un coach qui a su manager son équipe. Le Sénégal aussi est de niveau international.

Qu’est-ce qui manque à l’équipe nationale pour gagner une CAN?

Ce qui nous manquait, c’est une présence assidue aux qualifications en phases finales. On se qualifiait, mais on pouvait rester ensuite deux ou trois ans sans aller à la CAN. Ce qui nous manquait aussi, c’est une expérience de la CAN. L’autre problème, ce sont les questions d’intendance. On avait des problèmes de moyens à mettre à la disposition de l’équipe nationale. Maintenant, l’équipe nationale n’envie aucune nation de football du point de vue présence, ce problème est réglé. On avait rarement des joueurs dans les championnats anglais, espagnol. Aujourd’hui, on a au moins 4 joueurs top-players : Mané, Gana, Koulibaly, Abdou Diallo. C’est-à-dire, tout ce qui nous manquait, nous l’avons maintenant. Donc, 2022 doit être l’année de notre coupe d’Afrique. Tout est là pour gagner une coupe, les moyens, les joueurs, l’environnement, l’encadrement administratif et technique, s’y ajoute des journalistes sportifs qui sont des supporters. Tout est réuni pour qu’on prenne la coupe.

On reproche trop de choses à Aliou Cissé, entre autres : absence de projet de jeu, entêtement, etc. Comment appréciez-vous son travail ?

Pour appréciez le travail d’Aliou Cissé, il faut revenir sur l’histoire, c’est-à-dire faire un peu l’historique. Aliou Cissé, n’était pas le choix, ni de la FSF, ni du ministère des Sports pour la succession d’Alain Giresse. Dans les clauses de l’appel d’offres, il y avait une clause qui excluait Aliou Cissé. On avait dit dans cette clause : «Il nous fallait un coach qui avait une connaissance de l’Afrique». Et Aliou Cissé n’avait pas cette expérience africaine. Mais l’opinion publique, qui avait défendu le consommé local, la priorité nationale, aidée par «vous» les journalistes sportifs, vous avez imposé au ministère des Sports et à la FSF Aliou Cissé, qui était l’entraîneur de l’opinion et l’entraîneur du peuple. On ne peut pas gouverner contre l’avis de son peuple ou l’avis de son opinion. Quand il y a eu un consensus autour d’Aliou Cissé, le ministère des Sports et la FSF étaient dans l’obligation de le choisir, parce que c’était le choix du peuple. Il faut rappeler ce fait historique. Maintenant Aliou Cissé a été choisi et la FSF lui a fixé des objectifs. Jusqu’à présent, il a toujours atteint ses objectifs. S’il y a un tollé autour de son équipe, on ne peut pas exclure un entraîneur, il faut des bases. Sur quelle  base on peut se lever pour l’exclure ?

Même s’il atteint ses objectifs, nombreux sont ceux qui croient qu’avec lui, on ne gagnera jamais une CAN…

C’est l’opinion des gens et jusqu’à présent on ne lui a jamais fixé comme objectif de gagner une CAN. Maintenant, le problème est là. Il a atteint ses objectifs, est-ce que la FSF a des raisons de se séparer de lui ?

Justement, le fédéral Yaya Baldé a rappelé que ce peuple, cet opinion qui l’a choisi et élu, le renie aujourd’hui. La majorité des gens qui l’ont soutenu et propulsé à la tête de l’équipe nationale, le désavouent. Il n’est plus le coach du peuple, ni de l’opinion. Ce, même au niveau de la presse…

Il y a une opinion qui le renie, mais il y a également une opinion qui le soutient. Le retrait d’Aliou Cissé de l’équipe nationale, ce n’est pas mon débat, parce que je n’ai pas trouvé dans ce monde un entraîneur parfait. Cela n’existe pas. Mais, ce que je peux dire en termes de qualité prix, on ne peut pas trouver mieux qu’Aliou Cissé.

Pourquoi ?

En termes de prix, si les chiffres financiers que j’ai toujours laissés au ministère n’ont pas changé, Aliou Cissé touche 15 millions FCFA par mois. C’est le seul entraîneur qui coache une équipe du standing du Sénégal et qui touche 15 millions FCFA, les autres entraîneurs sont à 50 millions ou plus.

Il y a aussi les réalités du pays, c’est le Sénégalais le mieux payé, il n’est pas un étranger. Aliou est un privilégié dans un pays aussi pauvre que le Sénégal. Il y a la réalité du contexte social…

On ne peut pas trouver au Sénégal un entraîneur qui a le palmarès d’Aliou Cissé.

Il a duré sur le banc de la sélection (6 ans), ce record de longévité impacte aussi sur ces résultats, alors qu’il a des joueurs de qualité…

Bien sûr, on ne peut rien faire sans la durée. Les performances de l’équipe nationale ne sont pas seulement le travail d’Aliou Cissé, c’est un travail d’une équipe avec des joueurs de qualité. Mais, l’histoire retiendra que c’est l’entraîneur qui a le meilleur palmarès, c’est sa chance. D’ailleurs, on ne peut être un grand entraîneur sans chance. On ne peut être un grand entraîneur sans de grands joueurs. C’est une logique, ce sont les grands joueurs qui font les grands entraîneurs, non le contraire. Aliou Cissé a eu la chance de diriger l’équipe au moment où le Sénégal regorge de joueurs de qualité dans le monde. Il y a une opinion qui voudrait qu’on renforce le staff technique d’Aliou. Pour moi, c’est une très mauvaise idée.

Pourquoi ?

Parce que les fédéraux doivent prendre leurs responsabilités. Si le travail d’Aliou Cissé les satisfait, qu’ils le laissent, s’ils ne sont pas satisfaits, qu’ils l’enlèvent. Amener quelqu’un pour le renforcer, c’est amener quelqu’un pour créer la zizanie à la tête de l’équipe nationale. Une équipe, c’est un patron. Celui qu’on va amener, c’est reconnaître les carences d’Aliou Cissé. Donc, si Aliou accepte qu’on renforce son staff technique, lui-même reconnaît ses carences et accepte ce que les autres disent. Mais non, une équipe c’est un seul patron, pas deux. En tout cas, moi à sa place, je n’accepterais pas. C’est m’enlever une partie de mon autorité. Et les résultats que l’équipe nationale va faire, on va l’imputer à celui qui est venu. Il va perdre sa crédibilité d’entraîneur, c’est mon point de vue. Et aussi, aucun technicien ne doit accepter de venir renforcer Aliou Cissé. Il aura des problèmes avec lui, si les choix tactiques ne sont pas les mêmes. La solution : nous avons confiance en Aliou Cissé, on le laisse continuer son travail. Nous n’avons plus confiance en lui, on l’enlève. On ne peut mettre deux taureaux dans un même enclos. Ce n’est pas une logique sportive, ni une logique technique. Une équipe nationale, c’est un patron technique qui est responsable devant l’opinion, c’est lui qui va en conférence de presse, c’est lui qui est responsable devant l’opinion pour justifier ses choix.

Dans un autre registre, la FIFA s’est mêlée aux élections de la CAF qui ont abouti à un consensus. Des observateurs sportifs ont décrié ces nominations sans gloire, votre avis sur cette situation.

Mon opinion est claire, ce que la FIFA a fait en Afrique au niveau de la CAF, elle ne peut le faire en Europe, ni en Amérique, ni en Asie. Si elle agit de la sorte en Afrique, c’est la faute des Africains. La faute à double titre, d’abord la CAF compte essentiellement sur la FIFA pour vivre, tous les pays membres de la CAF vivent des subventions de la FIFA. Donc, celui qui te prête des yeux, dirige ton regard. L’autre aspect, la FIFA investit énormément de milliards en Afrique pour le développement du football féminin, du football des jeunes, la formation et ces milliards investis n’ont pas donné les résultats escomptés. La FIFA est consciente qu’il y a un détournement d’objectifs de l’argent qu’il a investi en Afrique. On ne peut investir autant de milliards et que cet argent tombe dans les poches des dirigeants. Forcément, la FIFA va poser des conditions et ces conditions sont : «prenez votre liberté, mais financez votre sport. Mais, si vous comptez sur moi, je vais mettre mon ingérence». L’Afrique n’a pas les moyens de l’Europe, l’Asie, et effectivement la FIFA n’investit pas autant de sommes dans ces pays-là. Si vous voyez toutes les candidatures acceptées au niveau de la CAF, la FIFA sait que ces pays ont au moins bien géré leurs fédérations. Parce que la FIFA envoie des auditeurs au niveau des Fédérations et connaît bien les bons élèves. Elle a accepté la candidature du Sénégal, de la Mauritanie, de la Côte d’Ivoire. Le Sud-Africain n’était pas président de Fédération, mais il a été choisi sur la base de sa fortune. La FIFA s’est dit : «Motsepe n’aura pas besoin de notre argent. Et que l’argent investi en Afrique sera bien utilisé pour le développement du football et non le développement de certains dirigeants du football». C’est cela qui a amené l’ingérence. Maintenant si la CAF veut de l’autonomie, elle doit financer elle-même son football et là il n’y aura plus d’ingérence de la FIFA. Et le deal (se ranger derrière le candidat de la FIFA, NDLR), c’est un deal acceptable, parce que tous les quatre candidats ont une éthique qui peut les aider à travailler pour l’intérêt de l’Afrique. Si Me Senghor est 1er vice-président, c’est une victoire sénégalaise. D’ailleurs, si Me Senghor, Ahmed Yahya et Anouma avaient refusé le deal, ils seraient simplement exclus des instances de décisions de la CAF. Issa Hayatou était plus puissant qu’eux, mais quand la FIFA a décidé de l’enlever, ils l’ont fait sauter. À l’heure actuelle, aucun Africain ne peut s’opposer aux décisions de la FIFA. Celui, qui n’accepterait pas le deal, sera purement et simplement remplacé par un autre président africain. Vous ne pouvez pas vivre dans la maison de celui qui vous nourrit et aller à son encontre. C’est comme un enfant qui est chez son père, nourri et blanchi par son père et qui veut s’opposer à lui. Il faut qu’on puisse analyser froidement cette ingérence de la FIFA. Cherchons à financer notre football africain par nous-mêmes et pour nous-mêmes. La qualité de nos joueurs le permet. L’Afrique n’a pas les moyens de prendre en charge le projet Goal, les subventions de la petite catégorie. Ce n’est pas la CAF qui les finance, mais plutôt la FIFA.

Source : STADES avec Anta FAYE DIOP

 


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