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Mame Less Camara, chroniqueur héritier d'un opposant


Rédigé le Mardi 6 Novembre 2012 à 06:16 | Lu 502 fois | 0 commentaire(s)




Mame Less Camara, chroniqueur héritier d'un opposant
 

Mame Less Camara, l’un des chroniqueurs les plus connus du Sénégalais se raconte : de son enfance à Rufisque à ses chroniques en passant par ses études, les nombreux postes qu’il a eu à occuper dans le service public et le privé ainsi que le syndicalisme... Entretien
Mame Less Camara ?

Mon nom complet c’est Mame Alioune Less Camara. Je suis né à Rufisque il y a 56 ans, en 1956. Je suis fils d’un vieux cheminot, Mamadou Camara, qui ne se décidait jamais à rester à Rufisque où se trouvaient ses amis ou à Dakar où se trouvait son travail. Résultats : nous avons toujours déménagé de Rufisque à Dakar et inversement. J’ai grandi dans une maison où mon père, opposant militant du PAI (Parti africain de l’indépendance) d’inspiration marxiste léniniste, avait partout dans la maison des livres liés à ce courant de pensée, mais aussi des livres de littérature africaine. J’ai donc grandi dans ce milieu sous l’influence d’une grande sÅ“ur très cultivée et ma mère, Fatou Demba. Ma sÅ“ur a été pour moi une véritable maitresse en ce sens que mes premières lectures ont souvent été inspirées par elles avec des bouquins qu’elle ramenait à la maison. Il y avait une atmosphère intellectuelle assez intéressante chez nous : très vite j’ai été sensibilisé à l’injustice sociale et je crois que j’ai longtemps gardé la marque de cela parce que j’ai vu souvent mon père arrêté à la maison parce qu’il ne partageait pas les mêmes idées que ceux qui exerçaient le pouvoir.

Etudes ?
C’est à Rufisque que j’ai passé mes plus belles années en tant qu’élève. Je quittais Dakar, à l’école des champs de course, une école très peuplée d’élèves, pour une école de Rufisque dans laquelle il n’y avait que deux classes. C’était une école entourée de champs d’un côté et qui s’ouvrait sur la mer de l’autre. Donc c’était un milieu très stimulant pour l’esprit d’enfant qui voulait apprendre. C’était aussi une vie totalement différente ; il y avait un grand étang dans mon quartier où l’on partait pour prendre des tortues, des expéditions dans la brousse pour chercher des mangues ou des fois nous faisions semblant d’aller à la chasse de petits animaux mais nous n’attrapions jamais grand-chose. Ce sont les meilleurs moments de mon enfance. Après l’école primaire, j’ai fait le lycée Lamine Guèye qui avait un relent de prestige : c’était le lycée où Senghor a étudié. C’était aussi un nouveau lieu de répétition de cette différence qu’il y a entre les classes : nous empruntions le bus quand nous en avions les moyens ou marchions quelques fois pour aller à l’école, alors que d’autres étaient déposés en voiture. Cela m’a personnellement stimulé ; j’ai fait des études assez bonnes au lycée Lamine Guèye où j’ai suivi jusqu’en terminale une section classique. J’ai fait du latin jusqu’au baccalauréat que j’ai obtenu en 1976.

Genre d’élève ?
Pas nécessairement studieux. Je crois que je comprenais assez vite et cela a été un peu mon drame de croire comprendre dès le début et de ne pas creuser d’avantage, de ne pas être laborieux. J’ai eu des lectures assez précoces à la fois Aimé Césaire que l’on lisait en cachant le livre sous nos T-shirt parce qu’il n’était pas sûr de lire Aimé Césaire, idem pour les livres de Sékou Touré, « l’Afrique et la Révolution Â» par exemple.  

Etudes supérieures ?
Après le lycée c’est la Fac, notamment au département de philosophie où on nous apprend à discipliner nos pensées, à comprendre celles d’autres penseurs qui ont influencé l’histoire des idées. J’ai fait quatre ans au département de philosophie, option qui menait fatalement à l’enseignement qui n’était pas ma destination. Donc après la maitrise, en 1980, je suis allé m’inscrire en deuxième année de droit. Mais j’avais un peu surestimé ma disponibilité puisqu’à l’époque j’enseignais la philosophie pour avoir un peu d’argent de poche. Finalement, un de mes amis du département de philo s’est inscrit au CESTI (Centre d’Etudes des Sciences et Technique de l’Information) et m’a encouragé à en faire autant. C’est pourquoi je ne revendique pas d’ailleurs une vocation précoce comme je le constate chez certains confrères qui avaient vraiment envie de devenir journaliste depuis le bas âge en jouant déjà au reporter lors des matchs de Navétane. Je suis arrivé au CESTI en 1981 quand les Canadiens venaient juste de partir. Il y avait quelques enseignants Français et Canadiens, mais pour la première fois la Direction était confiée à un Sénégalais, Babacar Sine. C’est la période où en troisième année les étudiants faisaient ce fameux voyage post-cursus qui leur permettait de visiter les Etats-Unis, New-York notamment, de passer un mois ou plus au Québec mais aussi de faire des voyages dans les autres provinces du Canada et d’assister à des séances du parlement canadien à Ottawa. Il s’agissait donc de faire un stage d’un mois au Canada, souvent dans des villes éloignées du Québec. Après le Canada, les étudiants faisaient un tour en France, parfois au Maroc avant de revenir au Sénégal. C’était la première fois que je prenais l’avion, de même que pour beaucoup d’autres Sénégalais de la promotion. Le CESTI a été aussi le lieu de rencontre avec d’autres journalistes de talent comme Boubacar Boris Diop avec qui j’ai étudié et qui est aujourd’hui l’un des grands écrivains du continent. Quand je suis arrivé au CESTI, j’étais destiné à faire la presse écrite mais en deuxième année j’ai rencontré un professeur avec qui je me suis parfois chamaillé au point de changer pour ne plus avoir à le rencontrer. C’est ainsi que j’ai  choisi la radio en tronc commun avec la télévision. C’est seulement pour la Grande enquête de fin d’étude qu’on faisait le choix entre la télévision et la radio. Pour mon sujet j’ai choisi la télé. Donc je suis sorti du CESTI en décembre 1983 avec un diplôme de télévision.  

Parcours professionnel
Après le CESTI ma première destination était Saint-Louis. J’ai été recruté par l’ORTS quatre mois après le diplôme, en avril 1984. J’ai été affecté à la station régionale de Saint-Louis où j’ai fait un an et quelques mois. J’ai été réaffecté à Dakar à la suite d’une situation assez bizarre : deux journalistes ont été affectés à Saint-Louis et Ziguinchor parce qu’ils avaient refusé des instructions mensongères. L’opposition avait manifesté et des gens ont été arrêtés, notamment Abdoulaye Wade, Amath Dansokho et autres. Ces confrères avaient reçu des informations disant que la marche de l’opposition n’avait mobilisé qu’une trentaine de personnes. On leur avait remis une dépêche de l’Aps mais ils avaient dit qu’ils ne passeraient cette information qu’en citant la source. Ceux qui avaient fabriqué la dépêche savaient que si les journalistes citaient la source, l’Aps allait démentir. Finalement, ils ont cité la source et se sont retrouvés affecter, pour cela, à Saint-Louis et Ziguinchor. Un jour j’ai reçu une note du Directeur général m’informant que j’étais affecté à Dakar pour complément d’effectif. Je suis retourné à Dakar où j’ai travaillé au journal parlé jusqu’en 1989 avec la création de la division des émissions éducatives et culturelles où j’ai été affecté. J’y ai travaillé jusqu’en 1992. A la RTS j’ai été donc correspondant à Saint-Louis, reporter et présentateur du journal à Dakar, chef de la division des émissions éducatives et culturelles en 1989. En 1992, j’ai été chef de la division du management et de la qualité. J’ai été aussi pendant six ans le Président du conseil d’administration de l’Institution de prévoyance maladie (IPM), hyper endettée.

J’ai été aussi, en 1992, membre de la première équipe de l’autorité de régulation de l’audiovisuel qui est devenu CNRA. Le Directeur et moi avions été virés pour avoir refusé de donner un temps d’antenne aux chefs religieux pour soutenir leur candidat, qui était le président Abdou Diouf, à la veille de l’élection de 1993.
J’ai également été secrétaire général du Synpics section Rts puis secrétaire général du Synpics au plan national. J’ai été réélu en 1996 et l’année suivante, en septembre 1997, j’ai dû démissionner de la Rts et du Synpics parce que j’avais conclu un accord avec Sidy Lamine Niasse pour le lancement de Walfadjri Fm. J’ai fait un an en tant que Directeur de Walfadjri avant d’avoir des contradictions avec Sidy sur la manière de gérer, notamment quant à la prise de décision. Il est difficile d’être Directeur et de ne pouvoir décider de rien. J’ai donc démissionné
Après Walfadjri, j’ai eu trois expériences. En 1998, j’ai été nommé Directeur du quotidien « Le Matin Â» en même temps vacataire au CESTI et j’ai eu un contrat avec la BBC comme correspondant à Dakar. J’ai fait ces trois activités jusqu’en 2001 quand j’ai eu un choc diabétique. Je me suis réveillé dans un hôpital à Paris avec ma femme qui était mon accompagnatrice qui m’avait expliqué que c’est Abdoulaye Wade qui avait payé pour mon évacuation en France, soit 35 millions de francs CFA. J’ai passé à peu près un mois à Paris avant de revenir à Dakar. A mon retour j’ai eu une rencontre intéressante avec le président et cela a beaucoup changé mon approche de Abdoulaye Wade ; je ne voulais pas tomber dans l’extase du genre « il est gentil, il m’a sauvé la vie Â» et je ne voulais pas être non plus ingrat. J’ai donc appris à pondérer mon langage quand je parlais de Wade.
J’ai quitté le matin pour m’occuper d’une radio, Environnement Fm, en août 2002. En 2005, la société à laquelle appartenait la radio a perdu le contrat qu’elle avait avec l’Etat et a dû fermer la radio. En 2007 Pape Diop, maire de Dakar à l’époque, m’avait demandé de prendre en charge sa radio, Océan FM. En 2008, les charges financières de la radio étaient devenues lourdes ; l’administration m’avait alors demandé si je peux réduire la masse salariale, c'est-à-dire licencier des travailleurs. J’ai encore une fois démissionné.


Chroniques politiques
Pendant douze ans, de 1985 à 1997, j’ai été le chroniqueur politique du quotidien Walfadjri. Je signais avec un pseudonyme, Abdou Sow. C’était des réflexions sur la politique, réflexions basées sur les faits. Une fois j’ai eu une sorte de menace indirecte d’un ministre qui estimait que je prenais trop de liberté dans ce que j’écrivais.

Relations avec les politiques
J’ai l’habitude de répéter la phrase d’un auteur au point qu’on me l’a attribuée. Je n’en suis pas l’auteur : « Les politiques, il faut les rencontrer, il ne faut pas les fréquenter Â», c’était mon crédo en matière de relation avec les politiques. Je n’ai donc pas beaucoup d’amis en politique.      

Maintenant ?
Les activités que je mène actuellement concernent beaucoup plus les formations des journalistes en audiovisuel. J’ai également rédigé deux manuels, l’un pour la couverture des élections et l’autre est un guide du journaliste. J’ai travaillé pendant longtemps sur un traité d’éthique et de déontologie que j’ai souvent distribué à des journalistes en formation au CESTI.

Famille
Je suis marié et j’ai des enfants. Je ne commente jamais parce que je fais la part des choses : on ne m’a jamais vu dans une réception avec ma femme. Quand on est journaliste on ne se rend pas compte qu’on expose la vie des autres. Aussi, comme dans la tradition wolof il ne faut pas dire le nombre d’enfants, c’est d’ailleurs pourquoi Ousmane Sembene a écrit « Les bouts de bois de Dieu Â» ; l’être humain ne se compte pas.



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