Esclavage, surexploitation, prostitution: La face cachée des centres d'appel


Rédigé le Vendredi 6 Novembre 2020 à 22:19 | Lu 704 fois | 0 commentaire(s)



Service client, renseignements…Les centres d’appels offrent d’importantes alternatives aux entreprises. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. En effet, entre emplois précaires, surexploitation, non-respect du droit des travailleurs, la plupart des centres d’appel frisent l’esclavage. A côté, une sous-activité communément appelée « ligne rose », fait recette en sourdine.


Esclavage, surexploitation, prostitution: La face cachée des centres d'appel
 
Place forte de la relation client en Afrique francophone, la capitale sénégalaise Dakar attire de plus en plus de centres d’appel. Des filiales de grands groupes internationaux ont posé leurs baluchons. De Pcci aux américains d’IBEX Global, en passant par Call Me détenu par un homme d’affaires sénégalais, ils sont nombreux à se disputer le marché sénégalais.

A côté de ce qu’on pourrait appeler les précurseurs, beaucoup de petites structures voient de plus en plus le jour et la plupart de manière clandestine. Même si ces petits Poucet se contentent de petits marchés, ils ont eu le mérite de rendre le marché très concurrentiel. L’un des précurseurs, Pcci, en est la preuve par mille. Créée en 2001, l’entreprise est présente dans plusieurs pays. Avec plus de 1 300 employés au Sénégal, elle a connu une période très difficile qui l’a d’ailleurs poussée à se séparer de plusieurs travailleurs. Mais selon cet ancien de la boite, ce qui arrive à Pcci, n’épargne aucun centre d’appels. «Certains problèmes sont plus exposés que d’autres. Mais aujourd’hui, tous les centres d’appels traversent des difficultés énormes. La plupart d’entre eux comptaient sur les gros clients. Mais certains d’entre eux ont commencé à internaliser le service client, ce qui fait que la marge de manœuvre a considérablement baissé. Beaucoup ont réduit leurs effectifs», révèle-t-il.

EMPLOI TEMPORAIRE…

Ils sont étudiants, jeunes diplômés…Les profils sont variés dans les centres d’appels, chez les travailleurs des centres d’appels. Animatrice dans une télévision de la place, cette dame, la quarantaine, a passé beaucoup d’années dans le métier de télé-conseillère dans des centres d’appels. Selon elle, c’était un emploi provisoire, le temps de trouver un travail pérenne. « Au début, je me suis dit que je pouvais y gagner ma vie en attendant de trouver mieux. Mais finalement, j’y ai passé presque une année», témoigne-t-elle. Selon elle, si les centres d’appels continuent d’attirer des jeunes, c’est parce que ces derniers n’ont pas le choix. «Aujourd’hui, même pour trouver un simple stage, c’est la croix et la bannière. On ne peut pas attendre désespérément. Faute de grive, on se contente de merle. J’ai trouvé sur place des gens qui ont passé plus de deux ans là-bas. Ils n’ont pas le choix», dit-elle. Gérant d’une boutique multiservices, Abdoul a passé près de deux ans dans un centre d’appels. Mais même s’il y gagnait une somme qui lui permettait de joindre les deux bouts, Abdoul dit avoir perdu énormément de temps. «C’est assez sécurisant de savoir qu’à la fin du mois, on perçoit quelque chose, mais le vrai danger, c’est qu’on oublie qu’on n’est pas formé pour faire carrière dans ce secteur. J’ai connu là-bas beaucoup de jeunes qui ont leur diplôme, mais qui ne pensent plus à déposer des demandes ailleurs. Ils sont presque résignés», révèle-t-il.

PLUS DE DIX HEURES DE TRAVAIL PAR JOUR

Selon Abdoul, si aujourd’hui la plupart de ceux qui travaillent dans ces centres d’appels n’ont pas le temps de faire autre chose, c’est parce que le nombre d’heures de travail dans les centres d’appels est infernal et frise l’exploitation. «Certains commencent à 6 heures du matin pour terminer à 17 heures. On n’a droit qu’à une pause déjeuner qui ne dépasse pas 30 mn. Si vous voulez prier, soit vous attendez la fin de la journée soit vous le faites avant. On est presque utilisé comme des machines. Et comme ce sont des emplois précaires, personne n’ose protester. La plupart d’entre nous n’avaient même pas de contrat», révèle-t-il. Pis, selon cette employée d’un centre d’appels, au travail, la liberté est vraiment restreinte. En effet, révèle-t-elle, ceux qui doivent démarrer à six heures bénéficient du véhicule de ramassage, mais ni plus, ni moins. «Une fois dans l’enceinte de l’entreprise, on n’a même plus le droit de parler au téléphone. C’est à la limite de l’esclavage», déplore-t-elle.

Titulaire d’une licence, Amdy n’avait pas les moyens de se payer une formation pour poursuivre ses études. C’est alors qu’il intègre un centre d’appels. « Je pensais pouvoir faire des économies pour me payer un master une année plus tard. Mais déjà le rythme a fini par tuer en moi tout ce qui était envie de poursuivre mes études. En plus, avec des salaires qui n’atteignaient même pas 100 000 francs, j’ai vite revu mes ambitions », regrette-t-il.

DES SALAIRES ENTRE 80 ET 150 000 FRANCS

Comme les clients, les opérateurs travaillant dans les centres d’appels sont divisés en équipes. Chaque groupe s’occupant d’un type de client donné. Des employés ayant le niveau du Bfem au master, on en trouve en pagaille dans les centres d’appels. Et le choix du département se fait en fonction du niveau d’études. Cependant, quel que soit le niveau d’études, le salaire frôle la misère. « Pendant deux ans, j’ai gagné moins de 100 000 francs. Il a fallu que je commence à former de nouveaux venus pour percevoir 100 000 francs, pour des horaires de travail qui dépassent les dix heures par jour. Il y a beaucoup de personnes qui gagnent beaucoup moins que cela. C’est assez surprenant. Mais si ça ne change pas, c’est parce que la demande est très forte. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de personnes qui viennent postuler par jour. Il y a des centaines de demandes qui attendent. En quelque sorte, c’est soit tu acceptes, soit tu cèdes la place », confie-t-elle.

LA LIGNE ROSE, LA BONNE AFFAIRE

A côté des centres d’appels très connus, ils sont nombreux à être dans le secteur et dans le plus grand anonymat. Mais ils ne se plaignent pas pour autant. Bien au contraire, ils se font énormément d’argent. Cette dame, sous le couvert de l’anonymat, y a fait fortune. Aujourd’hui reconvertie dans la vente d’articles de femmes, c’est grâce à son expérience dans un centre d’appels dont elle taira le nom, qu’elle a financé son activité. Elle était dédiée à un service secret au sein du centre d’appels qu’on appelait la ligne rose. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le business n’est pas catholique. « C’est un numéro spécial. Il y a même des gens qui travaillent dans le centre, mais qui ignorent son existence. Le travail consiste à recevoir des appels de personnes qui veulent être excitées au téléphone. Le plus souvent, ce sont des personnes âgées, des occidentaux en majorité. Le truc consiste à leur dire des mots excitants, parfois des gémissements. Ils vont jusqu’à s’exciter au téléphone », explique-t-elle.

Et pour en tirer le maximum, la conseillère doit tout faire pour retenir son client le plus longtemps au bout du fil. « C’est en fonction de la durée de l’appel que la commission est calculée. Il m’arrivait de gagner près de 300 000 francs en moins de 15 jours », reconnaît-elle. Si avec ces gains importants, elle a pu faire des économies jusqu’à lancer une activité, ce n’est pas le cas pour beaucoup de ses amies. En effet, dit-elle, la plupart sont tombées dans le piège de l’argent facile. « Il suffit d’avoir une belle voix, savoir se montrer sexy et très sensuelle. Il y a beaucoup de centres d’appels qui font cela », révèle-t-elle. Cependant, le business ne se limite pas à cela.

Selon une de ses amies qui a une expérience de 5 ans dans les lignes roses, au-delà de la séduction en ligne, qui n’est rien d’autre qu’une forme de prostitution virtuelle, il y a une activité qui passe sous le nez et la barbe même du gérant du centre d’appels. « Souvent, tu peux avoir un client au téléphone, il est tellement excité qu’il veut même te proposer de t’inviter moyennant de fortes sommes d’argent qu’il est presque difficile de refuser. La tentation est très forte. Parce qu’en cherchant à exciter la personne, on s’excite soi-même. Rapidement, on tombe dans le piège. Je connais beaucoup de filles qui ont fait fortune dans ce créneau», révèle-t-elle.





L'As



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