Enquête : Les Frères Musulmans infiltrent le Sénégal


Rédigé le Samedi 10 Mai 2014 à 12:27 | Lu 806 fois | 0 commentaire(s)




Depuis la création des premiers mouvements islamiques au Sénégal, l’idéologie des Frères musulmans était présente dans certaines sphères religieuses de notre pays. Dans les statuts de ces premières associations islamiques, on notait déjà l’objectif de la réalisation d’une « société véritablement islamique ». Tout est dit. Aux yeux de ces protagonistes, la société sénégalaise n’est pas assez « islamique » et il faut y travailler.

Un peu d’histoire s’impose… La scission idéologique au sein de l’Union Culturelle Musulmane (UCM), fondée par Ahmed Iyane Thiam depuis les années 50, aura lieu au cours d’une nuit de Laylatoul Qadri à Thiès, en 1978, où une frange s’est soulevée contre le caractère un peu trop soufi et confrérique de l’islam sénégalais.


L’ennemi à abattre était alors tout désigné : sur les chemins de la réalisation d’une « société véritablement islamique », il y avait l’obstacle confrérique. Il fallait s’en débarrasser. Le discours devint de plus en plus virulent contre la « société impie » qu’il fallait ré-islamiser. Entre les théoriciens de l’Etat islamique de la fameuse mosquée de l’aéroport dite "inachevée" et le mouvement Ibadou Rahman sorti des flancs de l’UCM jugée trop conciliatrice, une idéologie était bien partagée : celle de « l’action islamique » par le bas afin de trouver une alternative à l’action politique évitant une confrontation directe avec l’institution étatique. Depuis quelques années, cette orientation anti-confrérique est dissimulée par des gestes de "collaboration". En attendant…


Curieuse ressemblance au niveau méthodologique avec les Frères musulmans, longtemps plongés dans la clandestinité depuis leur implication présumée dans l’assassinat du président égyptien Anouar El-Sadate : à défaut de pouvoir exister politiquement, ils ont décidé de mailler la société par le biais des «bonnes œuvres» et de «l’action sociale », afin d’y consolider des relais idéologiques, le temps que surviennent des circonstances politiquement favorables pour décliner le vrai plan de prise du pouvoir.


Par une parfaite compréhension des réalités sociopolitiques sénégalaises, les franges favorables aux thèses des Frères musulmans vont peu à peu rompre d’avec la virulence qui caractérisait leur discours envers les forces « obstacles » à la « société islamique » : les confréries et les « bid’a » ou « innovations blâmables ». Un ouvrage célèbre dans ces milieux sera celui de Mouhamadou Bamba Ndiaye, dans les années 1990 intitulé Adwâ’un ala Sinighâl, "Lumières sur le Sénégal", où il brocardait le système confrérique, ce mal du siècle qu’il fallait abattre pour que le Sénégal soit enfin « islamique ».


Coïncidence ou signal ? L’ouvrage était préfacé par un certain Moustapha Mashhour, à l’époque numéro deux des Frères musulmans et non  moins chargé de l’aile militaire du mouvement islamiste égyptien.


La stratégie de la destruction des confréries comme préalable.


Les islamistes sénégalais vont recourir à la technique jusqu’ici connue chez les chiites : la taqiyya, que, Bakary Sambe de l'Université Gaston Berger (CRAC), spécialiste du militantisme islamique et des réseaux transnationaux, définit comme "une stratégie de dissimulation des réelles intentions au prix de compromissions même contradictoires jusqu’au jour où le rapport de force permet de dérouler le véritable agenda".


Ce combat porté par les mouvements islamistes sénégalais se mène depuis plusieurs décennies dans les campus universitaires notamment à Dakar et à Saint-Louis. Dans cette dernière ville, les autorités universitaires ont eu à gérer un conflit parfois violent entre des  acharnés contre le soufisme et les adeptes tidianes qui souhaitaient pratiquer le wazîfa, entraînant ainsi la fermeture de la mosquée du campus social. A l’Université de Dakar, un groupe d’islamistes  détient les clés de la mosquée et en exclut toute autre pratique que celles qu’ils considèrent comme conformes à l’islam à leurs yeux. En décembre 2013, le rubicond fut franchi à la Mosquée de Cité Fadia où un groupe salafiste a provoqué des heurts entre les fidèles sous l'impulsion de riches commerçants soutenant l'idéologie. Une technique qui rappelle la stratégie d'intrusion ayant prospéré dans les mosquées de banlieues européennes.


Qui est derrière ces mouvements qui imposent déjà un diktat dans les lieux de culte, même dans des endroits qui devaient être les plus ouverts au débat comme les universités ?

Deux mouvements s’illustrent dans ce domaine. Il y a l’AEEMS, l’association des élèves et étudiants musulmans du Sénégal, qui recrute depuis les lycées et opère un encadrement idéologique des étudiants dans nos campus, basé sur un travail social et une assistance garantissant la loyauté des recrues. Derrière les apparences policées de ces étudiants et cadres formant un réseau performant même dans l’administration, il y a bien l’objectif d’une « ré-islamisation de la société » comme le font les Frères musulmans d’Egypte avec lesquels il ont des liens idéologiques. Leur connexion avec les Ibadou est plus qu’une évidence, bien que le mouvement prenne la peine de dissimuler l’orientation « frériste » en recrutant même chez des adeptes des confréries.

De son côté, l’Association des Etudiants Musulmans de Dakar (AEMUD) d’obédience salafiste est liée à des organisations islamiques comme la Jamaatou Ibadou Rahmane, dont le cheval de bataille est la « purification » de l’islam au Sénégal (sic). Des experts parlent d'une perte de vitesse relative du mouvement Ibadou au profit de jeunes pousses dites "réformistes" plus connectées aux réseaux islamistes internationaux.



On se croirait dans des contextes où des extrémistes sont pleinement inscrits dans la logique du takfîr (le fait d’excommunier certains musulmans considérant que leur pratique de l’islam est contraire aux préceptes originels de cette religion).

La stratégie est bien claire. Celle des Frères musulmans consiste à un maillage de la société, à une occupation progressive du terrain par le social et l’encadrement idéologique tout en ménageant les susceptibilités parfois au prix d’accommodations tant qu’il n’est pas possible d’imposer ses vues par la force.

Les vicissitudes de l’actualité peuvent mettre à nu les réelles intentions et l’agenda politique dissimulé.



Le 22 août 2013, c’est le Rassemblement islamique du Sénégal (RIS) constitué d’organisations diverses, mais largement dominé par le courant des Frères musulmans, qui mobilise à la Place de l’Obélisque pour défendre les « Frères » d’Egypte et le pouvoir de Mohamed Morsi. Arfang Diouf, cet ancien étudiant en Egypte connu des milieux des "Frères" africains, mais aussi Mohamed Barro du REJIR (Réseau des journalistes pour l'information religieuse) sont de la partie.



On y apercevra l'Imam Mbaye Niang du MRDS qui, bien que d’un faible poids électoral, a longtemps milité pour l’application de la charia au Sénégal. Son mouvement est typique de la stratégie des « Frères » avec une ambition politique certaine, s’appuyant sur diverses organisations islamistes mais s’accommodant des compromis avec les forces politiques dites « laïques » dans le seul but de normaliser son visage et donner des gages de démocratie. Aujourd'hui, il a réussi à s'infiltrer dans le réseau des parlementaires contre la corruption, après avoir été brièvement conseiller du président aux affaires religieuses, suite à la présidentielle de 2012 où le mouvement Ibadou aurait soutenu Macky Sall dès le premier tour.



Mais le projet semble beaucoup plus pernicieux : il s’est dévoilé en menant une campagne pour le rétablissement de la peine de mort sous couvert de la « charia » pendant que les Sénégalais étaient irrités par l’exécution d’une de leurs compatriotes en Gambie l’année dernière.


Des sources sérieuses évoquent des tentatives d’infiltration des Frères musulmans égyptiens au Sénégal entre 2008 et 2010 pour dispenser des formations idéologiques et encadrer des militants sénégalais acquis à leur cause. Les formateurs sous couvert d'enseignants coopérants accueillis par une organisation islamique "humanitaire" devaient encadrer des membres importants d'une association islamiste présente dans les campus et lycées du Sénégal.


Le ver est déjà dans le fruit.


Profitant des circonstances et de l’actualité internationale, de l’aura de prédicateurs internationaux aux intentions non avouées tels que Tariq Ramadan, d’évènements et d’organisations aux objectifs diffus comme le CIMEF (Colloque international des Musulmans de l’Espace francophone), les Frères déclinent diverses stratégies de maillage de la société sénégalaise tout en donnant des gages de « fréquentabilité » en attendant de prendre le dessus.



Mais les Sénégalais vont-ils adhérer à de telles thèses ?

La situation dramatique que vivent l’Egypte et la Tunisie devraient faire réfléchir ceux qui croyaient encore aux slogans creux et aux solutions miracles de ceux qui veulent s’accaparer une religion, l’Islam, pour finir par en faire un « otage politique » ou "une marchandise électorale". C’est au nom de cet accaparement de l’Islam sous diverses dénominations (Frères musulmans, étudiants musulmans, rassemblement islamique) que ces mouvements instrumentalisent une religion jusqu’à décrédibiliser son message en arrivant au pouvoir sans projet économique convaincant.



Le drame tunisien et la profonde crise égyptienne ont finalement montré que la « solution islamique » tant vantée n’est que subterfuge et manigance politique d’une minorité d’assoiffés de pouvoir sur le dos d’une majorité de musulmans qui n’ont jamais estimé que leur appartenance à la République des citoyens pouvait être contradictoire avec leur identité musulmane.

Mais ceux qui ont intérêt à créer un tel hiatus virtuel sont ceux-là mêmes, largement inspirés par l’idéologie des Frères musulmans tapis dans diverses organisations politico-religieuses et qui veulent, à défaut de pouvoir proposer un projet de société convaincant, réduire l’islam, une religion ouverte et tolérante, à une idéologie politique par une certaine instrumentalisation qui mérite vigilance. L’expérience des pays arabes montre que de telles forces ont toujours profité des situations de crise et du désespoir pour prospérer.



Alors soyons vigilants….


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