Coronavirus Sénégal: La souffrance déjà visible chez les petits métiers à Mbour


Rédigé le Mercredi 8 Avril 2020 à 22:10 | Lu 357 fois | 0 commentaire(s)



La mobilisation contre le coronavirus a un coût. Certes, il est urgent de lutter contre la propagation inquiétante de l’épidémie eu égard à la faiblesse de nos systèmes de santé et de ses possibles répercussions négatives sur la vie économique et sociale de notre pays, mais il convient de noter, qu’une mise en œuvre pas bien planifiée des mesures de riposte peut impacter très négativement, à la longue, notre tissu économique si vulnérable. A Mbour, depuis l’instauration de l’état d’urgence sanitaire le 23 mars dernier, tous les pans de l’économie locale sont déjà entrés dans une phase de coma.


Coronavirus Sénégal: La souffrance déjà visible chez les petits métiers à Mbour
Modou est vendeur de lunettes et de matériels et accessoires électroniques sur une rue principale du centre-ville de la capitale de la petite Côte. Ce lundi, il n’affiche pas la mine des jours heureux. l’anxiété se lit sur son visage. Son commerce n’est plus florissant depuis trois semaines, nous confie-t-il. Les clients se présentent au compte-gouttes… s’il en voit ! 

Le coronavirus a eu un effet dévastateur sur son activité. la mort dans l’âme, il nous fait part de son désespoir : « Je m’adonne à cette activité depuis douze ans, mais je dois avouer que c’est la première fois que je vis une situation aussi catastrophique. Mes recettes sont pratiquement nulles depuis trois semaines. Il m’arrive très rarement maintenant d’écouler cinq articles par jour. Jetez un coup d’œil sur le tableau où j’ai accroché les lunettes et montres, c’est la même configuration quasiment depuis une semaine. Cela veut dire que je n’ai rien vendu. Hier, je suis rentré avec 1000 francs seulement. Pour vous dire combien c’est difficile Â». 

A côté de Modou, un autre vendeur partage cette inquiétude. Bara avoue vivre un drame. il craint de ne pas être en mesure d’honorer son loyer à la fin du mois. « J’ai constaté que depuis qu’on a annoncé que Mbour a enregistré des cas de coronavirus, plus rien ne marche dans notre business. C’est comme si les clients ont commencé à nous fuir. A ce rythme, mieux vaut déjà songer à rentrer au village Â« se lamente-t-il, histoire de sensibiliser sur son sort et celui de ses collègues. Ici, l’atmosphère d’habitude gaie en cette heure de la matinée, a fait place à une situation très tendue. Les visages crispés, l’air anxieux, ces acteurs économiques déboussolés vivent dans l’angoisse des lendemains incertains. 

Les professionnels de la manucure et de la pédicure dans le désarroi 

Plus loin, au marché central, nous nous sommes approchés d’un tatoueur, établi non loin de la pharmacie. S. D, la trentaine sonnée, se tourne les pouces entre deux conversations téléphoniques. je lui demande : « Grand, avez-vous encore des clientes ? Â». Sa réponse est automatique : « Constatez de vous-même. Il n’y a pas moins d’un mois, il était chaque jour impossible d’accéder à cette pharmacie par ce passage. C’est ici où nous officions toute la journée, il nous arrivait même d’être débordés par l’afflux massif de clientes. Pour notre cas, c’est depuis que le président de la République a décrété le 23 mars dernier pour interdire les cérémonies familiales et autres rassemblements humains, que nous sommes dans la galère. Sans exagérer, j’ose dire que ce décret a été pris à notre encontre. Toutes les femmes font du tatouage ou se font poser des faux cils pour aller aux cérémonies, heureuses. Maintenant, s’il n’y a plus de cérémonie, il est évident que c’est nous qui en souffrons le plus», déplore-t-il. 

Nous quittons ces professionnels de la manucure et de la pédicure pour nous rendre chez une vendeuse de légumes. Kiné, elle s’appelle, est abordée en pleine séance de marchandage avec une de ses clientes. Couteau à la main, la balance à côté, la vendeuse propose une large variété de légumes : aubergines, carottes, choux, manioc, oignons, piment etc... F. T, sa cliente, qui a requis l’anonymat, a entamé une interminable séance de marchandage. La bonne dame ne cache pas son amertume. Elle nous explique qu’elle est préposée à préparer le déjeuner du jour chez elle. Elle se plaint des prix qui ont grimpé à son avis. La commerçante lui rétorque que c’est le prix du transport qui a été répercuté sur celui des légumes. même scénario au quai de pêche. Les ménagères venues s’approvisionner en poisson frais, n’affichent pas le sourire habituel. Les prix du poisson ont pris l’ascenseur. «Seud», «Shiof», et autres espèces de luxe sont devenus «intouchables». 

Arame, «drianké» pur jus, panier à la main, s’offusque de cette situation. «Au Sénégal, il y a une fâcheuse habitude des acteurs économiques à faire dans la surenchère à chaque fois qu’une situation exceptionnelle se présente», se désole Arame. Elle parvient quand même à s’approvisionner en quantité et en qualité, après avoir déboursé 17. 000 francs Cfa. C’est la provision pour deux semaines, nous confie-t-elle. « Mieux vaut procéder de la sorte, car nous n’avons aucune maîtrise de l’évolution de l’épidémie, donc mieux vaut se mettre à l’abri pour une période assez longue», déclare-t-elle. Une autre dame qui n’a pas pu se mettre à l’abri, c’est J. S. venue chercher du poisson, elle n’a pas pu en acquérir, les prix qui lui sont proposés étant hors de portée de sa bourse. 

Anxieuse, elle se résout à aller chercher du poisson fumé. « Avec deux kilogrammes de poisson fumé, je pourrai faire de bons plats de Ceebu Kétiakh (riz au poisson fumé) et d’autres plats très riches. Le poisson fumé est très riche en protéines et convient mieux à notre alimentation que la viande s’il est bien valorisé. Donc, c’est une aubaine Â», fait valoir la dame. 

Inutile de dire que les vendeurs de «kétiakh» (poisson fumé) tiennent à tirer profit de cette situation. ils font eux aussi dans la surenchère. Samba, spécialiste de « Kétiath », écoule le kilogramme aujourd’hui à 500 frs au lieu des 400 francs habituels. il évoque lui aussi la hausse survenue sur le prix du transport du produit venant de l’unité de transformation de Mballing. « Il est tout à fait normal que lorsque les transformatrices nous vendent le produit un peu plus cher et que le prix du transport aussi a subi une hausse, on puisse à notre tour appliquer une hausse de 100 francs CFA sur le kilogramme», se défend le commerçant. 

Des commerçants qui tirent la couverture de leur côté, des consommateurs dans la tourmente. le marché central de Mbour, d’habitude si grouillant de monde, devient maintenant un lieu fantôme dès 15 heures tous les jours. L’arrêté préfectoral pris comme mesure de prévention est passé par là. Le dimanche, le marché est carrément fermé, une décision salutaire dans une certaine mesure mais qui ne fait que causer du souci aux consommateurs, notamment les ménagères obligées de se bousculer les samedis, embarrassées par une situation dont elles ignorent la durée et la fin. 

Tous les corps de métiers de l’informel impactés 

A l’image des ménagères désorientées, ce sont quasiment tous les corps de métiers du secteur informel qui ont subi de plein fouet, les conséquences de la propagation du Covid-19 dans notre pays depuis le 14 mars dernier. Ensuite le décret présidentiel instituant l’état d’urgence sanitaire accompagné d’un couvre -feu de 20 heures à 6 heures du matin et une restriction sévère sur les mouvements des personnes et de leurs biens, d’une région à une autre, est venu assommer un secteur déjà pas très bien portant. 

Les petits métiers, en cette période de mobilisation générale contre le coronavirus, souffrent atrocement des mesures de restriction imposées à la population. Pour ces acteurs de l’économie informelle que nous avons rencontrés, les mesures prises par les autorités, au lieu de produire les effets escomptés dans la maîtrise de l’épidémie, causent plutôt une nouvelle maladie de détresse économique. Une maladie dont tous les acteurs de la vie économique commencent à ressentir durement les contrecoups. 



Le Témoin
 
 


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