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Condamné à 15 ans de travaux forcés pour terrorisme: tout comprendre sur l’affaire Ibrahima Ly


Rédigé le Mardi 13 Août 2019 à 16:09 | Lu 165 fois | 0 commentaire(s)



Ibrahima Ly, Franco-Sénégalais de 35 ans aujourd’hui, avait été condamné en avril 2018, à 15 ans de travaux forcés pour des faits de terrorisme. Le Ministère Public avait requis la culpabilité de l’accusé et sa condamnation à la peine des travaux forcés à perpétuité et le conseil de l’accusé avait plaidé l’acquittement. Ibrahima Ly, ayant pris la parole en dernier, avait clamé son innocence. Retour sur les péripéties d’une affaire qui avait également intéressé la presse française.


Attendu qu’il résulte de la procédure que courant mars 2015, les éléments de la Division des Investigations Criminelles en abrégé DIC ont reçu transmission d’un télégramme n°012 du 26 mars 2015 de l’ambassadeur du Sénégal en Turquie annexé à la photocopie d’un passeport ordinaire numérisé sénégalais, faisant état du rapatriement au Sénégal le 28 mars 2015, par vol de la compagnie Turkish Airlines, d’un Franco-sénégalais dénommé Ibrahima LY, qui aurait combattu en Syrie dans les rangs du groupe Etat Islamique ; Qu’en sus de cette information, il a été mis à leur disposition un fichier vidéo, dans lequel le susnommé tenait un discours susceptible d’être qualifié d’apologie du terrorisme ; 

Arrêté à Mbour 
Qu’ainsi, le 03 avril 2015, un transport a été effectué à Mbour par les éléments de la DIC appuyés par un détachement de la Brigade d’Intervention Polyvalente et des éléments du Service du Contre-espionnage, lequel a permis l’interpellation d’Ibrahima LY qui, au cours de cette opération, a tenté de s’échapper, obligeant les agents à tirer deux coups de feu en guise de sommation pour le maîtriser ; 

Que la perquisition faite au domicile du mis en cause au cours de cette opération, a abouti à la saisie de livres de Coran et d’enseignements islamiques, des bouts de papiers comportant des notes, de trois téléphones portables, de photographies, de sa carte d’identité française, de ses passeports sénégalais et français, et des billets de banque de 1500 euros, 201 Riyals saoudiens, 600 Pounds syriens et 18.000 francs CFA ; 

Séjour de Ly en Syrie et ses contacts avec les éléments de Daesh 

Qu’interrogé par les enquêteurs, Ibrahima LY a confirmé avoir séjourné en Syrie pendant trois mois dans un cantonnement de l’Etat Islamique, réservé aux combattants ayant nouvellement intégré les rangs de ce groupe ; 

Qu’il a expliqué avoir effectué le voyage en janvier 2015 en compagnie de son ami franco-malien du nom d’Omar DIAKHATE dit Abou Khadija DIAKHATE, qu’il a connu à la Grande mosquée de Trappes ; qu’il a précisé qu’aucun membre de sa famille n’était informé de ce voyage parce que celui-ci lui avait conseillé la discrétion, pour éviter tout risque de dissuasion ; 

Qu’il a déclaré avoir financé ce voyage avec ses économies qui s’élevaient à 3700 Euros ; 
Qu’il a précisé qu’ils ont quitté la France à bord d’un véhicule appartenant à Abou Khadija DIAKHATE et ont rallié la Syrie en passant par l’Allemagne, l’Autriche, la Slovaquie et la Turquie ; 

Qu’à leur arrivée à la frontière turco-syrienne, le frère d’Abou Khadija DIAKHATE, vivant en Syrie et dénommé Abou Ismaël, les a conduits dans une localité dénommée Raqqah, où il les a introduits auprès des combattants de l’Etat Islamique qui les ont hébergés ; 
Qu’il a indiqué que son intégration dans les rangs des combattants a été facilitée par son ami Abou Khadija DIAKHATE dont le frère Abou Ismael est un combattant de l’Etat Islamique ; 

Qu’il a affirmé que le sieur DIAKHATE, avec qui il a fait le voyage jusqu’en Syrie, était parti rejoindre son frère Abou Ismaël ; 

Qu’il a précisé que son ami Abou Khadija DIAKHATE a appris à manier les armes tout comme son frère Abou Ismaël ; Qu’il a reconnu avoir sur place côtoyé des combattants de l’Etat Islamique de différentes nationalités à la mosquée dite Firdaouzi de Raqqah, mais qu’il ignore leur nom de guerre ; que ces derniers lui ont attribué le nom de guerre d'Abou Azzam ; 

Qu’il a exposé qu’après un mois de séjour, ils lui ont proposé de subir un entraînement de combattant, mais ayant décliné leur offre aux motifs que son voyage était plutôt motivé par son désir d’apprendre la langue arabe et le Saint Coran, ces derniers l’ont d’abord isolé, ensuite ignoré, avant de demander à d’autres arabes de le persuader de rester en Syrie pour combattre dans les rangs de l’Etat Islamique ; 

Qu’il a soutenu que ses activités en Syrie se limitaient à la prière et à la lecture du Coran ; 
Que poursuivant, il a déclaré qu’après trois mois de séjour, il a fini par comprendre que ses objectifs ne se réaliseraient pas dans ce pays en situation de guerre ; 

Qu’il a ainsi décidé de rentrer au pays, mais lorsqu’il a informé ses hébergeurs de sa volonté de quitter la Syrie, il s’est heurté à l’opposition de ces derniers, qui ont refusé de le laisser partir, au motif que la France est un pays de mécréants ; 

Qu’il a révélé que pendant deux mois, il a cherché à quitter la Syrie et n’y est finalement parvenu que le 13 mars 2015, avec l’aide d’un Syrien qui l’a conduit avec son véhicule jusqu’à la frontière turque, où il a été interpellé par les autorités de ce dernier pays qui le soupçonnaient de vouloir rejoindre la Syrie et l’ont retenu pendant deux semaines avant de le rapatrier au Sénégal ; 

Que sur interpellation des enquêteurs, il a justifié le choix de son retour au Sénégal par le fait que c’est son père, à la suite d’une discussion via l’application Viber, qui lui a conseillé de rester momentanément dans ce pays, plus précisément à Mbour, craignant qu’il pouvait faire l’objet de poursuites judiciaires en France, vu que dans ce pays, les revenants de Syrie sont toujours soupçonnés d’avoir combattu dans les rangs des djihadistes de l’Etat Islamique ; 

Qu’il a soutenu que son retour au Sénégal n’était en rien lié à un projet d’attentat, mais se justifiait par le fait qu’il éprouvait le besoin d’avoir la sécurité et la stabilité ; Qu’interrogé sur sa vie personnelle et son cursus scolaire, il a affirmé qu’il est né en France et a vécu dans ce pays jusqu’à l’âge de 09 ans ; que courant année 1991, son père l’a amené au Sénégal auprès du marabout Oumar BA à Kanel, pour apprendre le coran ; 

Que les conditions d’études y étant peu adéquates, son père a fini par le confier en 2002, au marabout Mamoudou BOUSSO, qui tenait une école coranique à Dakar, plus précisément à Yeumbeul Bène Baraque, pour qu’il y poursuive ses études coraniques ; 

Qu’il est retourné en France en 2005, sans véritablement maîtriser le coran et une fois dans ce pays, il a subi une formation dans le domaine de la sécurité et a pu ainsi décrocher un travail comme agent de sécurité ; 

Qu’il a déclaré avoir eu à créer lui-même une société spécialisée dans le domaine de la sécurité privée à Trappes le 03 décembre 2011, mais qu’il n’a jamais pu l'exploiter ; 

Qu’il a en outre déclaré, que pour les besoins du Hadj et de la Oumra, il a eu à séjourner en Arabie Saoudite à neuf reprises environ, entre 2008 et 2014, mais son objectif d’apprentissage du Coran à Médine ne s’est pas réalisé, parce qu’il ne remplissait pas la condition tenant au niveau académique 

Ibrahima Ly : « je vous donne un conseil. Si vous ne pouvez pas venir travailler, l’Islam requis ; 

Qu’après visionnage et écoute du fichier vidéo mis à leur disposition, les éléments enquêteurs ont transcrit les propos y tenus par l’accusé en ces termes : « je vous donne un conseil. Si vous ne pouvez pas venir travailler l’Islam, où vous pouvez être incha allahou taallah, eu…..la chose on a appris une bonne nouvelle, ils ont défendu al Islam, ceux qui ont critiqué Nabi Salla laahou aleyhi Wassallama, ils les ont envoyés en enfer, continuez à les envoyer finnaarou arsalaahoum koullouhoum ilaa diakhannab » ; 

Qu’interrogé sur le contenu de ce fichier vidéo, Ibrahima LY a confirmé en être l’auteur, précisant toutefois qu’il ne connaît pas les deux autres personnes qui y apparaissent et qu’il s’agit probablement d’un montage ; Qu’il a expliqué que le film a été tourné par les combattants syriens à Raqqah, durant le mois de janvier 2015 à la suite des attentats de Charlie Hebdo en France ; 

Qu’il a précisé avoir fait cette déclaration, à la demande des combattants syriens de lancer un message d’appel à l’exil de leurs frères musulmans vivant en France, pays de mécréants, vers les pays musulmans ; 

Qu’il a indiqué avoir appris la nouvelle au cours de son séjour en Syrie, raison pour laquelle dans la vidéo, il a commencé par évoquer celle-ci qui n’est rien d’autre que l’attaque des journalistes de Charlie Hebdo, qu’il considère comme des pourfendeurs de l’Islam, avant d’exhorter ses frères musulmans qui ne peuvent pas combattre en Syrie, à continuer de tuer ceux qui critiquent le Prophète où qu’ils se trouvent ; 

Attendu que l’exploitation des trois téléphones portables d’Ibrahima LY par les éléments de la Brigade Spéciale de Lutte contre la Criminalité, a permis l’extraction de plusieurs numéros de ses contacts établis en Syrie, en France et en Arabie Saoudite, ainsi que des fichiers audio contenant des messages d’appel au djihad et des fichiers images ou vidéo de propagande au Djihad par des hommes armés ; 

Qu’interpellé à ce sujet, Ibrahima LY a rétorqué que les titulaires de ces numéros de téléphone étaient des parents établis en France et des amis, qu’il avait connus soit à la Grande Mosquée de Trappes, soit à la Mecque ; 

Que concernant les épreuves photographiques d’hommes armés, il a déclaré avoir reçu les unes par Bluetooth d’un Arabe rencontré fortuitement dans un cybercafé en Syrie et les autres par un membre de l’Etat Islamique, dans le but de le retenir dans ladite organisation et enfin, la dernière dans laquelle il apparait, a été prise lors de son séjour à Raqqah ; 

Que relativement aux clichés le montrant en tenue de combattant, tenant des armes, il a expliqué que certains étaient destinés à être envoyés aux membres de sa famille, à l’effet de les rassurer qu’il se portait bien, que les armes qu’il y tenait lui avaient été prêtées par des combattants pour les besoins de la prise de photo et quant à la tenue, il l’a achetée au marché de Raqqah pour se protéger du froid ; 

Qu’il a précisé que ces photos ont été prises dans un cybercafé à Raqqah, devant ou dans son appartement et l’une d’elle dans laquelle il est encagoulé, dans son appartement à Mbour ; 

Qu’il a ajouté que certaines photos lui ont été envoyées par des combattants de l’Etat Islamique, soit pour motiver les troupes à rester sur place, soit pour faire l’apologie du djihad, soit encore pour donner une idée de la souffrance des musulmans établis en Irak ; 
Qu’il a soutenu avoir reçu avant son départ en Syrie, plusieurs vidéos de combattants djihadistes de son ami Abou Khadija DIAKHATE via l’application WHATSAPP, d’où il a extrait les photographies ; 

Attendu que les nommés Boubacar DIALLO, gardien de la maison du père du mis en cause sise à Mbour et Fatoumata Bintou AIDARA, ex-épouse d’Ibrahima LY, ont décrit ce dernier comme étant quelqu’un de casanier et de discret dont ils ignoraient les fréquentations ; qu’ils ont déclaré qu’ils ne lui connaissent aucune activité liée à des affaires de terrorisme et il n’en a jamais fait état en leur présence ; 

Attendu qu’inculpé d’association de malfaiteurs dans le cadre d’activités terroristes, d’actes de terrorisme et d’apologie du terrorisme, Ibrahima LY a contesté les faits ; 

Audition au fond 
Qu’entendu au fond, il a réitéré ses déclarations faites à l’enquête préliminaire avec cette précision qu’au moment où il tournait la vidéo, il ignorait que l’attentat dont il se réjouissait, était celui survenu à Paris ; 

Qu’il a aussi ajouté, que lorsqu’il se rendait en Syrie, il ne savait pas que ce pays était en guerre et le but de son voyage était les études parce qu’il était séduit de voir de jeunes personnes maitriser les textes sacrés, alors que lui ne pouvait même pas encore diriger les prières ; 

Qu’il a maintenu ses propos relativement à la tenue de combat qu’il portait qui représentait pour lui un manteau destiné à le protéger du froid ; 

Qu’il a enfin soutenu s’être lui-même livré aux autorités turques dès sa sortie du territoire syrien ; 

Attendu que les témoins Boubacar DIALLO et Fatoumata Binetou AIDARA ont confirmé devant le magistrat-instructeur, leurs propos tenus à l’enquête préliminaire ; 

Attendu que par ordonnance de mise en accusation du 02 juin 2017, le Doyen des Juges d’instruction a renvoyé Ibrahima LY devant la Chambre criminelle du tribunal de Grande instance de céans siégeant en formation spéciale, sous les chefs d’acte de terrorisme par association malfaiteurs, d’acte de terrorisme par menace et d’apologie du terrorisme ; Faits prévus et punis par les articles 279-1.7° 279-1-.9° et 279-5 

Peocés devant la Chambre criminelle 

Attendu qu’à l’audience, Ibrahima LY a réitéré ses déclarations, soutenant que son voyage en Syrie était motivé par l’apprentissage du Coran et de la langue arabe et non pour aller combattre ou faire le djihad ; 

Qu’il a déclaré que c’est Abou Khadija DIAKHATE qui l’a convaincu de se rendre à Raqqah, en lui faisant croire que cette zone n’était pas encore touchée par la guerre ; qu’il a été abusé car il ignorait que Raqqah était en guerre ; 

Qu’il a précisé que son séjour en Syrie n’a duré qu’un mois, et aussitôt arrivé à Rakkah, il voulait en repartir, mais il était confronté au refus des combattants de le laisser partir ; 

Qu’il a tenu à souligner à la chambre que durant son séjour, il n’avait de contact avec personne encore moins avec le monde extérieur, car, au début, on le regardait avec la méfiance qu’il était un espion ; 

Qu’il a soutenu que les combattants lui ont attribué le surnom d’Abou Azzam, précisant qu’il n’en connait même pas la signification ; 

Qu’il a souligné que les photos dans lesquelles il est apparu en tenue de combat avec des armes, étaient destinées à être envoyées à sa famille pour la rassurer qu’il est en vie et bien portant ; 

Qu’il a confirmé être celui qui est intervenu en deuxième position, dans la vidéo visionnée à l’audience, expliquant que cette intervention fait suite à la demande des combattants de faire une propagande ; 

Qu’il a souligné avoir accepté de se prêter à ce jeu dans cette vidéo,pour faire croire aux combattants, qu’il adhérait totalement à leur cause, espérant ainsi persuader ces derniers de le libérer. 

Qu’invité à s’expliquer sur le contenu du message, il a d’abord tenu à préciser qu’il était seul intervenant au moment de son tournage, avant de répondre qu’il ne nourrit aucune haine envers personne ; 

Qu’il a expliqué qu’en parlant de bonne nouvelle dans la vidéo où il était, il ne faisait en réalité que répéter les propos de la personne qui le filmait, soulignant qu’il n’a jamais appelé les gens à commettre des attentats en France et qu’il regrette d’avoir fait cette vidéo ; 

Que poursuivant, il a déclaré avoir choisi de revenir au Sénégal au lieu de la France sur le conseil des combattants de l’Etat Islamique, qui lui ont signifié le risque d’emprisonnement auquel il s’expose, s’il retourne dans ce dernier pays pour avoir tourné ce film ; 

Qu’il a déclaré que depuis son retour au Sénégal, il n’a jamais eu de contact avec des personnes en Syrie ; 

Qu’il a contesté les déclarations prêtées à son frère Mansour LY et à nun nommé Fayçal AIT Massoud, rapportées dans la commission rogatoire internationale délivrée par la justice française le 06 Juillet 2015, selon lesquelles il a contribué à leur radicalisation et les a convaincu à venir le rejoindre en Syrie ; 

Qu’il a affirmé qu’il ne connait même pas Fayçal AIT Massoud ; 

Le parquet requiert les travaux forcés à perpétuité 
Attendu que dans ses réquisitions, le représentant du Ministère public a relevé qu’il est permis de douter des propos de l’accusé, quand il affirme que c’est pour apprendre le Coran et la langue arabe qu’il s’est rendu en Syrie ; 

Qu’il a soutenu en effet que celui-ci avait tout ce qui lui était nécessaire pour apprendre le Coran au Sénégal, vu qu’il y’a des écoles à Kanel, ville d’origine de ses parents, et qu’il est le gendre du grand érudit Thierno Mansour Barro de Mbour ; 

Qu’il a fait observer qu’il n’est pas contesté qu’Ibrahima LY s’est retrouvé en terre syrienne, plus précisément à Raqqah, qui est la ville déclarée capitale de l’Etat Islamique fondé par les djihadistes de DAESH ; 

Qu’il a révélé que Raqqah est la première ville à tomber dans l’escarcelle de l’Etat Islamique ; 

Qu’il a souligné que les propos tenus sur la vidéo par Ibrahima LY sont sans équivoque et constituent des menaces ou intimidations ; 

Qu’il a expliqué qu’en réalité, le projet de celui-ci était une entreprise en relation avec le terrorisme et avait pour but de troubler gravement l’ordre public, de semer la terreur, ce qui est une action quotidienne de l’Etat Islamique ; 

Qu’il a déclaré que le dessein psychologique de Ibrahima LY est clair, puisqu’il exhibait fièrement une arme de type kalachnikov sur les photos et avait également un nom de guerre qui n’est attribué qu’aux combattants et il ne peut sérieusement prétendre que son objectif était seulement d’apprendre le Coran et la langue arabe, car ces études ne nécessitent pas l’attribution d’un nom de guerre ; 

Qu’il a soutenu que l’accusé a rejoint un groupe dont les méthodes sont la décapitation et la tuerie de personnes ; 

Qu’il a ajouté que Ibrahima LY n’agissait nullement sous la contrainte en ce qu’il apparait serein sur la vidéo et les photos et il est évident qu’il a pris part à des actes de menaces et d’intimidation en s’associant à un mouvement insurrectionnel ; 

Qu’il a estimé que le crime d’acte de terrorisme en relation avec une entreprise individuelle tel que prévu à l’article 279-1 du code pénal est établi à l’encontre de l’accusé ; 

Que poursuivant, il a exposé que l’association de malfaiteurs est, au sens de l’article 238 du code pénal, toute entente établie, quel que soit le nombre de ses membres, dans le but de commettre des crimes ou des délits ; 

Qu’il a estimé que cette infraction est également établie à l’encontre de Ibrahima LY qui fréquentait Abou Khadija DIAKHATE et avait préparé son voyage pour rejoindre le frère de ce dernier déjà dans les rangs du groupe Etat Islamique ; 

Qu’il a indiqué que le but de leur voyage en Syrie était pour commettre des actes terroristes ; 

Qu’il en a déduit que les éléments constitutifs du crime d’acte de terrorisme par association de malfaiteurs, sont remplis à l’encontre de l’accusé ; 

Qu’il a fait valoir par ailleurs, que la matérialité du délit d’apologie du terrorisme est prouvée par la vidéo incriminée, eu égard aux déclarations y faites par l’accusé, qui se félicitait de la tuerie de Charlie Hebdo et appelait à la multiplication de semblables actes ; 

Qu’il a indiqué que cette vidéo dans laquelle l’accusé émet un jugement moral favorable, a été mise en ligne, quelques jours seulement après les attentats de Charlie Hebdo ; 
Que poursuivant encore, il a souligné que dans la commission rogatoire internationale versée au dossier, délivrée le 06 Juillet 2015 par le juge d’instruction français, il est ressorti que le nommé Fayçal AIT Massoud, qu’Ibrahima LY a déclaré ne pas connaître, a affirmé que ce dernier a joué un rôle important dans sa radicalisation et c’est après avoir visionné la vidéo dont s’agit, qu’il s’est décidé à rejoindre l’Etat Islamique et il ressort également de ce document que le frère de l’accusé, le nommé Mansour LY, a déclaré que son frère Ibrahima était d’accord avec la pratique des égorgements de l’Etat Islamique ; 

Qu’en définitive, il a soutenu que les faits reprochés à Ibrahima LY sont constants et constituent des crimes punis de la peine des travaux forcés à perpétuité ; 

Qu’il a par conséquent requis qu’Ibrahima LY soit reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés et condamné à la peine des travaux forcés à perpétuité ; 

La défense plaide l’acquittement 
Attendu que dans sa plaidoirie, le conseil de l’accusé a, de prime abord, demandé que la commission rogatoire du juge français soit écartée des débats, au motif que les déclarations y rapportées, sont celles prêtées à des coaccusés, lesquelles n’ont aucune force probante en justice, surtout que dans le cas présent, il ne s’agit pas de déclarations régulièrement consignées dans des procès-verbaux versés aux débats, mais de propos rapportés dans une simple lettre d’un juge d’instruction français, envoyée aux autorités judiciaires sénégalaises ; 

Qu’il a argué par ailleurs qu’Ibrahima LY est un enfant victime, traumatisé par le fait, qu’à peine âgé de huit (8) ans, son père l’a amené au Sénégal et, est reparti en France sans l’en aviser ; 

Qu’une fois retourné en France, il a rencontré un ami répondant au nom d’Oumar DIAKHATE, qui lui a proposé d’aller en Syrie pour apprendre le Coran ; qu’arrivé en terre syrienne, il a constaté que le climat de guerre qui y régnait ne lui permettait pas d’apprendre le Coran et il a voulu rentrer au Sénégal, mais il était obligé de négocier, raison pour laquelle il a consenti au tournage de la vidéo en échange de sa liberté ; 

Qu’il a soutenu que la vidéo incriminée, visionnée à l’audience, est un montage, car l’accusé était seul au moment du tournage ; 

Qu’il a par ailleurs signalé que le nom de guerre que porte celui-ci lui a été imposé ; 
Qu’il a conclu qu’il n’existe dans le dossier aucun élément permettant de retenir la culpabilité de son client, raison pour laquelle il a plaidé son acquittement, ne serait-ce qu’au bénéfice du doute. 

Délibéré 

 Quant au crime d’acte de terrorisme par association de malfaiteurs ; 

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 279-1.7° de la la loi n°2007-01 du 12 février 2007 portant modification du Code pénal, applicable en l’espèce, que constitue un acte de terrorisme, lorsqu’il est commis intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective, ayant pour but de troubler l’ordre public ou le fonctionnement normal des institutions nationales ou internationales, par l’intimidation ou la terreur, l’association de malfaiteurs prévue par les articles 238 et 240 du présent code ; 

Que l’article 238 de ce code qualifie d’association de malfaiteurs « toute association formée quelle que soit sa durée ou le nombre de ses membres, toute entente établie dans le but de préparer ou de commettre un ou plusieurs crimes ou délits contre les personnes ou les propriétés » ; 

Que cette infraction vise à prévenir la perpétration de crimes ou délits en incriminant les premières étapes de leur planification, indépendamment même de leur exécution et sans qu’il soit nécessaire d’identifier tous les membres de l’association, ni les moyens devant servir à atteindre le but criminel ou la nature précise des crimes qu’ils se proposent de commettre ; 

Attendu qu’en l’espèce, il est constant comme résultant de ses aveux faits aussi bien devant le magistrat instructeur qu’à la barre du tribunal, que courant 2015, Ibrahima LY a effectué un voyage en Syrie à partir de la France, en compagnie de Omar DIAKHATE ayant le nom de guerre Abou Khadija DIAKHATE ; 

Qu’il a été accueilli et conduit à Raqqah, une ville syrienne, par Abou Ismaël, frère de son compagnon de voyage, qui, selon ses dires, est un combattant du groupe Etat Islamique ; 

Qu’il est tout aussi constant qu’il a séjourné au moins pendant un mois dans une base de combattants de l’Etat Islamique à Raqqah ; 
Qu’il est également acquis aux débats, que la ville de Raqqah était sous le contrôle de l’Organisation Etat Islamique au moment des faits, groupe que l’accusé a d’ailleurs reconnu, lors de son interrogatoire à l’enquête préliminaire, avoir intégré avec l’aide de son compagnon Omar DIAKHATE, et que le nom de guerre Abou Azzam lui a été attribué ; 
Attendu qu’en dépit de ses dénégations tardives faites à l’audience, les multiples épreuves photographiques versées au dossier, extraites de ses comptes « VIBER » et « WHATSAPP », le montrant en tenue treillis de combat, exhibant des armes à feu dont certaines de type kalachnikov, le drapeau de l’Etat Islamique en arrière-plan, attestent à suffisance de son adhésion à ce groupe ; 

Que les arguments par lui développés, selon lesquels il portait la tenue de combat pour se protéger du froid et que les photos étaient pour rassurer sa famille qu’il était bien portant, ne sont guère convaincants; 
Qu’en effet, non seulement son apparence dans lesdites photos rappelle une situation de guerre, ce qui ne peut avoir pour effet de rassurer, mais ensuite, pour se protéger du froid, il ne pouvait manquer de moyens de s’habiller autrement qu’en tenue de combat, comme c’est le cas sur certaines photos où il apparait vêtu d’un pull ; 
Qu’en outre, il convient de relever que l’accusé a eu à séjourner à neuf reprises en Arabie Saoudite ; qu’il a débuté son apprentissage du coran à Kanel au Fouta chez un grand érudit et a été le gendre de feu Thierno Mansour BARRO de Mbour qui est également une référence dans l’enseignement islamique ; 

Que sous ce rapport, il avait donc toutes les références nécessaires pour réaliser son objectif d’apprentissage du coran et de la langue arabe, pour ne pas se fier à Abou Khadija DIAKHATE rencontré fortuitement dans la Grande Mosquée de Trappes ; 
Qu’il s’y ajoute, que la discrétion qui a entouré son voyage et le mode de transport par lui utilisé pour rallier la Syrie, traduisent manifestement une intention de sa part de brouiller les pistes, pour ne pas se faire repérer ; 

Que cela prouve qu’il était parfaitement conscient des actes qu’il posait, et, contrairement à ses dires, il ne pouvait pas ne pas savoir la situation qui prévalait à Raqqah, eu égard à la médiatisation faite dans ce sens ; 
Qu’à la lumière de tout ce qui précède, il est clair que l’accusé Ibrahima LY, s’est entendu avec Abou Khadija DIAKHATE et Abou Ismaël pour aller combattre dans les rangs d’une organisation, connue pour ses exécutions de masse, les décapitations à visée médiatique et autres actes et méthodes criminels, destinés à asservir la population, dans le but de troubler l’ordre public par l’intimidation et la terreur ; 
Que l’entente ainsi établie, en connaissance de cause, en vue d’intégrer et de prêter un soutien à une telle organisation, suffit à caractériser à l’encontre de l’accusé Ibrahima LY le crime d’acte de terrorisme par association de malfaiteurs ; 
Qu’il échet par conséquent de l’en déclarer coupable ; 

 Quant au crime d’acte de terrorisme par menace 
Attendu que selon les dispositions de l’article 279-1-9° du Code pénal, constituent des actes de terrorisme punis des travaux forcés à perpétuité à l’article 279-4 du même code, lorsqu’ils sont commis intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler l’ordre public ou le fonctionnement normal des institutions nationales ou internationales, par l’intimidation ou la terreur notamment les menaces prévues par les articles 290 à 293 dudit code ; 
Que les menaces réprimés à l’article 290 du code pénal sont celles d’assassinat, d’empoisonnement ou de tout autre attentat qui se réalisent par écrit anonyme ou signé, image, symbole ou emblème ; 
Que d’après sa définition littérale, la menace est une parole ou geste pour marquer la colère, le ressentiment et pour faire craindre le mal qu’on prépare ; 

Attendu qu’il ne ressort pas de la procédure la preuve de ce que l’accusé a proféré des menaces ; 
Que ses propos « continuez à les envoyer finnaarou arsalaahoum koullouhoum ilaa diakhannab » s’analysent non pas en des menaces, mais plutôt en une incitation ou provocation à la commission d’actes de terrorisme, érigée en crime par l’article 279-6 de la loi N°2016-29 du 08 novembre 2016 ; 

Que les faits objet des poursuites ayant été commis en 2015, soit avant l’entrée en vigueur de cette loi, ne sauraient par conséquent, tomber sous le coup de cette loi, en vertu du principe de non rétroactivité des lois posé par l’article 4 du code pénal ; 
Qu’il y a lieu par conséquent d’acquitter Ibrahima LY du crime d’acte de terrorisme par menace ; 
 Quant au délit d’apologie du terrorisme 

Attendu que l’article 279-5 de la loi n°2007-01 du 12 février 2007 portant modification du Code pénal, réprime d’une peine d’emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 100.000 francs à 1.000.000 de francs, quiconque aura, par les moyens énoncés à l’article 248 du même code, fait l’apologie des crimes visés par les articles 279-1 à 279-3 de ce code ; 
Que cet article 248 du Code Pénal prévoit que ces moyens sont la radiodiffusion, la télévision, le cinéma, la presse, l'affichage, l'exposition, la distribution d'écrits ou d'images de toutes natures, les discours, chants, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, et généralement tout procédé technique destiné à atteindre le public ; 
Que l’apologie pénalement réprimée consiste en une glorification ou une justification valorisante d’un acte criminel ou de son auteur ; 
Que la réalisation du délit d’apologie du terrorisme nécessite donc, d’une part, un propos portant un jugement moral positif sur un crime terroriste, d’autre part la publicité ; 

Attendu qu’il a été produit au dossier une vidéo placée sous scellé n°040/DIC/BEF, laquelle a été visionnée à l’audience et discutée par l’accusé ; 

Que dans cette vidéo, Ibrahima LY, deuxième intervenant, tenait les propos suivants : « « je vous donne un conseil. Si vous ne pouvez pas venir travailler l’Islam, où vous pouvez être incha allahou taallah, eu…..la chose on a appris une bonne nouvelle, ils ont défendu al Islam, ceux qui ont critiqué Nabi Salla laahou aleyhi Wassallama, ils les ont envoyés en enfer, continuez à les envoyer finnaarouarsalaahoum koullouhoum ilaa diakhannab » ; 

Attendu qu’Ibrahima LY a reconnu être l’auteur des propos sustranscrits ; 

Que la justification donnée à la réalisation de cette vidéo selon laquelle il agissait sous la contrainte des combattants de l’Etat Islamique, n’est corroborée par aucun élément du dossier, d’autant plus que sa sérénité et sa posture guerrière dans ce film suggérerait le contraire ; 

Attendu qu’en dépit de ses contestations à l’audience, Ibrahima LY avait soutenu à l’enquête avoir tenu de tels propos à la suite des attentats de Charlie Hebdo en France, qu’il a appris au cours de son séjour en Syrie et qu’en parlant de bonne nouvelle dans la vidéo, il faisait référence à l’attaque des journalistes de cet organe qu’il considère comme des pourfendeurs de l’Islam ; 

Qu’il importe de relever que l’attaque du journal satirique Charlie Hebdo survenue le 07 janvier 2015 à Paris, est imputée à deux français, les frères KOUACHI et a été revendiquée par une organisation terroriste ; 
Qu’en outre, les expressions « on a appris une bonne nouvelle », « ils les ont envoyés en enfer » « continuez à les envoyer finnaarou arsalaahoum koullouhoum ilaa diakhannab » utilisées dans cette vidéo manifestent respectivement une réjouissance par rapport aux attentats du journal Charlie Hebdo et une invite à la commission de tels actes ; 
Qu’elles revêtent ainsi par leur sens un caractère apologétique dès lors qu’elles peuvent influencer à la commission d’actes terroristes ; 

Que l’élément de publicité ressort du fait que les propos incriminés ont été véhiculés au moyen d’un fichier vidéo mis en ligne via l’internet le 14 janvier 2015, ce qui constitue un des supports prévus à l’article 248 du code pénal ; 
Que par conséquent, les éléments constitutifs du délit d’apologie du terrorisme sont établis, tant en leur matérialité que leur imputabilité ; 
Qu’il échet donc de déclarer Ibrahima LY coupable de ce délit ; 

Attendu que Ibrahima LY a été reconnu coupable d’acte de terrorisme par association de malfaiteurs et d’apologie du terrorisme, punis respectivement à l’article 279-4 du code pénal de la peine des travaux forcés à perpétuité et à l’article 279-5 d’une peine d’emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 100.000 francs à 1.000.000 de francs ; 
Attendu qu’en vertu de l’article 5 du Code pénal, en cas de commission de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte est seule prononcée ; 

Attendu que ces infractions dont Ibrahima LY a été reconnu coupable, comme toutes celles en lien avec une entreprise terroriste, sont d’une gravité extrême, d’où la nécessité de les réprimer sévèrement ; 
Attendu toutefois, si la peine doit tenir compte de la gravité des faits, elle doit aussi prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ; 
Qu’en l’espèce, même si Ibrahima LY a eu à intégrer l’organisation de l’Etat Islamique pour rejoindre ses combattants, il reste qu’il n’est produit au dossier aucun élément attestant de sa participation effective à un acte concret d’exécution ; 
Qu’il s’y ajoute que c’est un délinquant primaire, ayant exprimé ses regrets à l’audience ; 

Que compte tenu de ces différents éléments, la chambre estime devoir faire application en sa faveur des dispositions de l’article 432 du Code pénal relatives aux circonstances atténuantes, qui veulent que, si la peine prévue est celle des travaux forcés à perpétuité, la cour appliquera la peine des travaux forcés à temps de dix à vingt ans ou celle des travaux forcés à temps de cinq à dix ans ; 

Qu’il échet donc de condamner Ibrahima LY à une peine de quinze (15) ans de travaux forcés ; 

Les dépens 

Attendu qu’aux termes de l’article 302 du code de procédure pénale, l’accusé reconnu coupable est condamné aux dépens ; 

Attendu que Ibrahima LY a été reconnu coupable ; 

Qu’il y’a lieu de le condamner aux dépens, conformément au texte susvisé ; 

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière criminelle et en premier ressort, la Chambe criminelle déclare : 

- l’action publique recevable ; 
-Acquitte Ibrahima LY du crime d’acte de terrorisme par menace ; 

-Le déclare coupable du crime d’acte de terrorisme par association de malfaiteurs et du délit d’apologie du terrorisme ;  Le condamne à une peine de quinze (15) ans de travaux forcés ; 

-Le condamne aux dépens tout en application des articles 279-1-7°, 279-1-9°, 279-4, 279-5 de la loi n°2007-01 du 12 février 2007 portant modification du Code pénal, 238, 290, 5 et 432 du code pénal et 294 et 302 du code de procédure pénale ; 

Mention : Après avoir donné lecture de la décision et lu les textes de loi dont il est fait application, le président a informé l’accusé condamné, qu’il dispose d’un délai de quinze jours à compter du prononcé du jugement, pour faire appel ; 

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le président et le greffier les jour, mois et an que dessus ;


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