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MOUSSA CAMARA, L’HOMME QUI MURMURAIT À L’OREILLE DU MEDEF


Rédigé le Vendredi 13 Janvier 2017 à 00:49 | Lu 169 fois | 0 commentaire(s)




Argot est allé à la rencontre de Moussa Camara, président de l’association Agir pour Réussir  et initiateur des Déterminés, un module de formation monté en partenariat avec Pierre Gattaz pour aider les jeunes des quartiers à créer leur entreprise. À 30 ans, le Val d’Oisien originaire du Mali est un puits d’énergie.

1m84, une poignée de main dont la franchise vous donne l’impression de le connaître depuis des années, un regard franc et rieur, un langage dénué de tout ton protocolaire. Ce portrait aurait pu tenir en un hashtag : #spontanéité. Mais derrière cette apparence estampillée « venez comme vous êtes Â», il est difficile de deviner quel homme se cache derrière. Moussa Camara. Le grand gaillard aux allures d’ancien de la cité à qui on la fait pas a pourtant de quoi faire mentir les apparences… Fondateur de l’association AGPR (Agir pour Réussir) et, plus récemment, des Déterminés, ce Cergyssois de 30 ans Å“uvre pour l’épanouissement économique et social des jeunes de sa ville depuis plus de dix ans maintenant.

Né en 1986 à Cergy Pontoise, son père, employé municipal, est arrivé là quelques années plus tôt, dans les années 70. La petite famille Camara réside dans un foyer de la ville. « Les sacrifices que mes parents ont faits sont remarquables ! Â» reconnaît-il. « Quand j’étais petit, je n’avais aucune vision politique, on avait d’autres soucis : les confrontations avec la police, les contrôles musclés etc… Â». Une routine et une précarité qui ont poussé le maire à qualifier le quartier de « ghetto social ». Cergy bénéficie alors du programme de rénovation mis en place par l’ANRU. En 2007, à la suite d’une bavure policière un jeune est blessé. S’ensuivent des émeutes -les revendications émanant des jeunes du quartier se faisant de plus en plus insistantes. Ils réclament de nouveaux équipements sportifs et des endroits où ils peuvent se retrouver. Cette prise de conscience les amènent à créer un association pour mener leur combat. « On n’avait aucun modèle associatif… On ne savait même pas comment cela fonctionnait Â» glisse-t-il, amusé. Quelques temps plus tard, première victoire : ils obtiennent à coups d’âpres négociations avec les élus locaux (avec qui les relations étaient pour le moins tendues) la reconstruction d’un terrain de sport.

Au même moment, âgé de 21 ans, le jeune Moussa, étudiant en bac pro logistique, monte sa société dans les télécoms. « Des grands de chez nous avaient monté une société dans les télécoms. Ils avaient décroché les premiers contrats de sous-traitance auprès des grands groupes comme Orange. Du coup ils nous en ont fait profiter Â». Il mène désormais sa toute jeune entreprise de front. Et c’est ainsi que l’association AGPR (Agir Pour Réussir), avec laquelle il obtiennent dans la foulée la gestion des équipements sportifs, est née. « C’était une première pour nous ! Jamais une municipalité n’avait accordé une telle confiance à des jeunes Â». Galvanisée par cette réussite, l’association monte en puissance, à tel point que les jeunes des quartiers voisins viennent se joindre à eux.

Devant ce succès, les membres de l’association décident de passer à la vitesse supérieure. En 2008, ils mettent en place une nouvelle campagne d’inscription sur les listes électorales qu’ils intitulent « les émeutes citoyennes ». « Le but était de donner rendez-vous à un maximum de jeunes devant la ville afin qu’ils s’inscrivent et qu’ils aillent voter pour les municipales Â». Une prise de conscience politique que le jeune leader associatif qualifie de « naturelle ». « C’était vraiment au feeling, rien n’était projeté, je ne voulais pas me mettre en avant, ça s’est fait instinctivement. On était dans l’instant présent, on voulait juste améliorer les conditions de vie des jeunes du quartier et peser dans le débat public ! ». D’autres actions s’ensuivent, comme les « Art’May Citoyenne Â», où des artistes tels que Sexion d’Assaut, Rohff, sont invités à l’occasion de fêtes de quartiers géantes au centre-ville. « En voyant que tout se passait bien, le maire de l’époque, Dominique Lefebre, nous a suivis Â». Et puis, au fur et à mesure, l’équipe tente de s’investir dans d’autres domaines tels que le logement, question essentielle à leur yeux, ou même le temps libre des jeunes. « On organisait des sorties à Paris, le pire c’est qu’on avait même pas encore de locaux nous-mêmes… On faisait ça à l’arrache Â». L’association fait d’ailleurs l’objet d’un reportage de la réalisatrice Laëtitia Moreau, intitulé « Génération quoi Â».


À la même époque, Moussa fait la rencontre d’un jeune entrepreneur américain qui lui propose de venir faire un stage à Washington, dans une organisation qui forme au leadership. « Ã‡a m’a permis de voir leur façon de travailler… Et ça m’a surtout beaucoup inspiré. J’étais très étonné de voir des Noirs occuper de hautes fonctions. J’étais habitué à voyager dans mon pays d’origine, le Mali, mais je n’avais jamais pu comparer objectivement la France à un autre pays occidental» confie Moussa, qui reste cependant nuancé dans son propos. « Là-bas, soit tu grandissais du bon côté de la barrière, peu importe ton origine, ton rang social, ton nom ou autre et tu pouvais réussir, soit tu étais de l’autre côté et tu étais foutu. J’ai visité certains quartiers qui m’ont choqué ! C’est pas comme en France, il n’y a pas de juste milieu. Ici, il y a de l’espoir ! Â». Cette expérience lui permet, à son retour, de mieux analyser la situation en France.

Moussa décide alors de donner un nouveau tournant à son engagement associatif. « On était sur un aspect très social avec l’AGPR. Aux États-Unis j’ai appris deux choses : l’importance de la communication et celle du business. Si tu veux faire plus de social, il faut faire plus de business, pour qu’il y ait une justice sociale, il faut d’abord une justice économique Â». Il entreprend d’aborder les thématiques de l’emploi, d’abord en aidant les jeunes à réaliser leur CV au sein de l’association, puis en les mettant en relation avec des structures publiques telles que que la Mission locale ou Pôle Emploi. Très vite, l’action atteint ses limites : des divergences naissent entre les structures. Encore une fois, Moussa décide, par ses propres moyens, d’entrer en contact avec les acteurs économiques locaux. En 2011, ils organisent une conférence pour l’emploi à laquelle sont conviés des dirigeants des entreprises locales afin de les mettre directement relation avec des jeunes. Le directeur d’Auchan Cergy, celui de la base de loisirs et bien d’autres sont présents. « On savait que pour communiquer il ne fallait surtout pas, dans un premier temps, leur demander quoi que ce soit. Si on évoquait une envie d’embauche, ça les braquait ! Â». En parallèle de tout cela, Moussa souhaite apporter un accompagnement pour celles et ceux qui veulent entreprendre. « La situation du marché du travail étant ce qu’elle est, ils sont de plus en plus nombreux. Lorsque j’ai monté ma boîte, je n’avais pas l’accompagnement nécessaire mais j’y suis allé quand même, parce que j’étais déterminé Â».

Tout en gardant son engagement social avec son premier projet, le jeune président d’association souhaite désormais offrir un accompagnement exclusivement axé sur l’économie. « On est tombé dans l’économie de manière tout à fait naturelle, bien qu’on le faisait de façon informelle depuis des années déjà Â» estime-t-il. « Grâce aux grands du quartier qui avaient monté leurs boîtes, on a eu du travail, on a pu prendre un appart, permettre Ã  certains de se marier, de construire une famille… On a clairement pu expérimenter les bienfaits de l’entreprise ». Il réfute catégoriquement l’appellation de « grand frère », qu’il considère comme étant péjorative. Pourtant, l’homme a le visage rassurant du grand frère idéal. Â« On est là pour proposer des alternatives, pour accompagner. On a notre propre famille, on n’entend pas se substituer à celle des jeunes qui viennent nous voir». Loin de l’affect, Moussa revient immédiatement au concret : Â« Il y a tout un tas de jeunes qui ont des projets et des idées, beaucoup ont du mal à trouver du travail faute d’avoir un bon CV, le nom qu’il faut ou autre. Il faut pouvoir leur proposer quelque chose. La plupart des associations que je rencontre se limitent à l’aspect social du problème. On souhaite proposer quelque chose de différent, des stages, un réseau, soit ce qui leur manque le plus souvent Â».

Ainsi, l’association souhaite désormais aider les jeunes entrepreneur à construire leur réseau et apporter l’accompagnement nécessaire à la création d’entreprise à celles et ceux qui n’ont pas l’opportunité d’en bénéficier. « La première fois que j’ai monté ma société j’étais totalement perdu. La seule chose qui m’importait c’était d’avoir de la commande et quand cela ne se faisait pas, je me retrouvais en perte et me demandais pourquoi. La réponse était simple : je n’avais pas la méthodologie nécessaire pour pouvoir rebondir Â». Afin de donner des bases solides à toute nouvelle association, il faut d’abord établir des liens avec les réseaux d’accompagnement locaux (chambres consulaires). Dans son cas, le projet s’est heurté dans un premier temps à une incompréhension et un accueil très froid de la part des différents interlocuteurs. « Quand on leur disait que nous avions des entrepreneurs, ils nous répondaient : ‘envoyez-les nous’, comme si nous étions leurs sous-traitants. Au-delà du fait d’établir un lien, le but était surtout d’effectuer un travail d’accompagnement avec les jeunes Â».


À ce stade, la structure manque cruellement de réseau dans le domaine. Arrive le moment de la rencontre avec Pierre Gattaz, l’actuel président du MEDEF (Mouvement des Entreprises de France). En janvier 2014, Moussa est invité aux vÅ“ux du Sénat. « Au début, je ne comptais pas y aller. Je faisais un tour à Paris et au final je me suis dit ‘pourquoi pas, ça peut être sympa’. Je n’avais jamais entendu parler de Pierre Gattaz. C’est quelques minutes avant la fin qu’il m’a été présenté. Le feeling est bien passé. Il m’a donné son mail personnel Â». Quelques semaines plus tard, il reçoit un mail de ce dernier souhaitant le rencontrer. Son cabinet lui propose un rendez-vous qu’il accepte volontiers. « Je leur ai proposé -sans vraiment y croire-  de venir à Cergy et de rencontrer les jeunes. Il se trouve qu’ils ont pris le truc au sérieux. Lorsque Pierre Gattaz est venu, j’ai compris que c’était un mec qui tenait ses engagements, quand certains élus de notre propre ville n’ont pas le temps de nous recevoir Â». À partir de là, l’association met en place le programme « Les Déterminés Â». L’initiative reçoit le soutien d’un bon nombre de partenaires avec lesquels le MEDEF est en relation. « Au début cela ne s’appelait même pas « Les Déterminés Â»â€¦ L’idée est venue d’une expression, « déter Â», qu’on employait très souvent pour exprimer notre motivation Â» précise Moussa dans un éclat de rire.

Depuis janvier 2015, Les Déterminés, ce fameux programme révolutionnaire de formation à destination des jeunes entrepreneurs des quartiers populaires, est financé par l’entreprise Klésia. Elle offre notamment à ces apprentis des sessions de mentoring animées par des entrepreneurs aux parcours édifiants tels que la créatrice de My Little, Fany Pechiodat, le chef  Ã©toilé Thierry Marx ou même le fondateur du célèbre label WATI B, Dawala. Après avoir formé près de 45 personnes lors des trois dernières sessions, Moussa a donné, lundi dernier, le top départ de sa 4ème promotion. Durant 5 semaines, cela permettra à des jeunes de 18 à 35 ans de concrétiser leur projet de création d’entreprise. Concret et efficace.

Texte : Pegah Hosseini et Ulrich Obaonrin

Photos : Loïc Lagarde, DA AGENCY



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