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L’Afrique et le Mali selon un Homme !


Rédigé le Mardi 24 Septembre 2013 à 12:30 | Lu 367 fois | 0 commentaire(s)



VIPEOPLES.NET- Alors que certains leaders africains appartenant à la communauté française se battaient à la fin de la décennie 5O pour accéder à l’indépendance à la tête des micros Etats à l’intérieur des frontières tracées par le colonisateur, lui avait déjà le souci, les préoccupations, l’ambition de réunir plusieurs territoires au sein d’une fédération, ce qui les rendraient plus forts face aux grands ensembles, l’indépendance oui certainement ! Mais pas avec des poussières d’Etats sans réel pouvoir, isolés et crispés sur des micros nationalismes.


L’Afrique et le Mali selon un Homme !

Le panafricanisme était son souci, sa bataille. L’unité africaine passait même avant la souveraineté de son propre pays. Il suffit pour s’en convaincre de découvrir la disposition qui figure dans la première constitution du Mali.
« Peut conclure avec tout Etat d’Afrique des accords d’associations ou de communauté comprenant l’abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine…».

Qui dit mieux ? Personne jusqu’à ce jour !

Nationaliste ombrageux, Modibo l’était certainement et c’est qui va l’amener très rapidement en pleine guerre froide à choisir l’option socialiste, à s’inventer un modèle qu’il juge plus adapté et plus conforme aux réalités maliennes : la révolution scientifique !
Retour sur le parcours exceptionnel de ce leader qui a durablement marqué l’histoire contemporaine du Mali et même de l’Afrique de l’ouest toute entière.
Le projet de la naissance de la république Soudanaise (ancien nom du Mali) premier Etat de la communauté constituée sur la terre d’Afrique nait seulement deux mois après le succès massif du « Oui ! » au référendum pour la communauté organisé l’initiative du général De Gaulle et c’est lui Modibo Keita qui en devient le président du gouvernement. Mais ceci n’est pour lui qu’une simple étape. Son ambition est beaucoup plus important, plus globale, moins personnelle. Il rêve de la création d’un Etat fédéral en Afrique de l’ouest un grand ensemble fédéral qui sera plus viable que des micros Etats divisés pas des nationalismes étriqués. Une idée qui ne plait pas du tout à l’ivoirien Félix Houphouët Boigny qui va s’y opposer avec beaucoup de force ; mais le poids dont jouit le président Houphouët auprès des français ne le décourage pas. Modibo Keita va se lancer dans une longue campagne pour convaincre les africains du bien fondé de cette fédération.
« La délégation du Mali a été guidée dans ces négociations par le souci de sauvegarder sa liberté d’action en ce qui concerne la possibilité de l’unité africaine. Et c’est ainsi que nous avons renoncé a la frappe d’une monnaie malienne pour conserver le franc caf qui constitue le seul élément de liaison des anciens Etats de l’AOF…», disait-il à qui voulait l’entendre.

 

Qui est-il ? D’où vient-il ?

Modibo, le fils d’un commis expéditionnaire principal Daba Keita et d’Atouma Camara nait à Bamako (seule ville de ce qui est encore le Soudan Français) en juin 1915 dans une famille musulmane d’origine malinké. Le jeune Modibo va connaitre les salles de classes surpeuplées de l’école primaire de Bamako avant d’enter en 1931 à l’école ‘’terrassons de fougères’’ actuel ‘’lycée Askia Mohamed’’.
-1ier avril 1936, alors élève à la célèbre prestigieuse école normale ‘’William pointy ‘’de l’île de Gorée (Sénégal), il va sauver de la noyade un certain Emile Derlin Zinsou, celui qui va devenir plus tard en 1967, le président du Dahomey (l’actuel Bénin). Quelques mois après ce petit exploit, il sort major de sa promotion. L’observation de ses professeurs est simple. ‘’Instituteur de lutte très intelligent mais anti-français. Agitateur de haute classe à surveiller de près…’’.

Son diplôme d’instituteur en poche, il regagne son Soudan natal et débute sa carrière d’instituteur à l’école rurale de Bamakocoura. C’est le moment où apparait dans les milieux enseignants une prise de conscience de la condition du colonisé. Le débat politique étant interdit aux africains, Modibo Keita, Mamadou Konaté son ancien maître, Mamby Sidibé et d’autres instituteurs, fondent en avril 1937, l’association des lettrés du Soudan. Même s’il se déclare officiellement apolitique, ce mouvement ne se prive pas d’aborder des thèmes interdits, l’arrivée au pouvoir du front populaire en France va quelque peu décrisper l’atmosphère et Modibo Keita, Mamadou Konaté vont en profiter pour lancer le syndicat des enseignants.

-1943, c’est l’année où Modibo est nommé directeur du cours normal de Sikasso avec pour mission la formation d’instituteurs. Il en profite pour fonder avec son ami Jean Marie Koné ‘’ l’œil de kénédougou’’ (un journal séditieux au titre significatif qui dénonce sans concession le système colonial), une parution qui va permettre à Keita, de se faire un nom.
Après la seconde guerre mondiale à laquelle les africains ont très activement participé, se sont battus sur tous les fronts, la métropole est un peu contrainte d’apporter quelques changements, quelques améliorations dans le traitement et le statut des territoires des colonies. Modibo va profiter de cette ouverture, de cette brèche pour enter en politique.
Le 21 octobre 1945, il est candidat aux législatives. Une première participation qui se solde par un échec par ce qu’il est largement battu par Fily Dabo Sissoko qui, à cette époque domine la chaine politique soudanaise. Il est troisième derrière Mamadou Konaté.
Après la tenue à Bamako du congrès constitutif du Rassemblement démocratique africain (RDA), les hommes politiques soudanais, exception faite de Fily Dabo, vont fonder l’union soudanaise (section locale du RDA) présidée par Mamadou Konaté).
En janvier 1947, Modibo Keita en devient le secrétaire général. Dans son fief de Sikasso, il saisit toutes les opportunités et occasions pour défendre les droits des populations. Il va même adresser une lettre au ministre de la France d’outre-mer pour dénoncer le régime esclavagiste instauré dans le cercle de Sikasso par l’administrateur Rocher. L’administrateur colonial se fâche et le nomme secrétaire du député Mamadou Konaté à Paris. A Paris, il est arrêté pour la poursuite intentée au Soudan et emprisonné pour provocations.
Sorti de prison, Modibo retourne dans son Soudan natal où il reprend ses activités politiques. Il prend une disponibilité professionnelle pour se consacrer entièrement à la vie de son parti (US-RDA). Ce qui lui permet d’être élu à l’assemblée territoriale soudanaise en 1948.

A la mort de son maître Mamadou Konaté, le chef du parti, il n’a aucun mal à lui succéder à la tête de l’union soudanaise. Un pas supplémentaire en 1956 avec les élections législatives qui lui ouvrent les portes du palais bourbon (assemblée nationale française), en octobre, il en devient le vice président. Sa fulgurante ascension se précise en novembre de la même année puis qu’il est élu à la mairie de Bamako.

-1957, Modibo entre dans le gouvernement français. Il est d’abord secrétaire d’Etat à la France d’outre-mer dans le gouvernement de Bourges Maunoury, il va également être fait secrétaire d’Etat à la présidence dans le cabinet formé par Félix Gaillard. Il est de tous les grands rendez-vous et prend la parole sur toutes les tribunes puisqu’il se montre un remarquable orateur et exprime ses idées avec franchise mais avec un peu plus de diplomatie qu’à ses débuts. Il a compris le jeu politique.
-1958, où il est élu président de l’assemblée constituante de la fédération du Mali, il souffle comme un vent de sédition, une poussée nationaliste dans les territoires, dans les colonies françaises, notamment en Algérie, en Asie et dans les régions du sud du Sahara.
La seconde guerre mondiale à laquelle beaucoup d’africains ont participé, a fait tomber certains complexes et les désirs de liberté et d’indépendances s’expriment de plus en plus, ça-et-là.

Modibo Keita, secrétaire d’Etat n’est pas à ce moment là pour l’indépendance, il préfère l’interdépendance. Il estime que le nationalisme étroit est dangereux et illusoire et qu’il faut rester dans des grands ensembles.

Pour convaincre, il explique : « Nous savons qu’à l’heure actuel, dans certaines régions de l’Afrique, d’autres anciennes colonies ont été élevés au niveau d’Etats indépendants. Nous savons que l’indépendance est un mot qui fouette la dignité ou l’amour propre d’un pays colonisé. Nous savons également que c’est une formule tentante, mais nous africains, qui savons que dans ce siècle de l’interdépendance, où même les pays les plus évolués qui ont tous les attributs de leur souveraineté, sont obligés de faire abandon d’une partie de cette souveraineté pour s’imbriquer dans un ensemble. Nous avons compris que ce serait un retard pour notre part, un recul dans l’évolution de l’histoire que de nous attarder au stade du nationalisme étroit qui trouve sa formulation dans une indépendance quelques fois illusoire…».
Ce refus de l’indépendance n’est pas partagé par un grand nombre de nationalistes africains qui se battent pour retrouver leur souveraineté internationale. Il faut dire que le Ghana a accédé à l’indépendance, l’année d’avant et que son exemple, le panafricanisme de Nkwamé N’krumah séduit de nombreux africains. Le désir de se libérer devient de plus en plus fort. Il s’exprime avec force en Algérie.
-La 4ième République en France a de plus en plus de mal à contenir cette poussée nationaliste qui va précipiter sa chute. C’est dans ces circonstances que le général De Gaulle va arriver aux affaires en mai 1958. Rappelé en 1958, De Gaulle propose une nouvelle conception des rapports de la métropole avec les peuples africains qui lui sont associé. Les velléités d’indépendance se font de plus en plus sentir. L’homme du 18 juin 1940 n’a pas oublié le rôle primordial joué par l’empire dans la seconde guerre mondiale. La victoire est aussi à mettre au crédit de ces territoires qui ont payé lourd tribut pour libérer la France. Il propose alors d’organiser un référendum constitutionnel dit de la communauté. Un ensemble qui permettra chacun de ces territoires d’exercer toutes les prérogatives de l’autonomie interne avec l’aide de la France. Il annonce alors que personne ne s’y attendait, qu’il donnera aux résultats du référendum sur la constitution, un sens particulier dans les territoires d’outre-mer. Un vote négatif signifierait la volonté d’indépendance immédiate à laquelle il s’engage à ne pas faire obstacle. Au contraire un vote affirmatif ouvrirait aux territoires groupés ou non, la possibilité avec la France, d’un ensemble communautaire où chacun disposerait de son autonomie mais où les affaires importantes seraient gérées en commun. Pour y parvenir, le général se lance dans une campagne pour le « Oui ! », Modibo est obligé de le suivre comme tous les autres excepté Hamed Sékou Touré de la Guinée, qui a pu obtenir la victoire massive du « Non ! ».
-Octobre 1958, la République soudanaise est proclamée et Modibo Keita qui a fait campagne à travers le pays pour le « Oui » est choisi pour diriger la présidence du gouvernement.
-Au cours de l’année 1958, une crise éclate au sein du RDA entre les fédéralistes et les antis fédéralistes. C’est dans ce contexte que se tient à Bamako une conférence dite des fédéralistes. Elle réunit quatre Etats : Le Soudan (actuel Mali), le Dahomey (actuel Bénin), la Haute-Volta (actuel Burkina Fasso) et le Sénégal. Le but est de créer les modalités de la naissance d’une fédération regroupant les quatre Etats pour le départ vers l’unité africaine.
-Le 17 janvier 1959, les quatre nations proclament à Dakar(Sénégal) la création d’un Etat fédéral baptisé, la Fédération du Mali.
Ce jour, de victoire, Modibo Keita fait savoir aux autres : « L’Afrique consciente, celle qui évolue par ce qu’elle a des nouvelles perspectives, celle qui veut avoir sa personnalité propre pour jouer une rôle déterminant dans la lutte gigantesque entre les forces de destruction et celle de paix soucieuse de la libération de l’homme de la faim et de la maladie. Notre Afrique pacifique et humaine contre vents et marrés mobilisera toutes ses ressources pour réaliser son unité. ».
Mais sous le poids de la côte d’Ivoire, le Dahomey et la Haute-Volta se retirent de la fédération. Un échec encore !

Les deux pays (le Sénégal et le Mali) fortement engagés sous l’égide de Senghor et de Modibo vont mettre en place les institutions qui vont régir leur fédération.

Modibo en devient président du gouvernement secondé par Mamadou Dia tandis que Senghor est président de l’assemblée fédérale.
« Nous les sénégalais avons refusé de prendre la présidence du gouvernement. Nous avons pensé que pour le Mali, qu’il fallait que ce fut un soudanais, un Modibo Keita. Si c’est à refaire, nous le recommencerions.», déclare Senghor. C’est dans ce climat d’euphories, d’amitié et de confiance que le 18 juin 1960 sous la conduite de Senghor, la délégation du Mali engage des discussions avec la France en vue de l’indépendance.
-Le 20 juin 1960, Léopold Sédar Senghor proclame l’indépendance de la fédération du Mali en grande pompe.
Mais comme la fédération du Mali allait contre la volonté de la France à balkaniser l’Afrique, des dissensions ont vu le jour et le Sénégal à son tour quitte la fédération avec fracas.
Selon d’autres, la réelle cause fut que les deux leaders étaient d’options politiques différentes. Modibo était un marxiste scientifique et Senghor, socio-démocrate. Ils n’ont pas pu épouser leurs idées…
Modibo se lance encore dans la lutte pour convaincre le Sénégal à revenir car « une querelle personnelle n’arrange pas l’ensemble», dit-il. Modibo tente par tous les moyens mais en vain puisque le Sénégal a tourné la page.
-Septembre 1960, c’est la rupture de Modibo avec la France. Il accuse la France d’être à la base de l’éclatement de la fédération.
-Le 22 septembre 1960, il proclame l’indépendance du Mali et adopte contre la volonté du gouvernement français avec laquelle tous les liens politiques et économiques sont rompus, l’option socialiste du coté URSS.
-Du 22 au 26 mai 1963 à Addis Abeba ( capitale de l’Ethiopie), il réussit avec ses compagnons de lutte à réunir une trentaine de ses pairs pour la création de l’organisation de l’unité Africaine.
L’Allemagne fédérale a beaucoup aidé le Mali à prendre sa voie vers l’émergence dont le cours est rompu le 19 novembre 1968.
-19 novembre, le lieutenant Moussa Traoré organise un coup d’État et renverse Modibo Keïta qu’il envoie en prison à Kidal. Depuis ce jour le Mali tangue et l’Afrique peine à s’unir pour tout au moins s’assurer la vraie l’indépendance. Modibo Keïta meurt en détention à Bamako le 16 mai 1977 à l’âge de 62 ans dans des circonstances suspectes. Modibo Keïta est réhabilité en 1992 à la chute du régime de Moussa Traoré par le président Alpha Oumar Konaré.
L’histoire de l’unité africaine ne donne-t-elle pas raison à Modibo ?

Réalisé par Issiaka Mamoudou Biga Tamboura avec le concours des archives d’Afrique et de la République du Mali.
Le 22 septembre 2013 pour Maliactualités.



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