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Hommage à un illustre disparu : Abdoulaye Ly, l'homme politique et l'historien


Rédigé le Jeudi 6 Juin 2013 à 20:58 | Lu 990 fois | 0 commentaire(s)



VIPEOPLES.NET Né le 25 février 1919 à Saint Louis du Sénégal, Abdoulaye Ly présente le double visage d’un historien et d’un homme politique. Par la profondeur de sa production théorique et la constance de son engagement politique, il est un des penseurs qui ont le plus influencé l’histoire intellectuelle de l’Afrique occidentale francophone. Abdoulaye Ly a fait ses études primaires et secondaires entre sa ville natale, alors capitale de l’Afrique occidentale française et Dakar. Il a fréquenté les Cours secondaires de Dakar et il a eu comme promotionnaires le dahoméen (aujourd’hui béninois), Louis Béhanzin, devenu ministre dans la Guinée indépendante et le togolais Louis Amorin, avocat célèbre, tous les deux engagés dans la lutte nationaliste en Afrique. Après l’obtention du baccalauréat en 1938, il poursuivit ses études supérieures en France.


Hommage à un illustre disparu : Abdoulaye Ly, l'homme politique et l'historien
  Avec l’éclatement de la deuxième guerre mondiale en 1939, en sa qualité de citoyen français, il fut appelé sous les drapeaux. Cette mobilisation lui a valu quatre années d’interruption des études. Après l’expérience de la guerre  et avec le soutien de son épouse médecin, Madeleine Laurent, il partage sa vie entre la vie militante et l’étude de l’histoire et la  recherche académique.  Initiateur du cercle de réflexion intellectuelle (Groupement africain de recherches économiques et politiques - Garep), il est aussi un membre actif de la Feanf (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France) où il a rencontré  certains compagnons comme Amadou Mahtar Mbow,  historien et géographe, ancien directeur général de l’Unesco et Cheikh Fal, ingénieur,  fondateur de la Compagnie aérienne Air Afrique, entre autre.  Entre 1946 et 1951, il  joua un rôle de fédérateur dans le processus d’unification  des jeunes étudiants d’Afrique noire évoluant en  France, tous impliqués dans le mouvement nationaliste africain.

Après l’obtention d’une licence et d’un diplôme de hautes études en histoire à l’Université de Montpellier, il s’inscrit à l’Université de Bordeaux pour des études doctorales sous la direction du Professeur, Gaston Martin, spécialiste de la traite négrière. Dans la conduite de ses recherches, il séjourne dans les villes portuaires françaises (La Rochelle, Nantes, Le Havre) pour dépouiller les archives de la marine et des bateaux de commerce reliant l’Europe, l’Afrique et l’Amérique.
En 1951, il est recruté comme Assistant à l’Institut français d’Afrique noire.  En 1955, il est le premier sénégalais titulaire d’un doctorat d’Etat ès lettre en histoire.  Publiée en 1959, sous le titre La Compagnie du Sénégal, cette thèse offre le cadre d’une  étude  de l’évolution du commerce de la Sénégambie du XVIIe au XVIIIe siècle.   C’est un ouvrage magistral sur la traite négrière et les formes de connexion capitaliste des continents qui s’inscrit dans la dynamique  des travaux de l’école de la dépendance et préfigure la mondialisation.  De son retour au Sénégal en 1951 jusqu’en 1956, il se met en retraite politique, pour construire un  cadre de réflexion et d’analyse des problèmes africains.  En 1956, il publie  Les Masses africaines et l’actuelle condition humaine,  un livre remarquable qui suggère une lecture panafricaniste du développement à partir de la   perspective théorique marxiste.  
Son entrée en scène politique est marquée par le ralliement, avec ses amis du Garep,   du  Bloc démocratique sénégalais de Léopold Sédar Senghor. Sous le gouvernement de la loi-cadre mis en place en 1957, il est ministre de la production. Mais   sa fidélité à l’indépendance  l’amène avec Amadou Mahtar Mbow, Assane Seck,  Abdoulaye Gueye Cabri et Thierno Ba, entre autres, à créer, en 1958, le Parti pour le Regroupement africain (PRA)/Section –Sénégal. secrétaire général du PRA/Sénégal.  Abdoulaye Ly  est alors  le porte étendard de l’aile nationaliste radicale engagée dans la lutte contre le colonialisme français en Afrique.   Il s’oppose  au présidentialisme néocolonial. Il en paie le prix d’une détention politique entre 1963 et 1965.  En 1966, le PRA/Sénégal intègre l’Union progressiste sénégalaise de Léopold Sédar Senghor. Il entre dans le gouvernement et assure, entre 1966 et 1970,  les fonctions de ministre de la santé et de l’action sociale.


Son expérience de  ministre l’amène à découvrir un système politique post indépendance moulé dans le présidentialisme néocolonial, négation de la démocratie réelle et citoyenne. Ses ouvrages  sur le système politique déconstruisent le mécanisme de gestion personnalisée du pouvoir mis en place dans la plupart des pays africains indépendants. Il a poursuivi sa  carrière de chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) entre 1951 et 1977. Prototype de l’intellectuel dissident, il publie en 1992, les Regroupements politiques au Sénégal (1956-1970), considérés comme une autobiographie politique. Cet ouvrage est complété par Dialogue avec Abdoulaye LY, Historien et Homme politique sénégalais, publié en 2001. Ces deux ouvrages offrent des repères pour comprendre l’évolution politique et intellectuelle du Sénégal contemporain.


Doté d’un esprit scientifique aiguisé, il a produit une quinzaine d’ouvrages écrits entre 1955 et 2008 sur l’histoire politique, économique et sociale du Sénégal, les conditions de l’unité africaine et les tâches de l’élite.  Le philosophe sénégalais Djibril Samb a porté sur lui ce témoignage : Abdoulaye Ly est un homme libre. Il y a chez lui comme un effort permanent de conciliation entre les exigences du statut d’historien, formé au culte de l’établissement minutieux des faits, et celles liées à la qualité de citoyen, imbu de valeurs traditionnelles, comprenant la gravité de la parole proférée, par essence immarcescible, surtout lorsqu’elle est infamante.


Son dernier ouvrage  paru  en 2008 sous le titre « Pour une politique novatrice de gauche en Afrique : Réflexions d’un vieux militant sur les conditions de cohérence et de tolérance, reste un viatique pour l’Afrique en quête du progrès social, de la liberté et du développement durable. Abdoulaye Ly s’est reposé ce vendredi 31 mai 2013 après avoir assumé l’exacte mesure de la responsabilité d’un intellectuel africain engagé dans la lutte pour l’émancipation et le développement du continent africain.
* FASTEF/Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal
 
 
Liste de quelques ouvrages de Abdoulaye Ly
Les Masses africaines et l’actuelle condition humaine. Paris : Présence africaine, 1956.
L’Etat et la production paysanne. Paris : Présence africaine, 1958.
Mercenaires noirs. Paris : Présence africaine, 1958.
La compagnie du Sénégal. Paris : Présence africaine, 1959.
Un navire de commerce sur la Côte sénégambienne en 1685. Dakar : IFAN, 1964.
L’Emergence du néocolonialisme au Sénégal. Dakar : Xamle, 1981.
Sur le présidentialisme néocolonial au Sénégal. Dakar : Xamle, 1983.
Les Regroupements politiques au Sénégal (1956-1970). Dakar : CODESRIA [Diffusion Karthala, Paris, 1992.]
La Compagnie du Sénégal. Nouvelle édition revue et augmentée. Paris : Karthala, Dakar : IFAN Ch. A. Diop, 1993.
La Théorisation de la connexion capitaliste des continents. Point de vue d’historien. Dakar : IFAN Ch. A. Diop, 1995.
D’où sort l’Etat présidentiel du Sénégal ? Saint-Louis : Editions Xamal, 1997.
La Gauche africaine devant ses anciens mots d’ordre clés sur le projet de société. Saint-Louis : Editions Xamal, 2001.
Dialogue avec Abdoulaye Ly – Historien et homme politique sénégalais (conduit par Babacar Fall et al.), Dakar, IFAN CAD/ENS & SUD FM, 2001
Pour une politique novatrice de gauche en Afrique : Réflexions d’un vieux militant sur les conditions de cohérence et de tolérance. Dakar : NEAS, 2008.

Par: Babacar Fall


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