Fatoumata Cissé Diarra, directrice des Archives du Sénégal


Rédigé le Samedi 16 Mars 2013 à 23:38 | Lu 987 fois | 0 commentaire(s)



Mme Fatoumata Cissé Diarra, nommée au mois de mars dernier à la direction des Archives nationales du Sénégal, a accepté de nous dévoiler un pan de cette institution précieuse. L’opportunité de cette visite guidée dans les arcanes des Archives du Sénégal est d’autant plus appréciable que la communauté internationale célèbre, aujourd’hui, 8 juin, la 6ème édition de la Journée internationale des archives, sur le thème « Archives, administration publique et transparence ».


Fatoumata Cissé Diarra, directrice des Archives du Sénégal
Une certaine image renvoie, sur le sujet des archives, un décor vieillot, des documents poussiéreux, entassés sur des étagères, dans quelques réduits oubliés, relégués. Et pourtant, les archives, comme nous le rappelle Mme Fatoumata Cissé Diarra, permettent de connaître le passé. On a recours aux archives à de nombreuses occasions, pour des recherches historiques, la référence à des identités, trouver des sources au sujet d’une histoire nationale ou même individuelle.
Il va sans dire que les archives doivent être absolument bien classées, sous peine de les perdre et en même temps des repères importants, parfois vitaux pour la vie de toute une communauté.  « Un document perdu, fait perdre du temps, il faut alors procéder à sa reconstitution, ce qui n’est pas toujours évident ».

Les Archives du Sénégal, c’est le nom officiel de cette institution logée sur l’aile droite du building administratif à Dakar. Il s’agit d’un complexe documentaire regroupant, outre le service des archives sous l’appellation d’archives nationales, un service d’accueil, un service informatique, de communication et un grand service des appuis techniques (micrographie, iconographie, atelier de reliure et restauration).

Des milliers de documents jaunis par le temps
En visitant les locaux, particulièrement les bureaux qui se trouvent au rez de chaussée du building administratif, le visiteur est loin de se douter qu’un long souterrain court sous ses pieds, traversant pratiquement la longueur de ce grand bâtiment. A l’origine, en 1954,  l’aménagement des archives était prévu pour accueillir « 8 kilomètres linéaires », souligne la directrice, Mme Diarra. C’est une sorte de cave aérée et éclairée où sont stockés sur des étagères, rangés dans des boites spéciales, des milliers de documents jaunis par le temps et le climat. Certains d’entre eux ont traversé deux à trois siècles. Le record de longévité dans ces archives est détenu par le récit d’un explorateur daté de 1672.

C’est un fonds très riche qui constitue le patrimoine national, outre la bibliothèque administrative, historique et juridique qui fait office de bibliothèque nationale (ndlr, c’est une institution qui n’est pas encore créée, elle n’existe que sur le papier), en appoint, un centre de documentation administrative et juridique fait face à la direction.
« Nous avons quatre fonds. A sa création en 1913, c’était le Service des archives du Sénégal, comme on en trouvait dans tous les chefs-lieux des colonies de l’Aof, et au sommet, un Service des archives de l’Aof », indique Mme Diarra.

«  On a une chance, ici, au Sénégal. C’est une exception. Au moment de la décolonisation, les européens, les français en particulier, sont partis avec les archives, mais celles de l’Aof sont restées, ici, à Dakar. C’est pourquoi nous les gérons ».
Une autre partie des archives de l’état civil de l’Aof est à Nantes et à Aix-en-Provence, en France.
La directrice, Fatoumata Cissé Diarra, formée à l’Ebad (major de  promotion en 1985) a, depuis l’année 2000, bouclé une formation en Conservateur des archives.
Les archives, ce sont ces documents sécrétés dans le cadre  des activités d’une personne physique ou morale. Elles forment un tout ; on ne peut pas les dissocier.
« C’est ainsi que les archives gardées à Nantes sécrétées dans le cadre de l’Aof, sont, à ce titre, des archives en partage entre les différents Etats, ex colonies de l’Aof et la France elle-même.
A côté de ce fonds de l’Aof, il y a le fonds documentaire du Sénégal colonial. Il commence en 1816 et s’étend jusqu’en 1858.
Lorsque les premiers explorateurs sont arrivés à Dakar en 1816, ils ont commencé à mettre en place une administration et à générer des documents qui sont devenus des archives précieuses au fil du temps. En 1895, quand l’administration française a fédéré les colonies sous l’Aof,  elle a produit un fonds documentaire qui a existé parallèlement au fonds du Sénégal colonial. L’Aof, de 1895 à 1959 avant l’indépendance, constitue un autre fonds où l’on répertorie l’éphémère Fédération du Mali. Un quatrième fonds concerne le Sénégal moderne, notamment les archives nationales (archives de l’Etat) et les archives régionales (services régionaux d’archives).

La responsabilité des structures administratives 
La direction des archives du Sénégal est l’organe de l’Etat compétent pour toute question d’archives (Loi du 3 juin 2006). A ce titre, elle doit recevoir les documents et archives générés dans les différentes administrations sénégalaises. Selon la loi, il y a différents âges pour ces archives. Dans le premier âge, il y a les documents courants qui sont dans les bureaux et qui servent à l’instruction des dossiers. Ils doivent être à portée de main dans toutes les administrations.
Les archives intermédiaires rassemblent les documents qui ne sont plus d’utilisation courante et qui ont entre cinq et dix ans d’âges. Elles sont gérées en dépôt de « pré-archivages », sous la responsabilité des structures administratives de l’Etat. Elles  peuvent ainsi servir à des références épisodiques.
« Actuellement, nous ne pouvons plus prendre des versements  de documents vu la saturation de nos locaux depuis belle lurette. Ces locaux ont été aménagés en 1954 pour une capacité initiale de 8 kilomètres linéaires. Aujourd’hui, nous avoisinons les 18 kilomètres linéaires », déplore Mme Diarra. 
La saturation de l’archivage a même touché l’annexe des Archives du Sénégal, sur la rue Moussé Diop.
La solution, c’est vivement la construction d’une Maison des archives. « On aimerait vivement que les autorités prennent en charge la construction de la Maison des archives. Nous parlons souvent de dématérialisation, c’est bien ; mais si le document est numérisé et qu’on remette en place les documents qui manquent d’espace, cela ne résout rien », soutient la directrice des Archives du Sénégal.
La consultation des archives est généralement d’accès libre. Les visiteurs ne désemplissent pas d’ailleurs dans les locaux réservés à la lecture. Le silence est de rigueur entre les box. Au long de la journée, les élèves et étudiants, chercheurs, historiens, sociologues et scientifiques de tous bords viennent se documenter sur les planches de l’histoire.
Cependant, l’accès n’est pas ouvert à tous les documents. 
La dernière Loi d’archives de 2006  a ramené, de trente à vingt cinq ans, le délai autorisant la consultation publique des archives. Celles concernant la sécurité de l’Etat, ainsi que les documents nominatifs sur la vie privée, les dossiers d’instruction juridique, etc.,  ont un délai spécifique. Ils sont consultables,  selon les cas, entre 30 et 50 ans après la date d’élaboration des documents, après le départ à la retraite (pour actes médicaux), après la clôture des dossiers d’instruction  judiciaire, ou après la date de l’acte, en ce qui concerne les secrets industriels et commerciaux. Le grand souci de la direction demeure l’exigüité des locaux, ou leur inexistence, particulièrement pour les régions.

C’est ainsi que dans leurs grands projets, les Archives du Sénégal tiennent à la construction et à l’équipement des services régionaux d’archives. A l’heure actuelle, seuls existent  les services régionaux de Dakar, Saint-Louis, Thiès, Kaolack et Fatick. Il est plus que temps, aujourd’hui, de prendre en compte ces archives régionales logées généralement au niveau des gouvernances des régions et des collectivités. De nouvelles infrastructures, mais également un grand renouvellement du personnel, ce sont les objectifs que se fixe la direction des Archives du Sénégal. Celles-ci sont placées sous la tutelle de la Primature. En cette journée internationale, ces objectifs se signalent comme des priorités pour protéger le précieux patrimoine que l’histoire nous a légué.                             

 



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